Présenté comme un événement mondial exceptionnel (Paris, Saint-Denis et autres villes de France… ou de Polynésie du 24 juillet au 8 septembre 2024), les JOP sont le prétexte pour accélérer la mise en œuvre des politiques antisociales, ultra-libérales, néfastes pour la grande majorité de la population.
Les JOP mais aussi le Grand Paris Express font partie et accélèrent un projet global d’aménagement et de restructuration de la région parisienne et notamment du nord-est parisien. L’objectif est de surveiller davantage ou d’envoyer les classes populaires de ce territoire le plus loin possible. Aubervilliers, Saint-Denis, Saint-Ouen, L’Île-Saint-Denis, La Courneuve mais aussi d’autres villes de la Seine-Saint-Denis sont largement impactées.
Les JOP constituent un événement qui fait la part belle aux multinationales et au profit. La décision pour la ville d’accueil est prise par le Comité international olympique basé à Lausanne, une institution opaque qui impose ses critères qui n’ont rien à voir avec les besoins des habitant·es. Rappelons par ailleurs, qu’en ce qui concerne les Jeux 2024, Paris est restée seule en lice. Des villes comme Hambourg et Munich se sont retirées après l’organisation de référendums, Boston grâce à des mobilisations populaires, et Rome à la suite de l’élection d’une nouvelle maire. Rien de comparable n’a pu avoir lieu en France. Événement géré, avec la complicité des élus locaux, par le COJO, SOLIDEO, le ministère des Sports, une délégation interministérielle et sous l’égide directe de Matignon et de l’Élysée.
Il s’agit aussi d’une manifestation anti-démocratique, sans considération pour les populations locales et au mépris des droits humains. La participation aux Jeux d’un État génocidaire comme Israël en témoigne…
Un projet anti-social
Augmentation de loyers, expulsions de résident·es de squats et foyers (au moins 700 de L’Île-Saint-Denis), destruction de camps de Roms, réquisition de foyers étudiant·es, éloignement des sans-domicile fixe, des migrant·es et autres populations précaires, voilà les premiers impacts des JOP en matière de logement. Quant à la construction du Village olympique, nous demandons à voir comment il sera utilisé par la suite. Vu la publicité faite par les promoteurs, ces habitations ne sont pas destinées aux habitant·es racisé·es et populaires du territoire. La généralisation du système AirBnB augmente les prix et réduit les possibilités de location pour les populations locales.
L’aspect anti-social des JOP passe aussi par l’utilisation de milliers de bénévoles qui vont travailler gratuitement pendant cette période. Au lieu de créer des emplois, cet événement va contribuer à casser encore plus le droit du travail. Pourtant, la création d’emplois salariés n’aurait coûté qu’une partie infime du budget des JOP (voir l’Anticapitaliste n° 707 du 9 mai 2024).
Dans le cadre de cet événement, les employeurs, notamment dans le secteur public, restreignent sérieusement le droit de départ en vacances de leurs salarié·es pendant la période. Le cas des cheminot·tes, des personnels de santé, des salarié·es de Plaine Commune ou de la Protection judiciaire de la jeunesse ne constituent que quelques exemples. Il faudrait donc que celles et ceux qui travailleront pendant les JO acceptent des conditions de travail et de transports dégradés parce que « La Seine-Saint-Denis s’apprête à accueillir le monde ! », comme s’en vante le Conseil départemental.
Un projet sécuritaire, répressif, liberticide
La mise en œuvre de la loi JOP permet le développement et l’application d’une politique globale de surveillance des citoyen·nes qui risque de devenir permanente. Une surveillance qui s’accompagne des pratiques répressives et sécuritaires de plus en plus répandues.
Avec la Coupe de Rugby, la population de Saint-Denis a vécu une répétition générale de ce qui l’attend pendant les JOP. La loi du 19 mai 2023 relative aux Jeux olympiques et paralympiques 2024 a tout prévu. Non seulement elle autorise une ouverture encore plus large des magasins le dimanche, cassant encore un peu plus le code du travail mais elle ajoute aussi un paquet de mesure sécuritaires.
La loi du 19 mai 2023 relative aux Jeux olympiques et paralympiques 2024 autorise une ouverture encore plus large des magasins le dimanche, cassant encore un peu plus le code du travail mais elle ajoute aussi un paquet de mesure sécuritaires
Prenant comme prétexte les JOP cette loi autorise, dès sa promulgation, le 20 mai 2023 et jusqu’au 31 mars 2025, l’expérimentation de la vidéosurveillance intelligente des manifestations sportives, récréatives ou culturelles, scanners corporels à l’entrée des stades. Elle prévoit aussi la coordination des forces de sécurité y compris dans les transports en commun. Elle étend les compétences du préfet de police de Paris pendant la période des Jeux qui sera l’unique responsable de l’ordre public en Ile-de-France. Elle élargit la procédure de criblage (enquêtes administratives de sécurité) aux fan zones ainsi qu’aux participant·es aux grands événements. Elle rend possible les recours à des scanners corporels à l’entrée de stades et autres enceintes accueillant plus de 300 personnes. Le dispositif de contrôle par palpation est également maintenu. La loi permet aussi la systématisation des interdictions judiciaires de stade.
Il est clair que cette loi vient ajouter une série de mesures répressives à celles qui existaient déjà. Le fait qu’elle soit applicable dès sa promulgation et jusqu’en mars 2025 est révélateur. Il ne s’agit pas d’une loi qui vise la sécurité des athlètes et supporters mais d’une loi qui veut mater encore plus les citoyen·nes, normaliser et pérenniser les méthodes répressives et sécuritaires.
La population de Saint-Denis en fait déjà les frais. La municipalité est fière d’annoncer le recrutement de 120 policiers supplémentaires et l’installation de 400 caméras de vidéosurveillance supplémentaires, en 2024. À la violence de la police nationale et de la BAC, omniprésentes partout et tous les jours, s’ajoute celle de la police municipale armée et particulièrement zélée.
Transports en commun saturés, mobilités restreintes
Habitant·es, salarié·es, étudiant·es de la Seine-Saint-Denis sont habitué·es à des problèmes de transports en commun. La ligne 13 du métro, surchargée en permanence, constitue tout un symbole en matière de difficultés et de mauvaises conditions de transport. Tout le monde se demande comment cela va se passer pendant la période des JOP. Même les autorités doivent se trouver devant les mêmes questions. Sinon, comment expliquer leurs messages, partout, concernant le besoin d’anticipation des déplacements pendant cette période ou les suggestions diverses et variés de départ pendant cette période.
À la saturation s’ajoute pendant cette période d’autres inconvénients. À titre d’exemple, la station de métro Champs-Élysées Clemenceau qui relie Saint-Denis et Saint-Ouen au centre de Paris par la correspondance avec la ligne 1 sera fermée du 1er juillet au 21 septembre 2024. Nombreuses autres stations seront fermées pendant cette période. Pourtant, la RATP parle d’une offre supplémentaire de 15 % pour cette période…
Par ailleurs, l’augmentation du prix du ticket de métro à 4 euros l’unité, entre le 20 juillet au 8 septembre, ne concerne pas que les visiteurs. Toute personne n’ayant pas un abonnement Navigo devrait payer plus.
Projet écologique : une mauvaise plaisanterie
Les organisateurs des Jeux se sont engagés à émettre deux fois moins de CO2 que les JO de Londres en 2012. Or, douze ans plus tard, devant l’accélération et la gravité de la crise climatique un tel objectif n’est pas à la hauteur des enjeux. Comment un événement qui va faire déplacer 13 millions de personnes, dont une majorité en avion, peut-il être écologique ? Rappelons, pour l’exemple, aussi qu’au nom des JOP on a commencé à détruire les jardins ouvriers à Aubervilliers, on a utilisé une partie du Parc Georges-Valbon à Dugny pour construire le village des médias. Il y a aussi l’exemple dramatique de construction d’un échangeur d’autoroutes à proximité immédiate de l’école Anatole-France du quartier Pleyel à Saint-Denis…
Comment un événement qui va faire déplacer 13 millions de personnes, dont une majorité en avion, peut-il être écologique ?
Mépris pour les habitant·es et leurs besoins
Chômage, précarité, mal-logement, absence de services publics de qualité, c’est sûr que les habitant·es de la Seine-Saint-Denis ont d’autres soucis que les JOP. Toutefois dans un climat de plus en plus sécuritaire et répressif, ils/elles découvrent l’impact négatif des Jeux sur leurs conditions de vie et de travail, leur environnement, leurs possibilités d’accès au logement, aux transports, aux sports et à la culture.
Durant toute l’année scolaire 2023-2024, alors que la population était abreuvée de discours lénifiants sur le bienfait du sport et l’héritage à venir des installations, les élèves, les adhérent·es d’associations sportives ont été interdit·es d’accès aux installations en travaux. Alors que – triste constat ! – 60 % des enfants du département ne savent pas nager en entrant au collège (et 50 % à la sortie, record national), par manque de piscine, le coût du centre aquatique olympique aurait permis de construire 15 piscines ! Quant à l’accès à ce centre après les JO, promis à une gestion privée, il y a peu de chance que les élèves du bassin le fréquentent beaucoup ! Cela sera la même chose pour la piscine de Marville dont la gestion est également privatisée après sa rénovation pour les JOP.
Par ailleurs, dans un département où les besoins en services publics comme la santé et l’éducation ne sont pas satisfaits, les milliards dépensés pour les Jeux constituent un vrai scandale. Parents et enseignant·es qui se mobilisent, depuis des mois, pour un Plan d’Urgence dans le 93, sans être pris·es en compte et sans la solidarité des municipalités comme celle de Saint-Denis, sont particulièrement en colère. Ils/elles se trouvent face à des élus qui essaient de vendre à tout prix un projet « écologique de développement économique et territorial ».
L’absence d’une vraie consultation de la population locale n’a permis ni débat ni construction d’une opposition forte à ce projet. Toutefois des mobilisations existent autour des JO. En octobre 2023, des travailleurs et des travailleuses sans-papiers se sont mobilisé·es sur les chantiers de construction liés au JO avec le slogan « Pas de papiers, pas de JO » pour demander leur régularisation. De plus un comité de surveillance des JOP s’est constitué et certains projets tels que l’échangeur autoroutier à Pleyel, la destruction de jardins à Aubervilliers, le boulodrome de La Courneuve ont vu la naissance de collectifs d’habitant·es qui se battent pour défendre leur quartier contre les effets néfastes de JOP. Saccage 2024 essaye aussi, depuis quelques années, de mobiliser autour des effets négatifs des Jeux au niveau social, économique, écologique et démocratique.
Les JO sont une manne financière pour les entreprises de construction et les collectivités, afin qu’elles réalisent leurs grands projets d’infrastructures qui ne conviennent pas toujours aux habitant·es. N’attendons pas l’argent des grandes fêtes capitalistes pour rénover nos habitations et nos rues. Les grands projets doivent être faits pour les habitant·es, en concertation avec elles et eux, avec de l’argent public qui ne va pas dans les poches des capitalistes. Et cela dépend de nos mobilisations. o