Publié le Mardi 2 juillet 2024 à 12h00.

JOP et grossophobie

Les Jeux olympiques et paralympiques sont un des évènements les plus attendus de nombreuses disciplines sportives. Les athlètes s’entraînent pendant des années avec comme objectif d’y participer. Bien que très valorisé socialement, le haut niveau pose de nombreuses questions d’un point de vue de la santé : est-ce qu’il est sain de pousser aussi loin les corps des sportifs/ves ? Il implique une hygiène de vie stricte avec de nombreuses heures d’entraînement journalières et des régimes alimentaires spécifiques.

À travers le sport de haut niveau, l’activité de loisir est dévalorisée puisqu’elle ne correspond pas une mise en compétition des individus. Ces dernières années, nous avons vu des activités comme la marche en montagne se transformer là aussi en compétition avec le développement des trails, voire des ultra-trails. Les athlètes sont adulé·es, héroisé·es. Leurs corps, productifs, optimisés, minces parfois à l’extrême, sont mis en avant comme des idéaux de santé. Au contraire, les corps non minces, voire gros, sont jugés comme négligés et signe d’un mauvais état de santé.

Est-il bien avisé de juger que le sport de haut niveau transforme les corps en faveur des personnes qui les pratiquent ? L’écart entre l’idéalisation de la santé des athlètes et la réalité est importante car ils et elles vieillissent en général mal, leurs corps sont mis au service du sport en général depuis l’enfance et n’ont pas pu se développer de manière normale. Les articulations, les muscles, le squelette sont mis à rude épreuve pendant des années.

Du fait de régimes alimentaires strictes et de la pression à la réussite, de nombreux/ses athlètes développent des troubles du comportement alimentaire pour correspondre aux attentes en termes de poids. Pour cette même raison, les personnes menstruées sont souvent en aménorrhée, c’est-à-dire qu’elles n’ont pas leurs règles, comme les personnes souffrant d’anorexie.

Qu’est-ce que la valorisation du sport de haut niveau veut dire du corps idéal dans notre société ? Il doit être mince, sportif, sacrifié pour la réussite. Et au contraire, encore une fois les corps gros sont relégués à l’arrière-plan, celui de l’échec, du non-contrôle et d’une soi-disant mauvaise santé.

Alors que, pour de nombreuses personnes grosses, l’accès à une activité sportive n’est pas possible : manque de temps, de moyens, matériel non adapté à des poids supérieurs à 100 kg, entraîneurs/ses maltraitant·es… En dehors des joggings, les vêtements de sport dits « grande taille » (encore plus à partir du 48 chez les femmes) sont rares voire inexistants dans de nombreuses disciplines.

Là est toute l’ironie de l’injonction au sport pour les personnes grosses : se faire harceler à ce sujet « pour leur bien » et ne pas y avoir accès si elles le souhaitent. C’est un des effets de la grossophobie : une partie des équipements, des lieux et des activités sont inaccessibles pour les personnes concernées. Cette oppression se définit par une vision sociétale dépréciative des gros·ses, jugées comme fainéant·es, sales, idiot·es, et mène à des discriminations à l’embauche et dans le travail, du harcèlement moral, des maltraitances médicales… Dans la société capitaliste, les individus sont jugés sur leurs capacités à produire de la valeur, principalement par le travail, et doivent donc correspondre à un « idéal » de validité physique et mentale, ce qui produit la grossophobie comme le validisme et la psychophobie.

Nous devons combattre ensemble la grossophobie ainsi que les autres discriminations, liées par le système capitaliste et patriarcal qui exploite nos corps et les hiérarchise entre eux ! o

 

Sources :

S. Carrof, article « Poids », dans Encyclopédie du Genre, Ed. La découverte

S. Carrof Grossophobie : sociologie d’une discrimination invisible, éd. MSH.

G. Deydier, On ne naît pas grosse, éd. Goutte d’Or.