Publié le Vendredi 5 février 2016 à 11h56.

Justice : Un pas en avant dans le tout-sécuritaire

Christiane Taubira, la caution dite « sociale » du gouvernement a  finalement démissionné le 27 janvier du gouvernement Valls avec lequel les rapports étaient très tendus...

Cela faisait suite d’ un désaccord majeur autour de la déchéance de nationalité pour les binationaux nés en France. Aussitôt elle a été remplacée par un vrai ami personnel et politique de Valls, Jean-Jacques Urvoas.

Icône de la gauche ?

Rarement ministre n’aura suscité autant de passions. Souvent perçue comme plus à gauche que ses collègues ministres, moins « langue de bois », Christiane Taubira n’est pas novice en politique. Depuis son élection à l’Assemblée nationale en 1993, elle n’a cessé de jouer un rôle dans la vie institutionnelle : députée européenne de 1994 à 1999, puis candidate à la présidentielle en 2002. Elle était donc garde des Sceaux depuis l’arrivée au pouvoir de François Hollande.

Elle a fait avancer deux dossiers importants dans une société française immobile. En tant que députée, elle est à l’origine de la loi qui reconnaît la traite négrière et l’esclavage comme crimes contre l’humanité. Ministre, elle a défendu vigoureusement et obtenu l’adoption, dans un climat délétère, à la fois homophobe et ouvertement raciste à son égard, de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

Mais en matière de justice, le bilan est maigre. Elle a certes réussi à faire supprimer les peines planchers pour les récidivistes créées par Sarkozy, ou à faire adopter quelques aménagements de peines alternatives à la prison. Mais beaucoup de ses projets n’ont pas été réalisés ou ont été franchement combattus, comme la réforme du statut pénal du chef de l’État, la refonte de la justice des mineurs, ou la suppression de la Cour de justice de la République... Ce qui autorise le Syndicat de la magistrature à écrire : « il y a déjà longtemps que le gouvernement a démissionné en matière de justice » !

Icône de la droite ?

La droite et l’extrême droite ont sans surprise crié victoire (encore une !) à l’annonce du départ de la ministre. Et elles pourraient bien se réjouir de l’arrivée de Jean-Jacques Urvoas. « Monsieur sécurité » au PS, auteur d’ouvrages sur la sécurité, il a été rapporteur de la « loi renseignement » votée en 2015, un Patriot Act à la française.

Urvoas ne ménage pas sa peine pour défendre les services de renseignement, les encourager à intensifier leur travail d’espionnage de la population en réclamant toujours plus de nouveaux moyens. Sa vision de la justice se confond avec celle de la sécurité, qui justifie toutes les méthodes. Ainsi, a-t-il déclaré que, sur la sécurité, il fallait faire comme en Bretagne : « travailler au chalut ». Ce qui laisse prévoir que le ministère de la Justice ne désavouera pas les arrestations arbitraires et massives décidées par les agents du ministère de l’Intérieur. Pire il est un fervent partisan « de la fusion des deux ministères dans un grand ministère de la règle et du droit ». Demain la fusion des pouvoirs ?

Cette nomination renforce bien évidemment la ligne Valls, la priorité donnée à l’administratif sur le judiciaire. Elle nous rapproche toujours plus de l’État autoritaire dont ce gouvernement a besoin pour nous diviser et pour faire taire nos luttes contre la multitude de reculs sociaux qu’il nous impose afin de satisfaire, encore et encore, la quête de profit du patronat.

Roseline Vachetta