Publié le Vendredi 6 octobre 2017 à 18h51.

La construction du mouvement contre Macron avant le 10 octobre

De nouveaux éléments ont fait surface dans le cadre de la construction de la mobilisation contre la politique du gouvernement, autour du 10 et d’une prochaine journée de grève interprofessionnelle. Il s’agit pour nous de discuter des points d’appui qui existent pour construire la mobilisation.

La grève du 10 octobre est en train de se transformer  : conçue au départ comme une journée de la fonction publique indépendante de la mobilisation contre les ordonnances, qui concerne au premier chef le secteur privé, elle fait maintenant l’objet de nombreux appels à la grève hors des services publics. A la SNCF, Sud, la CFDT et l’Unsa appellent à la grève le 10. La CGT cheminots n’y appelle pas mais certaines sections le font. D’autant que la direction de l’entreprise provoque la colère en annonçant des suppressions de postes dans de nombreux établissements pour atteindre le chiffre de 4000 par an. 

De nombreuses unions départementales ou locales de la CGT appellent également à la grève : à Paris,  dans les Bouches du Rhône, la Seine maritime, la Loire atlantique, Val de Marne, Seine Saint-Denis, Puy de Dôme, Hautes-Pyrénées… Même si les appels de ce type de structures ne sont pas toujours suivis d’effets concrets, cela montre  la volonté de certaines équipes syndicales de construire une mobilisation interprofessionnelle. A cela s’ajoute l’appel de la fédération de la chimie. Le succès affiché de la mobilisation des routiers montre que la mobilisation est utile même si le gouvernement prétend rester dans le cadre des ordonnances avec la primauté possible à la branche. La Fédé CGT maintient l’appel au 10

Le 10 sera une grosse mobilisation, peut-être même plus importante que le 21 ou le 12 septembre, et pourrait changer le climat social dans le pays.

Des actions unitaires en perspective

Le deuxième élément dans le paysage, c’est la proposition de la CGT d’une nouvelle journée interprofessionnelle le 19 octobre. Cette date devrait être rendue publique lundi 9 octobre, après une réunion intersyndicale. L’inconvénient de cette date est qu’il s’agira encore d’une journée d’action sans plan pour gagner, sans reconductible, sans appel à l’auto-organisation, et qu’elle se déroulera quelques jours avant les vacances scolaires et pourrait être conçue comme un « baroud d’honneur » avant des négociations avec le gouvernement.

Mais pour les militantEs, la question ne se pose pas de cette façon. Il s’agit de discuter de comment, à partir du 10, construire un mouvement qui gagne une visibilité quotidienne, qui s’inscrive comme un mouvement en construction, avec comme ligne de mire le 19 pour passer à l’étape supérieure.

De ce point de vue, il y a un troisième élément, la pression unitaire. Celle-ci s’est exercée sur la France insoumise autour du 23 septembre, et  a eu comme conséquence l’appel de Solidaires à une réunion unitaire rassemblant syndicats, partis et collectifs le 4 octobre. La confédération CGT n’est bien sûr par venue, encore moins la FSU et les autres confédérations, mais étaient présents la fédération CGT de la chimie, l’UD de Paris, le syndicat du ministère du travail, de nombreuses structures de Solidaires et d’autres collectifs, la Fondation Copernic, le collectif Convergences services publics, le NPA, Ensemble, le M1717 de Hamon et même la France insoumise y a fait un passage éclair pour montrer sa présence tout en ne s’engageant sur rien. Cette réunion, malgré ses grands absents, a permis de discuter de la construction du 10, de la nécessité d’une grève reconductible interprofessionnelle. Une nouvelle réunion est prévue le 11 au soir pour discuter des suites.

Au Havre avait eu lieu en septembre un meeting unitaire avec Philippe Poutou, F. Ruffin et les syndicats, l’équivalent devrait avoir lieu à Toulouse le 19 octobre. La pression unitaire à la construction de la lutte peut être, dans certaines occasions, une pression sur ceux qui veulent agir pour se ranger derrière les structures les moins actives. Mais, aujourd’hui, c’est aussi  l’inverse qui se produit : elle est exercée par les équipes militantes qui veulent en découdre avec le gouvernement sur les appareils qui sont passifs.

Construire à partir de l’existant

On aurait tort de croire que la passivité des directions syndicales n’est que la conséquence de leur refus d'affrontement avec le pouvoir . Bien que la majorité des salariéEs soit opposée à la politique de Macron, l’immense majorité ne croit pas à la possibilité d’un affrontement gagnant contre le gouvernement. Beaucoup restent passifs/ves ou concentréEs sur des revendications sectorielles, sur les conditions de travail, les salaires… Fermeture de sites et suppressions de postes continuent d’être la toile de fond du climat social.

Dans la prochaine période, construire la mobilisation contre le gouvernement signifie pour nous combiner divers éléments : convaincre que prises ensemble les attaques gouvernementales modifieraient en profondeur l’ensemble des conditions de travail, d’existence  de la majorité des travailleurs, durablement ; Combiner le mot d’ordre de retrait des ordonnances, en particulier le CDI de chantier et l’inversion de la hiérarchie des normes, avec les revendications sectorielles (postes, sélection à l’université, salaires…).

Et donc convaincre de la nécessité d’un plan unitaire de construction de la grève générale, organiser des réunions ou meetings unitaires partout pour discuter de la construction du mouvement. Développer l’auto-organisation par les assemblées générales d’entreprises, de quartiers ou de villes. Entrainer le plus de secteurs possibles dans la grève du 10 octobre, par un travail de conviction quotidien, des tracts, des assemblées générales, des interventions, basculer dans la reconductible quand c’est possible à partir du 10 et autour du 19.

Cela se combine pour nous avec une discussion sur les facteurs politiques de la construction d’une mobilisation : la colère contre le gouvernement ne se limite pas à l’opposition aux ordonnances même si notre objectif est d’en obtenir le retrait. Il est donc probable que, si l’explosion sociale se produit, ce sera aussi sur des facteurs plus globaux, la nécessité pour chaque secteur de défendre ses revendications propres dans un mouvement d’ensemble, le rejet du mépris de classe du gouvernement, un œil qui changerait sur le processus en cours en Catalogne… L’enjeu du 10 octobre est en réalité que le climat social change, que touTEs comprennent que c’est le moment d’agir pour infliger une défaite au gouvernement.

Antoine Larrache