Publié le Jeudi 28 octobre 2010 à 23h10.

La garde à vue ne respecte pas les droits de l’homme

La Cour de cassation vient de rendre trois arrêts mettant en cause le régime actuel de la garde à vue.Trois arrêts rendus par la Cour de cassation, le 19 octobre, indiquant que la garde à vue n’était pas conforme à la Convention européenne des droits de l’homme, ont relancé le débat sur sa pratique. Ces derniers mois, plusieurs affaires médiatisées, la dénonciation de la situation de non-droit dans laquelle se trouvent les gardés à vue ont permis qu’elle soit remise en cause. Le fait que cela arrive à un moment où les interventions policières dans les manifestations sont plus que musclées, où les interpellations se multiplient, suivies, pour certaines, de gardes à vue et de déferrements, ne manque pas d’ironie. Et malheureusement, lors des comparutions immédiates, les peines de prison, fermes et avec sursis, pleuvent. Pour les personnes jugées en comparution immédiate, les procédures sont bâclées, les droits de la défense réduits à leur plus simple expression. Et lors des gardes à vue, qui concernent chaque année plus de 900 000 personnes, l’avocat, dans les dispositions actuelles, ne peut que rappeler ses droits à la personne concernée. La Cour de cassation estime que les exigences d’un procès équitable et des droits de la défense requièrent des garanties procédurales rendant effectif le droit pour toute personne gardée à vue de se taire et d’être assistée d’un avocat. Cette décision suit les recommandations formulées par le parquet général le 7 octobre. Celui-ci s’était également prononcé pour que l’avocat puisse assister aux interrogatoires de son client pour les infractions de droit commun, ainsi qu’à l’ensemble des actes d’enquête auxquels il participe activement, notamment la confrontation et la reconstitution des faits. La durée de garde à vue est de 48 heures maximum en règle générale, mais peut s’élever jusqu’à quatre jours en matière de terrorisme, de trafic de drogue et de criminalité organisée, avec accès possible à l’avocat seulement à la 72e heure. La Cour de cassation estime que « la restriction du droit pour une personne gardée à vue d’être assistée dès le début de la mesure par un avocat [...] doit répondre à l’exigence d’une raison impérieuse, laquelle ne peut découler de la seule nature de l’infraction », mais elle n’interdit pas formellement les dérogations. Le 14 octobre, la Cour européenne des droits de l’homme avait elle aussi rendu un avis rappelant notamment que « la personne gardée à vue a le droit d’être assistée par un avocat dès le début et pendant les interrogatoires, y compris pour les régimes dérogatoires – criminalité organisée, terrorisme, stupéfiants ». La chancellerie a élaboré un texte modifiant le code de procédure pénale sur le régime de la garde à vue. Ce projet, largement insuffisant, maintient notamment les régimes dérogatoires (criminalité organisée, stupéfiants et terrorisme), ne sera mis en application qu’au 1er juillet 2011, ce qu’entérine par contre la Cour de cassation. Ce qui signifie que le régime actuel va perdurer encore neuf mois. Et par ailleurs, la ministre de la Justice prévoit la création d’un régime d’audition dite « libre », sans avocat, créé pour remplacer les interrogatoires coercitifs. Cette disposition est considérée, à juste titre, par les avocats, comme une façon détournée de préserver l’ancien régime de garde à vue. L’augmentation des gardes à vue ces deux dernières années s’expliquent par la politique du chiffre du ministère de l’Intérieur. Ce régime s’appliquant de façon massive, le nombre de personnes concernées a augmenté. La population a pu prendre conscience de ce que cela signifiait en pratique : maltraitance des personnes arrêtées et non-respect des droits de la défense. Anne Leclerc