Publié le Mercredi 20 septembre 2017 à 12h09.

La justice blanchit les amianteurs

En cas d’accident du travail, il y a en général un lien immédiat entre l’accident et la blessure, voire le décès. Pas besoin d’être un expert pour comprendre que les choses sont différentes pour les maladies professionnelles : le plus fréquemment, la maladie n’est diagnostiquée qu’après un certain temps d’exposition dont la date précise peut ne pas être simple à déterminer. L’Institut national du cancer (INCA) – qui n’est pas un repaire d’extrémistes – précise sur son site : « Les cancers professionnels apparaissent souvent une fois la retraite venue. En effet, le temps qui s’écoule entre la première exposition au risque et l’apparition du cancer est souvent long (plusieurs dizaines d’années après la cessation de l’activité exposant aux risques) ». Sur ce même site, l’amiante est qualifié d’« agent cancérogène certain ». Il s’agit là de faits reconnus par tous les scientifiques et qui devraient pouvoir engager la responsabilité de ceux qui ont décidé ou couvert l’utilisation de l’amiante. Mais, apparemment, ce n’est pas l’avis de la justice.

Deux décisions judiciaires récentes viennent ainsi d’exempter de poursuites des décideurs (patrons, hauts fonctionnaires, etc.) qui ont autorisé ou cautionné l’usage de l’amiante avec comme résultat des cancers avérés. Les motifs de ces arrêts ? Pour la Cour d’appel de Paris (arrêt du 15 septembre), les connaissances sur les dangers de l’amiante « ne se sont pas imposées de façon évidente et indiscutée » et « la perception de la particulière gravité du risque était en outre obstruée par la durée de latence des pathologies en rapport avec l’amiante ». Les juges d’instruction du pôle santé publique estiment quant à eux (décision du 13 juin) que la date d’intoxication à l’amiante étant incertaine, il serait impossible de savoir qui était, alors, aux responsabilités et donc de poursuivre qui que ce soit !

L’Andeva (Association nationale des victimes de l’amiante) dénonce à juste titre ces décisions iniques et va poursuivre son combat contre ce que la scientifique Annie Thébaud-Mony a qualifié de « permis de tuer dans le monde du travail ». Ce combat mérite tout notre soutien, surtout dans un contexte où les ordonnances Macron vont supprimer les CHSCT, acquis en matière de santé au travail.