Dans nos services, les mobilisations du 10 et du 18 septembre ont agi comme des catalyseurs, marquant l’épuisement des soignantEs, entre conditions de travail difficiles voire impossibles, manque de personnel et stagnation des salaires…
Le budget de la Sécu proposé par Bayrou prévoyait une économie de 5,5 milliards d’euros. Derrière ce chiffre, fermetures de lits, salaires bloqués, manque de personnels… et maltraitance des malades. L’écart se creuse entre ce que nous aimerions proposer en termes de qualité de soins et d’accueil des patientEs et ce que nous pouvons réaliser sur le terrain. Et quand l’écart devient un gouffre, alors on craque. À cela s’ajoutent la question des deux jours de congé volés, l’attaque sur les arrêts maladie… Bref, les raisons de se mobiliser, par la grève et les manifestations, sont nombreuses.
La loi du silence
Mais à l’hôpital public, la nécessité de maintien du service rend la question de la grève particulièrement difficile à poser. Le droit de grève des soignantEs a été gravement attaqué. L’encadrement est autorisé à nous assigner pour maintenir un effectif minimum. Problème : nous sommes en permanence en effectif minimum.
Il est loin le temps où pouvait exister un différentiel entre un effectif « de semaine » pour les soins programmés et un « de week-end » pour les soins d’urgence. Nous sommes, ironiquement, en week-end permanent. Certaines professions en tension dans les services les plus sous-dotés seront donc constamment assignées et, en définitive, privées de façon permanente de leur droit de grève. Sans compter les abus : une fois attaqué, il est toujours surprenant de constater la vitesse à laquelle un droit devient un privilège qu’on accorderait selon la volonté des cadres. Faire grève à l’hôpital est presque devenu un impensable.
Pourtant, il faut bien se faire entendre ! Brassard, banderoles aux fenêtres ou sur les grilles, tracts et piquets d’information des patientEs et de leurs familles, c’est bien le service minimum ! Mais nous pouvons faire mieux… D’ailleurs nous le devons.
C’est le moment d’y aller, par tous les moyens !
Nous devons donc insister sur les différentes modalités d’action qui ont fait mal aux directions. Par exemple, par la grève administrative du codage des actes qui conditionne le financement des hôpitaux : en 2019, le Collectif Inter-Hôpitaux avait appelé à la « grève du codage » à Marseille, Brest, Rennes, Montauban… L’AP-HP a ainsi subi une perte de près de 300 millions d’euros, soit 17 % de ses recettes ! Une manière de faire pression sans mettre en danger les patientEs.
Les conditions de travail rendent parfois les personnels littéralement malades. Alors, le dépot en masse d’arrêts de travail traduit un réel épuisement des personnels. Une forme de résistance qui avait beaucoup fait parler d’elle, comme aux urgences du CHU de Toulouse Purpan en 2019, ou aux urgences psychiatriques, toujours à Toulouse, en février 2024.
Enfin, il faut s’appuyer sur les usagerEs, les familles, des manifestantEs qui braquent le projecteur sur la santé maltraitée. Descendre les lits d’hôpitaux devant l’ARS, en centre-ville, ou pendant une manifestation. Une action symbolique pour dénoncer le manque de lits, de personnels et de salaires. Cela peut se faire avec le mouvement « Bloquons tout », les manifestations syndicales ou les rassemblements du Tour de France pour la santé.
Le 10, nous étions 8 % de grévistes à Toulouse, Lyon, ou à l’hôpital Tenon… autour de 5 % à Tours. Il faut continuer le travail syndical visant à créer du lien entre les soignantEs elleux-mêmes (comme en assemblée générale à Tenon ou à la Pitié-Salpêtrière), mais aussi avec d’autres personnes sur nos piquets de grève. Le 10, nous étions 300 devant l’hôpital Tenon pour protester contre le manque de moyens.
Nous avons les moyens de créer le rapport de force pour ne plus subir des conditions de travail invivables. Malgré tous les obstacles, des modes de mobilisation efficaces existent. Retrouvons le sens de l’action collective !
Aurélie-Anne Thos