Durant les crises capitalistes, les plus riches s’arrangent pour s’en tirer le mieux possible. Habituellement, certains perdent quelques plumes quand les bourses s’effondrent ou quand des entreprises mettent la clef sous la porte, mais l’essentiel du poids de la crise est supporté par les salariéEs et les petites entreprises. La crise actuelle est particulière : son moteur essentiel est la pandémie, les gouvernements et les banques centrales subventionnent à coups de milliards l’économie privée et les marchés financiers vont bien (après un petit coup de froid au printemps). Résultat : les grandes fortunes se portent au mieux. Celles qui se montent au moins à 50 millions de dollars (41 millions d’euros) sont au nombre de 176 000 dans le monde, et le premier trimestre 2020 n’a fait sortir que 120 personnes de cette catégorie. 3 700 de ces super-riches sont français.
Et ils consomment. Si les palaces sont désertés, les Porsche et surtout les Ferrari se vendent bien. Le bénéfice de Ferrari a augmenté en 2020. Autre secteur qui tire son épingle du jeu : l’aviation privée qui permet d’échapper à une grande partie des contrôles douaniers et sanitaires et de ne pas être mélangé au « petit peuple ». Les clients ne sont pas seulement les PDG et les cadres très supérieurs mais la demande des riches particuliers et des familles explosent pour les week-ends et les prochaines vacances de Noël. Le premier prix pour un siège dans un avion de huit places de Londres à Courchevel est de 11 000 euros…
Selon la banque suisse UBS, la fortune des milliardaires français atteint 443 milliards de dollars et a quintuplé en dix ans (+ 439 % par rapport à 2009). Pour Gabriel Zucman, français professeur d’économie dans une université américaine et spécialiste des inégalités, trois facteurs expliquent la « prospérité » des très grandes fortunes françaises : une « fiscalité favorable », une « bonne entente avec les milieux politiques » et la « spécialisation dans les secteurs à très forte marge qui ont bénéficié de la mondialisation, comme le luxe ». Ces riches ont bénéficié des dividendes versés cette année par les grandes sociétés : en effet, bien qu’abreuvées d’aides publiques, les entreprises du CAC40 ont le plus souvent distribué des dividendes tout en multipliant les annonces de suppressions d’emplois en France et dans le monde.
Pour reprendre l’expression de Zucman, la « bonne entente » entre super-riches et dirigeants politiques règne pendant comme avant la crise. Ce qui permet à « l’argent magique » de continuer à couler vers eux. Cet « argent magique », qui n’existe pas pour les hôpitaux (comme aiment à le rappeler Macron et Véran), ne tombe pas du ciel mais du travail de la grande masse de la population.