Une chose trop sérieuse pour être confiée aux capitalistes et à l’État Les médias constituent à la fois un secteur parmi d’autres de l’économie et un élément clé de la domination capitaliste. Possédés et gérés par de grands groupes industriels et financiers – Dassault, Bouygues, Lagardère, etc. – ou par l’État, ils constituent pour la classe dirigeante un moyen d’imposer les questions dont il importe de débattre à tel ou tel moment (identité nationale, insécurité, etc.), d’en occulter bien d’autres et de distribuer la parole à des « éditocrates » proches des pouvoirs en place (Attali, BHL, Adler, Val, etc.). La classe capitaliste ne parvient pourtant qu’imparfaitement à faire passer sa propre conception du monde pour une vision universelle, du fait de mobilisations qui réussissent parfois à s’inviter dans le débat médiatique, de la ténacité critique de certains journaux ou journalistes (Denis Robert ou d’autres), mais aussi de la nécessité de maintenir l’illusion du pluralisme à travers l’apparition dans les médias – marginale il est vrai – de mouvements ou d’individus contestant l’ordre établi. Le NPA non seulement combat la réduction de l’information à une marchandise mais, plus précisément, lutte pour que le contrôle de la presse ne soit plus une prérogative des capitalistes et du gouvernement. Pour cela, il faut abolir la propriété privée des moyens d’information et instaurer – dans le secteur des médias comme dans l’ensemble du secteur public – un pouvoir des travailleurs et des usagers, seul moyen de créer les conditions d’un véritable pluralisme et d’une indépendance réelle de la presse à l’égard de tous les pouvoirs. Médias aux ordres et concentrationLe contrôle des moyens d’information est à ce point crucial pour la reproduction de la domination capitaliste que Sarkozy, en commis fidèle du grand patronat, a fait des médias l’un de ses principaux objets de « réforme ». L’action du gouvernement s’est d’abord traduite dans des mesures visant à assurer un contrôle plus strict sur la direction des médias « publics ». Depuis la loi promulguée en mars 2009, c’est ainsi au président de la République qu’il revient de nommer directement le président de Radio France, de France Télévisions et de l’Audiovisuel extérieur de la France qui fédère RFI, TV5Monde et France 24. La deuxième dimension de cette politique consiste – comme l’ont montré les « États généraux de la presse écrite » (dominés par les patrons de presse) – à satisfaire les intérêts des grands groupes de presse en proposant d’assouplir les règles en matière de concentration de la presse et en favorisant ainsi l’avènement de grands groupes multimédias. Le gouvernement actuel s’applique chaque jour, en restreignant l’indépendance des rédactions des médias nationalisés, à nous rappeler que secteur public ne veut pas dire service public, et qu’il est urgent non seulement de contester la propriété privée des médias mais d’imposer un contrôle des travailleurs et des usagers sur le secteur public d’information. Licenciements et précarité L’année 2009 se termine sur un très mauvais bilan pour l’emploi dans la presse écrite, l’audiovisuel, les agences, la distribution, etc. Comme dans les autres secteurs de l’économie, les grands groupes propriétaires de médias et l’État ont restructuré à tour de bras, au prétexte de la crise. La « réforme » de France Télévisions se traduira par des centaines de suppressions d’emplois ; les salariés de RFI sont toujours en lutte contre le dépeçage imposé par le ministère des Affaires étrangères ; dans les grands groupes de la presse magazine (Emap, Prisma, Lagardère Active-Hachette Filipacchi), les patrons ont ouvert des « guichets départs », mis en place des plans de licenciement rampants qui se traduisent par le non-renouvellement des contrats de dizaines de salariés en CDD ou la diminution du volume des piges des journalistes les plus précaires, tout en externalisant une partie des activités. La presse quotidienne nationale (dernier en date, Le Parisien) ne fait pas mieux, de même que la presse régionale qui restructure, licencie et abuse des contrats atypiques, tels ceux des correspondants locaux de presse qui n’ont même pas droit au statut de salariés. Endémique, la précarité joue pleinement son rôle d’amortisseur selon les vœux des patrons de presse : éviter des plans de licenciement trop voyants, augmenter la productivité des journalistes, employés, ouvriers et techniciens qui doivent compenser le départ des précaires (ceux-ci assurent de 30 % à 80 % du travail selon les formes de presse). Ces derniers mois, la riposte contre les licenciements n’a pas été à la hauteur et l’intégration des précaires se fait attendre. Malgré quelques mouvements, à Hachette par exemple, ou récemment à l’AFP, les intégrations se font au compte-gouttes. Unifier et remobiliser tout le salariat des médias contre les licenciements et contre la précarité est l’une des tâches urgentes de l’heure. Un service public de l’Internet Un service public garantissant un usage démocratique du réseau Internet doit donner à chacun les moyens de se connecter et ne pas laisser le marché structurer l’offre de contenus, en particulier dans le domaine de l’information. Une particularité de l’Internet, le faible coût de publication, a en effet favorisé l’escamotage du débat en semblant faire de la toile un pur espace de liberté et de gratuité. Chacun peut ainsi construire sa page personnelle et les groupes associatifs ou militants ont la possibilité (formelle) d’accéder à la visibilité sur Internet. Mais derrière cette illusion de gratuité et de pluralisme se dissimulent les conditions économiques nécessaires pour publier un média sur Internet susceptible d’atteindre un public large. Pour mettre en ligne un site attractif et riche en contenus, il faut en effet un système de publication et des outils performants, mais surtout des professionnels ayant les moyens d’enquêter, de rédiger, de filmer, de monter les images, de réaliser la maintenance de l’ensemble, etc. Or, étant seuls à disposer de ces moyens, les groupes capitalistes s’approprient la formidable liberté que pourrait représenter Internet. Bien sûr, la dynamique des logiciels libres ouvre une véritable opportunité de progrès en dehors du secteur marchand et toutes ces expériences doivent être encouragées. Mais cela ne saurait suffire pour faire d’Internet un véritable média démocratique. Seul un service public de l’Internet pourrait par exemple mettre des outils de publication à la disposition des associations, des partis politiques, mais aussi de travailleurs en lutte ou de populations n’ayant jamais accès à la parole publique. Un tel service public permettrait par ailleurs de financer, selon des logiques échappant aux impératifs de rentabilité à court-terme, la production/diffusion de contenus culturels sous forme multimédia. Loi Hadopi et droits d’auteur La loi Hadopi 2 est censée lutter officiellement contre le piratage et préserver les intérêts des auteurs : elle échoue deux fois. Juridiquement, elle remet en question plusieurs notions essentielles comme la possibilité d’un procès équitable, la présomption d’innocence ou encore la jouissance d’un droit fondamental reconnu par l’Union européenne. Techniquement, elle est inefficace car l’adresse IP sur laquelle elle repose n’est pas fiable ; il est par exemple possible d’usurper celle d’un réseau Wifi mal sécurisé. Démocratiquement, elle est dangereuse car elle instaure un système de flicage national de l’Internet ; une surveillance de toutes les communications électroniques (dont les messageries personnelles !) a même été envisagée avant d’être abandonnée devant le tollé général. Concernant les droits d’auteur, elle ne permet pas une redistribution plus équitable des richesses, qui restent majoritairement aux mains de l’industrie du divertissement ; pire, au travers d’un amendement, les journalistes qui étaient jusqu’à présent rémunérés à chaque publication sur tout nouveau support pourront dorénavant voir leur travail utilisé à l’envi pour une seule et unique rémunération. La loi Hadopi 2 ? Elle protège les intérêts des capitalistes, pas ceux des artistes… Le NPA, outre la suppression pure et simple de cette loi, défend l’idée d’une taxation des grands groupes multimédias de manière à financer autrement une culture non soumise à la logique des profits. Le CSA ou la voix de son maîtreLe Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) est, depuis 1989, l’organisme public chargé de contrôler les activités liées à l’audiovisuel (y compris les contenus). Ayant le statut d’ « autorité indépendante », cette instance est présentée comme garante du « pluralisme » et de la « démocratie audiovisuelle » en France. Cette démocratie audiovisuelle n’est pourtant que le faux-nez de la domination de la bourgeoisie sur les médias privés et du gouvernement sur les médias « publics ». Les membres sont nommés, pour une durée de six ans, par les présidents de la République, du Sénat et de l’Assemblée nationale. Les derniers nommés sont évidemment tous des proches du pouvoir sarkozyste, que ce soit Christine Kelly (un moment pressentie au gouvernement) ou Françoise Laborde, l’ancienne présentatrice du JT de France 2 qui, dans son dernier livre, écrivait notamment que les cheminots « défendent leurs avantages » et « n’ont jamais (…) stoppé (…) les trains de la mort qui emmenaient juifs et résistants vers les camps d’extermination ». Le président du CSA n’est autre que Michel Boyon, ancien des cabinets Léotard et Raffarin. L’attribution de fréquences reflète également cette mainmise des grands groupes privés sur l’audiovisuel. Lors du passage à la TNT en 2005, des télés associatives comme Zaléa TV ont proposé des dossiers pour acquérir les nouveaux canaux nationaux, mais ce sont les groupes AB et Lagardère qui, en toute « indépendance » du CSA bien entendu, ont emporté le morceau. On voit ainsi ce que vaut le « pluralisme » que cette instance est censée assurer et ce qu’il advient de la « démocratie audiovisuelle » sous contrôle capitaliste. Le NPA demande le démantèlement du CSA et propose qu’un nouvel organe, sous contrôle des travailleurs des médias et des usagers, soit créé pour réguler l’audiovisuel en France et assurer un véritable pluralisme.Mise au pas et privatisation de l’AFP Depuis plus de dix ans, les projets de restructuration de la plus vieille agence de presse du monde se sont succédé au rythme de l’arrivée de PDG nommés par un conseil d’administration aux ordres des grands groupes de presse et de gouvernements qui ne supportent plus les velléités d’indépendance de l’Agence France Presse. En ligne de mire aujourd’hui, le statut de 1957 qui empêche de transformer l’agence en source de profits pour des capitalistes avides de mettre la main sur une entreprise source d’une grande partie de l’information en France et en Europe. L’AFP, ce sont plus de 2 000 salariés qui se battent pied à pied contre le changement de statut, prélude à la privatisation. Le projet est de la transformer en société anonyme dont le capital serait détenu à 100 % par l’État. On connaît la chanson, et les exemples de France Télécom et de La Poste sont là pour nous la remémorer. L’actuel PDG, Pierre Louette, se répand dans les médias contre des salariés jugés conservateurs et privilégiés. Et le ministre Frédéric Mitterrand vient de nommer un groupe de cinq « experts », chargés de réfléchir à l’évolution de l’AFP et piloté par… Henri Pigeat, ancien PDG de l’agence, chassé par les salariés en 1986 après une longue grève. Lesquels salariés ont de nouveau fait grève, en novembre dernier, pour exiger la titularisation des centaines de journalistes et autres salariés précaires qui, depuis des années, collectent et traitent l’information dans le monde entier. Convaincu que l’ « indépendance » invoquée par Louette pour justifier ses projets n’est qu’un trompe-l’œil, le NPA appelle à signer la pétition en ligne (www.sos-afp.org) et à rester vigilants.