Publié le Samedi 7 avril 2012 à 22h53.

Logement : David contre Goliath

À Picon-Busserine (Marseille), l'arnaque nationale fait face à la résistance urbaine1. Depuis plus d’un an, les locataires des quartiers de Picon et Busserine et leurs associations CSF et CLCV, dans le 14e arrondissement de Marseille (quartiers nord), luttent sans relâche face à leur bailleur social, Logirem, et les partenaires politiques de l’Anru. Samedi 24 mars, avant de se rendre à Istres pour une journée dans les quartiers populaires, Olivier Besancenot est venu leur apporter le soutien des militantEs du NPA et de Philippe Poutou. Une trentaine de locataires sont venuEs échanger à propos de leur lutte, des solutions politiques à apporter, de la nécessité d’une solidarité entre les différents quartiers de Marseille concernés par des projets similaires.

C’est un peu David contre Goliath : d’un côté un bailleur qui se dit « social », appartenant au monstre financier Banque populaire-Caisse d’épargne (qui possède 4 milliards de titres des dettes publiques des pays périphériques européens), et de l’autre des habitantEs parmi les plus précaires de Marseille avec pour seules armes leurs associations, leur détermination et leur combativité. 

Alors que depuis des années, le quartier est laissé à l’abandon par Logirem, les habitantEs mépriséEs par les politiques, le ton a changé ces dernières semaines. Cela n’a été possible que par la lutte exemplaire que ces habitantEs ont menée. Ils/elles revendiquent aujourd’hui de bénéficier d’un loyer identique lors des déménagements dus aux destructions de bâtiments dans le cadre du Projet de rénovation urbaine (PRU) et de la signature d’une charte de relogement, obligation légale de l’Anru.

Les 117 millions d’euros investis pour le projet ne pourront pas « acheter » les habitantEs. Tout le monde comprend bien que cet argent (majoritairement issu de financements publics) n’a pas été investi pour le bénéfice des habitantEs mais bien pour mener une politique de chasse aux pauvres, sous couvert de « mixité sociale » (mixité dont on ne parle jamais dans les quartiers sud aisés) et d’aménagement du territoire qui destine Marseille à devenir une capitale attractive pour les riches, et « nettoyée » du trop plein de pauvres et d’immigréEs, dans le cadre du Grand Projet de Ville, d’Euromed et compagnie. Quatorze quartiers sont touchés à Marseille par des projets Anru et dans beaucoup d’entre eux, les locataires se réveillent, réclament le maintien des loyers, une utilisation de l’argent investi à des finalités sociales et plus largement l’amélioration de leur cadre de vie et la fin du mépris de classe. Il aura fallu attendre l’argent public de l’Anru pour que les bailleurs pensent à rénover les quartiers populaires. Ils ne remplissent pas leur rôle depuis des années, c’est donc aux habitantEs de prendre en main ces questions et de décider comment utiliser cet argent !

Après les Flamants, les Créneaux et d’autres quartiers, les habitantEs de Picon-Busserine veulent se réapproprier les décisions qui concernent leurs quartiers, et c’est par la lutte qu’ils/elles ont choisi de le faire. Marre du mépris, marre d’être dépossédéEs, il est temps pour toutes et tous de s’unir, à Marseille et en France.

En pleine période électorale, les politiques qui ont voté le projet Anru de Picon-Busserine s’en mordent les doigts désormais… et tant mieux ! Le rapport de forces instauré par les habitantEs et les associations a permis de les contraindre à s’intéresser au dossier. Pour notre part, nous assurons les locataires et leurs associations de notre soutien sans condition. Nous continuerons à être présentEs à leurs côtés. Les associations présentes sur le terrain le savent : les militantEs du NPA ont choisi leur camp depuis longtemps. Après la venue d’Olivier, trois promesses ont été faites : d’abord, continuer à être présentEs aux quotidien ; ensuite agir pour l’unité de toute la gauche, car la solidarité est notre meilleure arme ; enfin profiter de la campagne pour populariser leur bataille, ce qu’Olivier a fait dès le lendemain lors du meeting d’Istres et lundi sur BFM TV. La préfecture doit prendre ses responsabilités en organisant la table ronde réclamée par les locataires depuis le 23 mars.

Il est temps que l’Anru cesse et qu’on réoriente l’argent investi vers une politique de rénovation de tous les quartiers de France, sans augmentation de loyer, et de création massive de logements sociaux. Il est temps qu’un véritable service public du logement social soit créé, sous contrôle des locataires et des salariéEs et non plus des entreprises privées. Ces revendications, nous les porterons dans le cadre des prochaines échéances électorales. Ce sont celles que Philippe Poutou porte, mais surtout, ce sont celles que tous les jours nous portons aux côtés de celles et ceux qui luttent et qui se réapproprient les décisions que politiques clientélistes et intérêts privés leur ont confisquées.

Kevin Vay1. Arnaque nationale et résistance urbaine est le titre du reportage réalisé fin janvier 2012 par les associations CSF et CLCV, disponible sur le blog des locataires.Pour plus d’information et suivre régulièrement la lutte des locataires de Picon Busserine : www.Anru-marseille.net, ou sur Facebook : « Picon Busserine en lutte ».