La loi qui devait améliorer la condition des détenus est examinée à l’Assemblée nationale. Contrairement à la volonté affichée, elle contient de nombreuses régressions.
Les suicides, la suppression des juges d’instruction et les récentes évasions détournent l’attention de la loi pénitentiaire en cours de discussion au Parlement et qui doit être votée le 22 septembre prochain.
Pourtant celle-ci va déterminer la vie quotidienne de centaines de milliers de personnes qui se retrouveront derrière les barreaux dans les années à venir. Interpellé, en 2006, par les États généraux de la condition pénitentiaire, Sarkozy, alors en campagne électorale, avait promis une loi pénitentiaire garantissant les droits des détenus. Une fois élu, il a commencé par remplir un peu plus les prisons en faisant adopter une loi sur les peines planchers et une autre sur la rétention de sécurité. Récemment, il y est allé lui aussi de son couplet sur la prison « honte de la République » et s’est félicité de l’adoption prochaine de la loi pénitentiaire censée accorder de nouveaux droits aux détenus.
Sans surprise, la loi en discussion dissimule mal, derrière quelques avancées, d’importantes régressions.
Les améliorations se bornent à autoriser les détenus à téléphoner aux membres de leur famille (mais pas à leurs proches) et à d’autres personnes « pour préparer leur réinsertion ». Bien entendu, pas question de portables pour l’administration pénitentiaire. En termes de santé, la permanence des soins doit être assurée, ce qui signifie qu’un détenu pourra enfin (en théorie) recevoir des soins le soir et le week-end, contrairement à la situation actuelle dénoncée par le Comité européen de prévention de la torture. En outre, le médecin intervenant en prison ne devra exercer sa mission que dans l’intérêt du patient, c’est-à-dire qu’il pourra refuser de se transformer en auxiliaire des surveillants. Enfin, pour le travail en prison, la reconnaissance d’un taux horaire minimum indexé sur le Smic constitue un petit pas en avant, tant la législation française est en retard par rapport aux autres pays européens.
Des droits en régression
Pour autant, la situation des détenus risque de ne pas s’améliorer, voire de s’aggraver. Ainsi, le « droit au respect de la dignité de la personne détenue » solennellement proclamé à l’article 10 est aussitôt bafoué à l’article 24.
Dorénavant, ce sera l’administration pénitentiaire et non plus le juge qui pourra décider de faire pratiquer par un médecin un toucher rectal ou vaginal.
Quant à la procédure disciplinaire, si la durée maximale de placement au mitard passe de 45 à 30 jours (contre 14 en Grande-Bretagne, 9 en Belgique et 3 en Irlande), la commission de discipline qui en décide est toujours présidée par le chef d’établissement, de sorte que ses décisions resteront des parodies de justice. Une des avancées de la loi qui devait augmenter les possiblités d’aménagement de peine, par le recours au bracelet électronique, à la semi-liberté, au placement externe en foyer pour les condamnés à deux ans ou moins a été battue en brèche par les députés UMP. Cette disposition ne sera donc applicable ni aux récidivistes, ni aux délinquants sexuels.
La loi met en place de nouveaux travaux forcés (art.11 ter). Tout condamné sera tenu d’exercer, sous peine de sanctions, une des activités qui lui sera proposée, et ceux qui ne maîtrisent pas la lecture, l’écriture ou la langue française auront l’obligation de s’y coller !
Enfin, Michèle Alliot-Marie, ministre de la Justice, remet en cause l’encellulement individuel, qui découle quand même d’une loi de 1875, certes jamais appliquée. Alors que le projet initial prévoyait d’atteindre cet objectif d’ici 2012, par la construction de nouveaux établissements pénitentiaires, la garde des Sceaux inscrit dans le droit la surpopulation carcérale chronique et déclare que ce sera selon le choix des détenus ! En fait les détenus auront « le choix » de changer de prison et donc dans la majorité des cas de s’éloigner de leur proches puisque peu de prisons ont la capacité d’accueillir les détenus dans des cellules individuelles.
Face à cette machine à broyer qu’est l’administration pénitentiaire, le combat que mènent les associations telles que l’OIP et Ban public sur les terrains juridique et de l’information est utile et indispensable (cf. p.9)
Sans négliger ces aspects, la commission « prison/répression/défense des libertés publiques/libertés » en cours de constitution, s’est donnée notamment pour tâche ambitieuse de préparer le NPA à renouer le fil avec les actions militantes des années 1970 dans le milieu carcéral.
André Choagaz.
L’archipel du pénal en chiffres:
194 établissements pénitentiaires dont 111 maisons d’arrêt, 77 établissements pour purger une peine et 6 établissements pénitentiaires pour mineurs.
Surpopulation (2 à 3 personnes pour 9/10 m2) dans les maisons d’arrêt.
Au 1er juillet 2009 : 62 420 personnes incarcérées pour 53 000 places (dont un quart en détention provisoire). 7 000 personnes sur 47 000 condamnés avaient un aménagement de peine (dont 4 500 sous bracelet électronique).
Retour en prison après cinq ans : 41 % tous délits confondus, mais moins de 0,5 % pour les homicides
Suicides : 94 suicides en 2009. Sept fois plus qu’en liberté.