Publié le Vendredi 18 octobre 2019 à 14h14.

Olivier Sillam poursuivi par le commissaire responsable du coma de Geneviève Legay

Olivier Sillam, syndicaliste FSU à Nice, subit le harcèlement de la Préfecture de police depuis plusieurs mois en raison de sa participation à des manifestations qui dénoncent l’attitude du commissaire Souchi. Il a publié une lettre expliquant cet acharnement, que nous publions avec son autorisation.

 

Salut à toutEs

Décidément la police s’acharne. Je suis déjà poursuivi au tribunal de Nice le 19 décembre (ainsi que 3 co-accuséEs) pour soi-disant outrage, rébellion et violence à l’issue d’une manifestation syndicale pacifique le 9 mai dernier. Je porte de mon côté plainte pour violences par personnes dépositaires de l’autorité. Mais ce n’est pas tout.

Jeudi 8 août au soir, en rentrant chez moi j’ai trouvé dans ma boite aux lettres une convocation pour me rendre au commissariat de police Auvare à Nice lundi 12 août à 9h, sans plus de précision. Je m’y suis rendu avec mon avocat. On a été reçu par la Police Judiciaire et ils nous ont tout de suite dit que j’allais être mis en Garde à vue. Pourquoi ? À nouveau pour outrage ! Quand ça ? le 27 juillet dernier lors de la Marche des fiertés de Nice.

Les violences contre Geneviève
Petit retour en arrière : le samedi 23 mars dernier, Macron doit recevoir le président dictateur chinois Xi Jiping sur la Côte d’Azur. Pour ce faire, toute manifestation était interdite à Nice, notamment celle des Gilets Jaunes. Néanmoins, quelques 80 irréductibles ont bravé cette interdiction. Parmi elles/eux Geneviève Legay. Alors que tout se passait dans le calme sur la place Garibaldi, le commissaire Souchi en charge du maintien de l’ordre a ordonné une charge qui a été fatale à Geneviève qui s’est retrouvée inconsciente (pendant trois jours le pronostic vital a été engagé et les médecins ont dit à ses filles qu’elles devaient se préparer au pire), a passé plusieurs mois à l’hôpital et garde encore aujourd’hui des séquelles (perte de l’audition, de l’odorat, difficultés à se déplacer...).

Le procureur de Nice s’est empressé de dédouaner les forces de l’ordre avant de se rétracter, tout en nommant la compagne du commissaire Souchi, elle aussi présente sur les lieux en charge de l’enquête devant faire la lumière sur ce qui est arrivé à Geneviève !  Mais non, il n’y a pas de conflit d’intérêts !

Depuis, le procureur a avoué avoir menti dans un premier temps pour protéger Macron ; il a été muté d’office à la Cour d’appel de Lyon. Quant au commissaire Souchi, il s’est encore illustré l’après-midi du 23 mars en continuant de faire gazer et matraquer une manifestation pourtant pacifique et en menaçant lui-même physiquement plusieurs manifestantEs. Depuis, on ne l’avait plus vu sur Nice jusqu’à...

Le refus de la dénonciation de la politique du commissaire
Quelle ne fut pas notre surprise de le voir parmi les forces de l’ordre qui encadraient la Pink parade, la marche des Fiertés de Nice, le samedi 27 juillet. En tête du défilé il y avait un cortège revendicatif et hétéroclite de militantEs politiques, syndicaux et associatifs (FSU, Solidaires, PCF, NPA, Aides...). Aussitôt, lorsque nous avons vu Souchi, est sorti le slogan « Souchi en prison ». Plus tard, bien plus tard, dans le défilé, est sorti le slogan « Plus de cunni, moins de Souchi ». Il se trouve que durant ce défilé, j’avais un mégaphone.
Or c’est justement ce qui m’est reproché à moi et pas aux 150 autres personnes qui se trouvaient dans ce cortège. L’outrage serait d’avoir sorti ces slogans, plus semble-t-il d’avoir rappelé qui était ce commissaire de police et, parait-il, selon les dires de la police, d’avoir dit qu’il avait le sang de Geneviève Legay sur les mains et que Souchi serait un assassin, dernier bout de phrase dont je ne me souviens absolument pas.

Une intimidation de grande envergure
Pour cela, j’ai fait sept heures de GAV de 9h du matin à 16h avec au milieu perquisition chez moi (en ma présence) où ils ont confisqué et mis sous scellé l’objet du délit, à savoir le mégaphone ainsi qu’un drapeau de la FSU version LGBT que je portais ce jour-là !
Plus étrange, le parquet de Nice est dessaisi de cette affaire me concernant et c’est le parquet de Grasse qui instruit l’affaire et même sa procureure directement parce que, me fait-on comprendre, l’affaire Legay est un sujet sensible. La faute à qui ? Alors voilà, on ne peut plus rien dire, surtout s’ils ont tort.
Autre élément, les deux policiers qui m’ont interrogé m’ont fait comprendre que cette GAV était faite pour m’apprendre à me calmer. Il s’agirait donc d’intimidation ? Enfin, comme la procureure est partie en vacances, elle prendra une décision me concernant quand elle reviendra. Comprendre qu’en sortant de GAV, je n’étais ni poursuivi, ni disculpé mais en attente et que cette attente peut être courte ou durer longtemps. Ne serait-ce pas un moyen de mettre une épée de Damoclès sur ma tête ? Une attitude totalement antidémocratique.

 

Des procès politiques
Ce lundi 14 octobre, je reçois un appel de la PJ me demandant de venir signer une convocation pour une audience au tribunal de Grasse. J’ai donc été le lendemain signer et prendre cette convocation. En lisant la convocation, je n’ai pu m’empêcher de penser à une gorafisation de la justice ! Je suis en effet poursuivi pour outrage envers le commissaire de police Souchi pour avoir dit selon eux au mégaphone : « Souchi en prison », « Souchi assassin, c’est Souchi qui a voulu assassiner Geneviève Legay », « Souchi c’est celui qui a voulu tuer Legay », « plus de cunni, moins de Souchi ». Le procès aura lieu à Grasse le 22 avril.
Le premier et le quatrième slogans ont effectivement été scandés à la manifestation, je confesse les avoir repris. Le deuxième et le troisième non, même si j’ai effectivement parlé de Geneviève Legay, pour rappeler dans quel état la charge de police que le commissaire Souchi avait ordonné l’avait laissé avec pronostic vital engagé sur le moment et qui a encore des séquelles importantes.
Plusieurs remarques : je n’ai pas dit que le commissaire Souchi est un assassin mais combien de fois en manif n’avons-nous pas lancé des slogans en ce sens envers tel ou telle ? Par ailleurs dans le troisième slogan, le commissaire prétend que j’ai dit « c’est celui qui a voulu tuer Legay ». Jamais je n’aurais utilisé un tel terme pour parler de mon amie et camarade Geneviève Legay. Jamais je ne l’aurais appelée que par son nom de famille. Je dis toujours Geneviève ou Geneviève Legay. Il y a donc bel et bien un mensonge caractérisé.

Ce qui est clair aussi c’est qu’il est interdit selon ce commissaire de parler de son rôle néfaste au sein de la police et de son attitude dramatique lors de la manifestation du 23 mars dernier. Bref, la liberté d’expression semble inacceptable pour ce commissaire et certains policiers. J’y reviendrais.

Enfin, être accusé d’outrage sur le quatrième slogan est pitoyable, grotesque, gorafiesque et je me demande ce que peut donner où l’on va expliquer qu’entre autres slogans il y avait : « plus de cunni, moins de Souchi », « plus de caresses, moins de CRS » et autres « du sexe anal contre le Capital » ! Bref, tout cela était essentiellement potache.
Pour conclure, il y a près de 5 ans tout le monde était « Charlie ». Tout le monde louait le droit à la caricature et à la satire. Nous n’avons rien fait d’autre que de brocarder quelqu’un (et quelques autres d’ailleurs). Nous n’avons sans doute pas le talent des équipes d’Hara-Kiri, de Charlie, de Siné ou du Canard enchaîné mais nous n’avons rien fait de différent. En me collant ces procès aussi absurdes que ridicules, on cherche à me faire taire, comme le gouvernement cherche à en faire taire d’autres. À leur petit niveau, ces deux procès (19 décembre et 2 avril) sont ceux de la liberté d’expression.

Olivier Sillam

(Intertitres de la rédaction)

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