Deux récentes affaires de violences policières sont particulièrement révélatrices du climat répressif dans lequel nous évoluons : brutalités policières entraînant la mort, mensonges d’État, impunité garantie par les prétendus organismes d’enquête.
La première de ces affaires, dans l’ordre chronologique, est le cas de Zineb Redouane. Cette femme de 80 ans, victime d’un tir de grenade lacrymogène en plein visage le 1er décembre à Marseille alors qu’elle était à la fenêtre de son appartement, est décédée ensuite à l’hôpital. Et malgré les dénégations initiales du parquet, qui avait affirmé qu’elle était morte « d’un arrêt cardiaque sur la table d’opération » et que le « choc facial » n’était « pas la cause du décès », il est désormais établi, comme les proches de Zineb Redouane ne cessaient de le répéter, que c’est bien le tir de grenade qui est responsable de la mort de l’octogénaire.
Mensonges officiels
Coup sur coup, on a en effet récemment pu prendre connaissance, notamment grâce à une enquête du Média, du rapport d’autopsie réalisé en Algérie et de photos de Zineb Redouane prises sur son lit d’hôpital. Les photos montrent l’ampleur de ses blessures, avec entre autres une fracture grave de la mâchoire, démentant la thèse officielle du « tir en cloche ». Ce que confirme l’autopsie qui, contrairement à celle réalisée en France, constate un « important traumatisme facial imputable à l’impact d’un projectile non pénétrant […] pouvant correspondre à une grenade lacrymogène ».
D’autres révélations, concernant l’enquête de l’IGPN, confirment la thèse du mensonge d’État organisé : du capitaine de CRS qui refuse toujours de transmettre les armes utilisées le 1er décembre, à l’IGPN qui affirme que la caméra de surveillance la plus proche des flics qui ont tiré la grenade était hors d’usage, rien ne nous aura été épargné. Dernier élément en date, Denis Robert du Média affirme que « selon [ses] sources, un ou des policiers, vraisemblablement des CRS, seraient montés dans l’appartement de Madame Redouane et l’auraient nettoyé à grande eau, enlevant les objets brisés et les traces de tir et de grenade. »
Silence assourdissant
Autant d’éléments qui ne peuvent manquer de faire penser à une deuxième affaire, celle de la disparition du jeune Steve à Nantes suite à une violente charge des flics lors de la fête de la musique. Près de trois semaines plus tard, le corps de Steve n’a toujours pas été retrouvé, et tout semble être organisé pour exonérer les autorités de toute responsabilité. Ainsi que l’expliquait Libération le 27 juin, « en faisant le choix de saisir seulement l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) d’une enquête administrative, le ministère a, de fait, verrouillé les investigations. La police des polices ne dispose effectivement d’aucun pouvoir de contrôle de l’autorité préfectorale, pourtant responsable de l’opération de maintien de l’ordre en cause. » Une IGPN qui, en outre, et comme on peut le voir dans le cas de Zineb Redouane, est loin d’être exempte de tout soupçon et peut même se faire opposer des fins de non-recevoir par les autorités policières.
« Où est Steve ? » : près de trois semaines après sa disparition et en l’absence scandaleuse de toute communication officielle, la question ne cesse d’être posée, comme l’est la question « Qui a tué Zineb ? ». Des questions que nous continuerons de poser avec leurs familles, leurs proches, ainsi qu’avec toutes celles et ceux qui se battent, souvent depuis des années, contre les violences policières, notamment dans les quartiers populaires, et contre les mensonges d’État. Avec, parmi les prochains rendez-vous majeurs, la marche du 20 juillet à Beaumont-sur-Oise, en mémoire d’Adama Traoré et contre l’autoritarisme.
Julien Salingue