C’est François Hollande qui le dit : « UberPop doit être dissous et déclaré illégal, et la saisie des véhicules devra être prononcée et effectuée ». Un Hollande qui fait face à la révolte des taxis, mais reste impuissant à stopper la machine UberPop...
Ambiguïté et hypocrisie d’un gouvernement qui ne cesse de prétendre défaire le code du travail confronté à la logique de sa politique de la « concurrence libre et non faussée ».
Une légitime révolte
Jeudi dernier, l’explosion de colère des 2 800 chauffeurs de taxis mobilisés à travers le pays est totalement légitime, bien qu’ils n’aient pu éviter de tomber dans le piège d’agresser d’autres travailleurs comme eux, chauffeurs de VTC ou d’UberPop. Du coup, en voyage officiel en Colombie, Valls pouvait s’emporter contre les auteurs des exactions « qui se trouvent dans les deux camps »... Un Valls qui ne voit pas l’injustice qui pousse à bout les taxis.
Basé en Californie, Uber s’est étendu partout dans le monde, grâce à son application permettant d’obtenir rapidement une voiture de transport avec chauffeur (VTC). En moins de cinq ans, la société a accumulé près de 50 milliards de dollars ! La startup défie la concurrence en ne salariant pas les conducteurs, ce qui l’exonère de toute cotisation sociale. De quoi susciter la colère des victimes de cette concurrence sauvage.
Un gouvernement hypocrite
Cazeneuve se dit d’accord avec les taxis qui réclament l’interdiction d’UberPop... mais il invoque le droit pour ne rien faire. Seule une « décision de justice » peut rendre cette interdiction exécutoire. Le préfet de police de Paris a prononcé des interdictions, « Ça ne change rien, selon le directeur général d’Uber France. C’est un arrêté préfectoral, on va le contester. »
« Le gouvernement considère qu’UberPop est une activité illégale », dixit Cazeneuve s’appuyant sur la loi Thévenoud votée en octobre 2014 qui interdit de proposer une prestation de transport routier « à titre onéreux » si l’on n’est pas enregistré comme chauffeur de taxi ou VTC.
Uber conteste la constitutionnalité de cet loi et fait valoir notamment qu’elle porte atteinte au principe d’égalité et de liberté d’entreprendre. Mais Uber a saisi le Conseil constitutionnel non sans avoir demandé à ses chauffeurs de s’inscrire comme auto-entrepreneur et de prendre une assurance en responsabilité civile professionnelle.
L’uberisation ou le capitalisme sans frein
L’offensive d’Uber s’inscrit dans une offensive plus générale, l’irruption d’entreprises comme Airbnb ou BlaBlaCar, l’économie dite collaborative, masque bienveillant d’une féroce politique capitaliste. Fondée sur le fait que chacun de nous peut échanger ses propres biens et ses services (louer son appartement, assurer un covoiturage ou transport de personnes, donner un coup de main à son voisin...), cette activité est passée sous la domination de pieuvres capitalistes qui grâce aux techniques numériques mettent les particuliers en relation moyennant finance.
Dans un contexte de chômage, nombreux sont celles ou ceux qui cherchent l’occasion d’avoir un revenu ou un revenu supplémentaire.
Tout service peut être l’objet de ce trafic financier. Le numérique permet d’exploiter les petits boulots à grande échelle. Ainsi Amazon a lancé le site Mechanical Turk, sur lequel des internautes peuvent remplir des micro-tâches... moyennant des micro-salaires. Aujourd’hui, ces « Turkers » seraient 500 000 dans le monde. Et Amazon envisagerait de lancer aux États-Unis le service « On my way », dans lequel les particuliers remplaceraient les entreprises de livraison pour les derniers kilomètres...
La coopération, pas l’exploitation
Avec suffisance et arrogance, Jacques Attali pontifie sur le sujet, se félicitant que la société aille « vers une uberisation du travail en général, qui n’est pas mauvaise en soi » dans la mesure où les individus pourront « devenir entrepreneurs de [leur] vie ». « Je crois que le statut de demain, c’est le statut d’intermittent du spectacle »...
Une façon pédante de militer pour la généralisation de la précarité qui, loin de supprimer le salariat, supprime toute protection pour un salarié privé de toute possibilité de négocier le prix de sa force de travail. Une régression sociale considérable face à laquelle les travailleurs n’ont plus d’autre voie que de s’unir pour arracher des mains du capital le contrôle des techniques et des moyens modernes de production. pour les mettre au service de la coopération et des échanges solidaires et non d’une exploitation éhontée et sans borne.
Yvan Lemaitre