La politique néolibérale et le tournant de plus en plus autoritaire de l’État a particulièrement touché les droits de la jeunesse depuis les années 1980. La casse des universités publiques et la sélection instaurée à l’entrée de celle-ci témoignent de l’accélération des attaques contre l’émancipation des jeunes ces dernières années. Les jeunes sont forcés de s’adapter aux besoins du capitalisme qui n’a plus besoin de main d’œuvre qualifiée.
L’école institue un tri social et crée les premières violences subies par les jeunes de la part de l’État. La loi « sur l’école de la confiance » (loi Blanquer), votée par l’Assemblée nationale le 20 février 2019, prévoyait, entre autres, la mise en place de trois types d’écoles élémentaires distinctes. Ces trois écoles auraient des finalités distinctes — l’une préparant au bac international pour les enfants des classes sociales les plus élevées, une autre restant une école classique et la dernière, une école des savoirs fondamentaux où l’objectif est que chaque jeune sache « lire, écrire, compter, respecter autrui » et qui les destine à une simple obtention de diplôme professionnalisant. L’école est utilisée non plus comme moyen d’émancipation de la jeunesse mais comme un outil d’asservissement.
L’école du tri social
Nous assistons à une accélération de la sélection par l’école. L’exemple le plus frappant est la mise en place des groupes de niveaux en mathématique et français dès l’entrée au collège, qui mettent fin au collège unique ; ainsi que l’obtention du brevet qui devient obligatoire pour passer au lycée. À cela s’ajoute la sélection dans les universités qui se fait via ParcourSup et MonMaster mais également par la fermeture de filières ou de places du fait du manque de moyens des universités.
Or, en France, la ségrégation sociale se combine avec une ségrégation spatiale : le simple fait de vivre dans certains quartiers (par exemple, la Seine-Saint-Denis, le Mirail à Toulouse ou les quartiers Nord de Marseille) sème des obstacles sur son avenir scolaire. Cette ségrégation sociale est encore plus violente dans les colonies, notamment en Guyane et à Mayotte.
Les programmes deviennent de plus en plus directifs. Les méthodes sont uniformisées par les manuels qui offrent un programme centré sur le respect de la citoyenneté française. Ces obligations empêchent un grand nombre d’élèves d’étudier et de s’épanouir. Alors que l’école se veut inclusive, elle ne cesse de trier et d’asservir la jeunesse.
C’est en ce sens que nous considérons l’école comme violente forçant les jeunes à un avenir déterminé par leur classe sociale. Se voir trier dès son entrée au collège et recevoir ces étiquettes posées par cette institution, ne favorise pas l’émancipation. C’est pourquoi bon nombre de jeunes veulent partir de ce système violent et intégrer le monde du travail, avec ou sans « mauvais » diplômes. Ils subissent alors une orientation non choisie, des conditions de travail souvent scandaleuses, et un salaire insuffisant.
La société déteste la jeunesse
Les jeunes travailleuses et travailleurs subissent également un asservissement non pas par le biais de l’institution universitaire mais du fait du patronat. Iels sont souvent relégué·es aux emplois les plus précaires comme la restauration, l’animation ou encore le service de nettoyage. En plus de cette violence ordonnée sur les élèves pauvres, les gouvernements successifs n’ont d’autre souhait que de les discipliner. Un retour déguisé du service militaire avec le SNU est une des mesures fortes allant dans ce sens. La mise en place de l’uniforme et les programmes orientant de plus en plus à l’éducation d’un « citoyen respectant les valeurs de la république » sont autant de mesures et d’orientations qui ne trompent pas.
Cette citoyenneté voulue par l’État, n’est autre que de la discipline et de l’ordre, de l’ordre, de l’ordre (comme le disait si bien notre nouveau Premier ministre). Ces mesures en plus d’être coûteuses n’ont finalement comme seul objectif que de satisfaire une extrême droite banalisée fantasmant sur une jeunesse prête à obéir.
Pour couronner le tout, l’institution scolaire continue de perpétrer des oppressions spécifiques. L’exemple le plus récent est la rentrée 2023, où Garbiel Attal, alors ministre de l’éducation, a interdit le port de l’abaya et du qamis sous prétexte de protection de la laïcité. Cette mesure a simplement montré l’islamophobie, les stigmates et les préjugés sur la jeunesse perçue comme musulmane et l’empêchant de se vêtir d’un habit traditionnel sans rapport religieux. Cette mesure s’inscrit dans la continuité de la loi de 2004 instaurant l’interdiction du voile.
Dans la même logique, cette police du vêtement dont fait preuve l’école est sexiste. Les jeunes filles se voient refuser l’entrée du collège ou du lycée lorsqu’elles portent certains types de vêtements. En 2021 avait émergé une « polémique » car Macron se disait « opposé au crop-top ». Encore une fois les jeunes filles ne peuvent choisir de s’habiller comme elles le souhaitent. Cela montre une fois de plus la volonté de la pensée dominante de vouloir asseoir le patriarcat en décidant à la place des femmes ce qu’elles devraient porter et ce dès le plus jeune âge.
Répression des mobilisations
Depuis plusieurs années, nous assistons à une accentuation de la répression des mobilisations sociales. Les dernières mobilisations menées par la jeunesse ont fait face à une répression violente et organisée. En avril et mai 2024, lorsque les étudiant·es se sont soulevé·es contre la complicité de nos gouvernements avec le génocide à Gaza, les présidents d’université ont accepté les ordres du ministère leur demandant de faire taire toute voix de solidarité avec la Palestine. Les occupations d’université ou même les rassemblements pacifiques ont été réprimés par la police qui n’a pas hésité à utiliser la force et les matraques. L’objectif de cette répression reste bien sûr d’effrayer les jeunes et de les empêcher de continuer à se mobiliser.
Il est également important de comprendre que cette répression n’est pas seulement policière mais également administrative, comme les étudiant·es de Sciences-po Paris interdits de se rendre dans leur établissement suite à une action contre les entreprises complices de génocide. Les directions des lycées ou des universités utilisent désormais tous les moyens à leur disposition pour réprimer les jeunes mobilisé·es.
Enfin, soulignons que la répression des mouvements de jeunesse est beaucoup plus violente contre les jeunes racisé·es des quartiers populaires. En juin 2023, suite à l’assassinat de Nahel par la police, les jeunes des quartiers populaires se sont révoltés contre cet ordre raciste. Les forces de l’ordre les ont alors réprimé·es violemment en plus de la mise en place de nombreuses mesures autoritaires dans les quartiers populaires tels que des couvre-feux ou la suspension des transports.
Cette répression est particulièrement violente parce que les mobilisations de la jeunesse peuvent être l’étincelle pour massifier des luttes comme on a pu le voir pour la réforme des retraites, les révoltes dans les quartiers ou la solidarité avec la Palestine. L’État a donc tout intérêt à mater les jeunesses.
Construire un mouvement de la jeunesse unitaire et radical
Face à cette offensive acharnée du gouvernement contre la jeunesse, nous voulons contribuer à mobiliser les différentes organisations de jeunesse lycéennes et étudiantes, ainsi que les organisations syndicales et politiques de jeunesse. De notre point de vue, la casse des universités et la destruction de l’école publique sont malheureusement admises et ne sont plus la base de révoltes et de mobilisations ; il est ainsi nécessaire de réfléchir à de nouvelles portes d’entrée, et celles-ci sont nombreuses : la lutte antiraciste, l’antifascisme, le féminisme, etc.
Pour remobiliser des mouvements de jeunesses, nous voulons renforcer le syndicalisme, et plus particulièrement le syndicalisme étudiant et lycéen qui est perpétuellement remis en cause, par l’absence de reconnaissance du statut de syndicat autant que par toutes les vagues de précarisation et de violence institutionnelle auxquelles les syndicats jeunes doivent faire face.
Malgré ce portrait sombre, des mouvements récents, des mobilisations massives de la part de la jeunesse, ont pu naître, telles que les manifestations d’urgence pour protester contre le choc des savoirs proposé par Gabriel Attal au cours de l’année passée. Ces mobilisations sont aussi un point d’accroche particulier dans la lutte des classes ; souvent première entrée dans la politique des jeunes, elles se trouvent à la croisée de nombreuses oppressions systémiques et sensibilisent ainsi la jeunesse à la solidarité et à la conscience nécessaire pour rentrer dans la lutte des classes. En outre, les expressions de révoltes contre ce système ne se limitent pas à la rue. La jeunesse s’empare de tous les moyens pour protester et se faire entendre, élevant la voix sur toutes les oppressions qu’elle subit via les réseaux sociaux, comme les élèves du lycée Blaise-Cendrars dans le 93, qui ont parlé de l’état vétuste de leur lycée sur Tik-Tok, portant leurs conditions de travail sur la scène médiatique nationale.
Au sein des Jeunesses Anticapitalistes, nous pensons que seules des luttes unitaires peuvent faire face à la répression. Pour affronter la répression de l’État, nous devons rester uni·es. Cette unité est aussi indispensable pour espérer gagner de nouveaux droits. De plus, nous pensons que les formes de mobilisations doivent pouvoir entraîner un grand nombre de jeunes sans perdre leur radicalité.
Pour créer des mobilisations massives, nous pensons qu’il est urgent de renforcer l’auto-organisation dans les milieux où nous sommes insérés. Ainsi, notre tâche de militant·es révolutionnaires est de créer des cadres larges de mobilisations sur nos lieux d’études. Autour de nous, il est nécessaire de mobiliser les jeunes et de leur offrir des perspectives concrètes de mobilisation.