Notre camarade Daniel Pereyra est décédé ce 6 février à Madrid à l’âge de 95 ans. Daniel, c’est presque 80 années d’un engagement anticapitaliste et internationaliste sans répit, sans faille, sans renoncement.
Daniel Bensaïd, dans Une lente impatience, parlait de lui avec beaucoup d’affection et d’estime : « D’une galanterie charmeuse, le regard bleu enjôleur, cet ancien ouvrier métallurgiste était une légende. Dans les années 60, Moreno l’avait expédié au Pérou pour assurer la logistique matérielle et financière d’un projet insurrectionnel échafaudé autour d’Hugo Blanco (gagné au trotskysme en Argentine dans les années 50), dont la popularité était grande parmi les paysans de la vallée de la Convencion. Daniel avait été arrêté et emprisonné après une série d’expropriations réussies. Libéré, il était rentré en Argentine en 1967, au moment de la rupture entre Moreno et Santucho. Il fit alors partie des "vieux trotskystes" (fort jeunes en réalité) restés au PRT-Combatiente. Son inaltérable allégresse, sa gentillesse, son humour, son élégance chevaleresque n’ont pas peu contribué à gagner notre soutien à l’orientation de lutte armée. »
Rupture avec la lutte armée en Amérique latine
Daniel Pereyra avait été, en 1969, le délégué du PRT au 9e Congrès mondial de la IVe Internationale. C’est à ce congrès que fut adoptée une résolution prônant la lutte armée en Amérique latine.
« Au fur et à mesure que les intentions stratégiques devenaient plus précises, écrivait Daniel Bensaïd, de nouvelles divergences surgirent. Il ne s’agissait plus simplement d’une pétition de principe abstraite en faveur de la lutte armée, conçue comme la ligne de partage absolue entre révolutionnaires et réformistes et comme la conclusion logique de l’injonction testamentaire du Che — "Le devoir de tout révolutionnaire est de faire la révolution" — mais de traduire cette généralité en stratégie concrète. Le schéma développé par Santucho, avec une indéniable suite dans les idées, s’inspirait des théories vietnamiennes de la guerre populaire prolongée plutôt que du foquisme guévariste. La création de l’ERP (armée révolutionnaire du peuple), le projet de territoires libérés (dans la région rebelle de Tucuman), les attaques de casernes pour se procurer de l’armement lourd s’inscrivaient dans cette perspective. »
En désaccord, Pereyra rompt avec Santucho et, avec quelques camarades, crée le GOR (Groupe ouvrier révolutionnaire) rapidement disloqué après la prise du pouvoir par les colonels en 1976. Daniel échappe à la répression et réussit à quitter l’Argentine pour rejoindre Madrid en 1978, où il est resté un infatigable militant. Il a publié de nombreux livres, dont Mémoires d’un militant internationaliste, en 2014. « Il vit aujourd’hui à Madrid, poursuivait Daniel Bensaïd, où il a publié un livre sur la lutte armée en Amérique latine. Il a bon pied, bon œil et bon moral. Toujours aussi dynamique et enjoué, il a traversé les années maussades du postfranquisme sans se rendre, attentif à la moindre repousse d’espérance, fidèle à ses engagements, à ses compagnons, et à ses morts. » Hasta siempre, « Che » Pereyra !