François Chesnais, né en 1934, est décédé à Paris le 28 octobre. Celles et ceux d’entre nous qui l’ont rencontré ces dernières années se souviennent certainement de son ouverture d’esprit conjugué avec de fermes convictions anticapitalistes et internationalistes. Autre souvenir : jusqu’à un âge fort avancé, il parcourait Paris en vélo.
Un marxiste à l’OCDE
Économiste reconnu, François Chesnais a longtemps conjugué un poste à l’OCDE, dont il fut écarté en 1992 à cause de ses positions politiques, et un militantisme au sein de l’OCI-PCI où il a eu l’occasion de fréquenter un certain Lionel Jospin. Il fut un observateur militant de la situation politique en Bolivie et en Argentine, puis au Brésil.
Il a adhéré à l’OCI au milieu des années 1960, a été membre de son Comité central et a participé un temps à la direction du secteur dont faisait partie la cellule de Renault Billancourt. Au titre de son travail à l’OCDE, il accomplissait de nombreuses missions comme économiste à l’étranger, en particulier en Espagne et en Amérique latine. La direction de l’OCI lui a alors demandé d’utiliser ces voyages pour, parallèlement et de façon bien sûr totalement cloisonnée, réaliser des missions politiques pour la construction de l’internationale.
Membre de la Commission internationale de cette organisation, il en fut responsable pour l’Espagne et l’Amérique latine jusqu’en 1978. Il dirigeait ainsi la sous-commission Espagne et le travail politique dans ce pays, y établissant clandestinement de nombreux liens alors que dans le même temps, comme fonctionnaire économiste de haut niveau, il réalisait ses missions économiques.
Dans le début des années 1980 des désaccords l’amèneront à rompre avec l’OCI (devenu PCI) et il militera dans le groupe de Stéphane Just, qui anime la revue « Combattre pour le socialisme-comité pour la construction du parti ouvrier révolutionnaire ». Il sera amené à s’écarter de Stéphane Just à la fin des années 1980.
Spécialiste de la mondialisation et de la financiarisation
Dans le cours de la remontée du mouvement social particulièrement marquée par la grande grève de décembre 1995, il sera l’un des principaux fondateurs et animateurs de la revue Carré rouge qui jouera un rôle important dans les années 2000, avec les intenses échanges qui ont marqué ces années pour une tentative de réarmement et regroupement politiques.
Il entama un rapprochement avec la LCR sans jamais y adhérer. À la fondation du NPA en 2009, François en a été membre, participant par sa réflexion à l’animation de son groupe de travail économique. Il resta proche du NPA.
Après avoir quitté l’OCDE, il devint professeur associé à l’université Paris-XIII. Il était membre du conseil scientifique d’Attac, et il est l’auteur de nombreux articles et ouvrages portant sur la mondialisation et la financiarisation de l’économie capitaliste, l’analyse de l’envolée des dettes publiques et les réponses à y apporter, l’industrie d’armement… Ces dernières années, il était de plus en plus préoccupé par la question écologique et les transformations qu’elle induisait pour le projet socialiste.
À propos de la crise économique et financière mondiale de 2007-2008, il s’interrogeait dans un texte de 2017 : « Peut-elle simplement être vue comme une "très grande crise" d’un capitalisme encore capable d’une nouvelle phase de croissance plus ou moins longue et forte, ou au contraire comme le point de départ du moment historique où le capitalisme rencontrerait des limites qu’il ne pourrait plus repousser ? L’une, attenant aux effets de l’automatisation […]. L’autre, attenant à la destruction par la production capitaliste, des équilibres écosystémiques, notamment de la biosphère […] ». Et il ajoutait : « La rencontre par le capitalisme de limites qu’il ne peut pas franchir ne signifie en aucune manière la fin de la domination politique et sociale de la bourgeoisie, encore moins sa mort, mais elle ouvre la perspective que celle-ci entraîne l’humanité dans la barbarie ».