Comme un symbole. Le mardi 7 octobre, pendant que les dirigeants syndicaux manifestaient à Paris, en faveur du "travail décent" - des mobilisations similaires se sont déroulées dans plus d’une centaine de pays dans le monde -, le porte-parole de la LCR et du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) s’est rendu à la rencontre des salariés de Renault Sandouville, en Seine-Maritime, "contre la suppression de 1 000 emplois annoncés par le PDG Carlos Ghosn". Une habitude pour le postier candidat de la LCR à l’élection présidentielle qui arpente la France des conflits sociaux. Comme lui, les militants du NPA, qui naîtra officiellement début 2009, préfèrent les grèves et les mouvements "luttes de classe", à ce qu’ils dénoncent comme des "sempiternelles journées d’action sans lendemain" des confédérations syndicales. Et le NPA, comme le faisait la LCR, ne se prive guère de critiquer aussi bien les directions syndicales, CGT en tête, que les partis de gauche, le PS restant la cible principale. Une "confusion des genres" qui énerve les dirigeants syndicaux. "Je vois bien chez Olivier Besancenot la tentation d’être un responsable politique et dans le même temps un animateur en chef des luttes sociales", juge Bernard Thibault. Mais, pour le secrétaire général de la CGT, "cela reste une ambition, on ne peut faire les deux". Confronté à un fort courant de sympathie pour "le facteur" dans la CGT, M. Thibault insiste sur le fait que "ce n’est pas le succès du NPA qui fera augmenter les salaires dans les boîtes". Et de dénoncer ce qu’il appelle "une ambiguïté sur le rôle du parti et du syndicat". "La CGT veillera à son indépendance, a déclaré au Monde M. Thibault, et si le NPA et Olivier Besancenot ont des comptes à régler avec les socialistes ou d’autres, c’est en dehors de la CGT qu’ils doivent le faire." "RAS LE BOL" Pour lui, comme pour l’ensemble des dirigeant syndicaux, de Solidaires à la CFDT, Olivier Besancenot "comble un vide politique". François Chérèque estime ainsi que "Besancenot bénéficie de la sympathie liée à l’expression d’un ras le bol... et de l’inexistence du PS, plus préoccupé de ses querelles internes". Mais pour lui, le NPA est un "objet pas totalement identifié, un ersatz politique et syndical". "Mais dans ce contexte de crise économique, estime M. Chérèque, le risque existe de voir des salariés se tourner vers cette offre politique." Autrement dit par un autre dirigeant national de la CFDT, Jacky Bontemps, "la surenchère, la radicalisation peuvent rendre plus difficile une stratégie réformiste". A gauche de l’échiquier syndical, la porte-parole de Solidaires (qui rassemble les syndicats SUD), Annick Coupé, veut aussi éviter "la confusion des genres". Mais, estime-t-elle, "dans le cadre d’un syndicalisme de transformation sociale, opposé au syndicalisme d’accompagnement de la CFDT ou de la CGT, le dynamisme du NPA sur le front social est plutôt un bien". De leurs côtés, les militants du NPA, syndicalistes pour la plupart à la CGT, à Solidaires ou à la FSU, veulent peser sur ce qu’ils appellent la "crise du syndicalisme". Plus de trois cent cinquante "salariés et privés d’emploi" ont débattu, les 27 et 28 septembre à Saint-Denis, notamment de la construction d’une tendance "lutte de classe". Ils ont aussi essayé d’accorder leurs violons. A Yann, postier CGT à Nanterre, qui estimait que "le problème n’est pas de faire de l’hyper syndicalisme, c’est de changer le monde", Manu, professeur CGT marseillais a répondu : "Le NPA ne peut rester insensible à la crise du syndicalisme et au recentrage de la CGT, c’est un champ d’intervention politique." Pour autant, rappelait Ignace, métallurgiste CGT à Fumel (Lot-et Garonne), "le parti n’est pas là pour dire dans quel syndicat il faut intervenir". D’autant qu’au NPA, beaucoup ne sont pas - encore - syndiqués. Jean, syndicaliste "CGT puis CFDT et enfin Solidaires" chez Thalès à Paris, a évoqué ce "défi" : "notre premier problème est de rappeler qu’il n’y a que 5 % de syndiqués en France, il faut convaincre les salariés".
Rémi Barroux
Article paru dans l’édition du 08.10.08.