Publié le Vendredi 18 juillet 2014 à 10h32.

Hasta siempre Iñaki

Hommage du NPA 47. Ignace Garay a milité pendant 40 années dans un parti, que la bourgeoisie se plaît à qualifier d’extrême gauche, et plus longtemps encore au sein de la CGT. Cette considérable expérience du militantisme va manquer. Nous, membres du NPA 47, ne connaissons personne d’autre dans ce département qui ait élevé son engagement politique à un tel degré, avec une telle détermination, la plus profonde honnêteté et le plus incontestable désintéressement à l’égard d’une quelconque gloriole ou de quelque avantage d’aucune sorte. Il a été de ceux, trop rares, qui ne se sont jamais enrichis par le biais de la politique, mais au contraire celui qui a régulièrement payé de sa poche comme de sa personne. Et aujourd’hui il paie le prix fort : Ignace est mort en militant, entre un rencard chez un camarade d’Agen, d’où il partait après avoir discuté, entre autre, des problèmes des travailleurs d’UPSA, pour se rendre aux parquets Marty afin d’y poursuivre là encore le combat. Il a rejoint ainsi quelques-uns de ses camarades de lutte, et nous avons en cette occasion une pensée particulière pour deux d’entre eux qui nous ont quittés récemment : Daniel Macias dit Poï et Henri Thoueille dit Neneuil.

Ignace Garay dans les luttes, c’est un pléonasme. Cela revient à dire que le Soleil chauffe ou que la pluie mouille. Ignace dans la rue, à Agen comme à l’usine, en première ligne. Ignace rédigeant des tracts, les distribuant avec les camarades à 4h du matin en plein mois de juillet, à l’entrée de Marty. Ignace dansant sur la voie ferrée de la gare d’Agen au printemps 2003, en agitant le drapeau rouge. Ignace rencontrant les jeunes, les motivant dans leur lutte contre le CPE. Ignace encore remplissant ses nuits d’insomnie en empilant les dossiers amiante des ouvriers de la fonderie. Ignace de tous les combats contre l’abjection capitaliste. Jamais découragé, il avançait en permanence ce concept essentiel que fut pour lui celui de la lutte des classes, nous rappelant que la bataille n’était pas encore perdue puisque nous ne l’avions pas encore menée.

Ignace Garay, fils d’un indépendantiste basque qui lutta sans relâche contre le franquisme, disait que ce que nous avions le plus à redouter, en dehors des fachos bien sûr, ce sont les stals et les socio-démocrates. Que les réformards ont pour fonction de trimballer le peuple d’élection en élection, d’impasse en impasse, de mensonge en mensonge, afin qu’il ne se révolte pas tant une transformation radicale de la société les effraient. Mais il ajoutait que ce n’est pas parce la collaboration de classe, qui infeste les directions syndicales et certains partis prétendument de gauche, redoute l’affrontement que celui-ci n’aura pas lieu. Pendant que d’un côté certains se sont pliés aux institutions bourgeoises, de l’autre il a mené la bagarre. Entre la loi et la lutte, Ignace a toujours choisi la deuxième voie.

Ignace Garay était un intellectuel issu de la classe ouvrière, qui maniait avec une aisance déconcertante les concepts économiques les plus subtils, les rapports de classes, les formules fulgurantes… mais il n’était pas de ces intellectuels éthérés qui font la révolution dans les salons ou les bureaux d’études, encore moins dans les bureaux de vote. Il aimait à vérifier par la pratique la validité de la théorie, et par la théorie la validité de la pratique. Pour lui, l’une n’allait pas sans l’autre. Il confrontait son marxisme à la rue, l’usine, la grève, aux rencontres qu’il affectionnait avec tous ceux qui se mettaient en mouvement. « Ce que les gens ignorent, c'est la richesse des rencontres que nous faisons en militant, affirmait-il ». Pour nous qui avons eu la chance de le rencontrer, nous ne pouvons que souscrire à cette affirmation. 

Et puis il y a eu toutes les réunions de comité, presque toujours chez les Garay, une bonne dizaine autour de la table de leur petit séjour, à discuter jusqu’à minuit, une heure. Et si à deux heures du mat’, tu n’avais toujours pas envie de rentrer chez toi, il suffisait de le lancer sur la guerre d’Espagne, la lutte en pays basque, le marxisme, la littérature, le trotskisme, la lutte des classes, le flamenco, le théâtre, son père, le rugby… c’était la nuit blanche assurée.

Ignace Garay, c’était encore ce bonhomme avec ce sens aigu des relations humaines, sa capacité quasi-infinie à se mettre en empathie avec les exploités, les opprimés de tout poil. C’était ce sourire malicieux sous la moustache, ces paroles chaleureuses qui remontaient le moral des camarades dans les moments de doute ou de lassitude. Celui qui te maintient la tête hors de l’eau quand tu commences à boire la tasse.

Il tirait une légitime fierté de sa famille : Marifé qui lutte au NPA, au lycée, à la maison des femmes ; Hegoa et Iker qui reprennent le flambeau de l’anticapitalisme à Toulouse. A eux quatre, ils pouvaient déjà constituer un comité NPA. On est comme ça chez les Garay.

Alors, avec ce coup du sort, ce n’est pas seulement un authentique communiste révolutionnaire que nous perdons, c’est aussi un copain d’une valeur inestimable, un ami magnifique.

Nous voudrions conclure, pour aujourd’hui seulement, avec deux anecdotes qui révèlent, l’une la constance de son engagement contre la bourgeoisie, l’autre son indéfectible positionnement dans le camp de la révolution prolétarienne. La première nous ramène plus de vingt ans en arrière. Un jour que la maîtresse d’école avait demandé à Hegoa quel était le métier de son père, la petite fille avait répondu : « faire la grève ». Ce n’était pas une provocation, c’était ce qu’elle pensait sincèrement. Un beau métier en vérité. La deuxième nous ramène à 2010. Nous n’oublierons pas ce moment où, lors d’une réunion de notre comité fumélois, t’était sortie cette réflexion qui nous avait tellement fait rire : « Je ne l’ai pas encore vu, le trou du cul qui me débordera sur la gauche ». Nous non plus nous ne l’avons pas vu, de ce côté-là, tu peux reposer, Ignace, tranquille.

 

Tu es parti.

Ta pensée reste.

La lutte continue.

Hasta siempre Iñaki.