Publié le Dimanche 25 mars 2012 à 19h58.

Hommage Jean Baumgarten (1932-2012)

Avec Jean Baumgarten, c’est un de ces vétérans du trotskisme, de ceux qui n’ont jamais baissé les bras, qui s’éteint. Il n’avait pas 16 ans quand il adhéra au PCI (Parti communiste internationaliste, la section française de la IVe Internationale), juste après être entré aux Auberges de Jeunesse, et venant des Éclaireurs de France dont il était membre depuis 1943. Auparavant, il avait rompu, à Grenoble, avec les Éclaireurs israélites auxquels il appartenait depuis ses 10 ans, après sa découverte de leur manipulation par le sionisme. Ainsi sa vie consciente commença par l’éloignement d’un courant contre lequel il la termina, dans une violente indignation contre l’utilisation du génocide juif – auquel avec ses parents il avait échappé, mais non sans peine –, par un État d’Israël dont les pratiques à l’égard des Palestiniens étaient celles même du nazisme (voir son livre En finir avec le sionisme, 2004, La Brèche).

Avec la même rapidité d’évolution, il fut vite un cadre du mouvement de jeunesse du PCI, et avec la particularité d’être un animateur culturel, liant la musique (on l’appelait Crincrin), les chansons (dont celles qu’il écrivait), à la politique, et où il devint vite un élève et quasi un fils spirituel de Marcel Bleibtreu.Cette liaison l’aida à coup sûr à éviter les doubles déviationnismes du trotskisme, le « pablisme » (de Michel Raptis, dit Pablo) et du « lambertisme » (de Pierre Boussel, dit Lambert), et par de longs détours (Groupe bolchevik léniniste, Nouvelle Gauche, UGS, et enfin Tendance socialiste révolutionnaire, puis gauche du PSU), de rejoindre tardivement la LCR. Longtemps, en même temps dans les organisations de jeunesse, étudiantes et politiques, il fut un grand recruteur. Ce fut lui qui gagna au trotskisme, juste avant l’exclusion de la tendance Bleibtreu-Lequenne par Lambert, l’étudiant Jean-Marie Vincent qui devint l’éminent marxiste que l’on sait, et qui suivit le même cheminement que Jean, dont il ne se sépara que dans le PSU, suivant alors tous deux des chemins parallèles et parfois croisés.

Jean fut de toutes les grandes luttes du demi-siècle, et surtout celle contre la guerre d’Algérie, y compris avec affrontement physique avec Le Pen, et forçant la direction de la Nouvelle Gauche à condamner le vote des « pouvoirs spéciaux », puis celle du PSU à une riposte, qui fut d’ailleurs trop faible, au massacre de la manifestation des Algériens du 17 octobre 1961.

Toute son activité de militant et de propagandiste, jusqu’à la lutte contre le Traité européen en 2005, s’est accompagnée d’écrits dont la plupart sont de dénonciation par l’humour, de son Procès de Paris, pastiche de ceux du Kominform, fait à « Fils du Peuple » (Thorez), auquel Maurice Henry ne dédaigna pas donner une superbe illustration, à l’ « opéra » antiterroriste Où est donc passé Ben Laden, en passant par la « farce tragique » Allergie française, et celle, plus « tranquille », l’Entrevue ou le Jugement de Dieu, pastiche complément de l’entretien de François Mitterrand avec Elkabbach.

Toujours passant du carré du radicalisme à la rondeur de l’humour, il était à la fois un camarade attachant, mais pas toujours facile dans les polémiques, soit un homme d’une richesse vitale comme il en faudrait beaucoup, et qui a gardé jusqu’au bout la chaude amitié de ses vieux camarades.

Michel Lequenne