À la veille du premier tour des élections législatives, nous publions deux tribunes de courants du NPA suite à leur demande.
Nos rapports privilégiés avec LO : une inflexion inquiétante
Lors de son dernier Conseil politique national, le NPA a décidé majoritairement « de demander une rencontre à LO pour leur proposer une répartition des circonscriptions sur la même association de financement », et que « Dans les circonscriptions où le NPA ne sera pas présent, il appellera à voter Lutte ouvrière ».
Ces décisions dessinent un axe d’alliance privilégié avec Lutte ouvrière, et même exclusif puisqu’aucune autre démarche unitaire n’est envisagée nationalement.
Une démarche erronée
Pour nous, le NPA doit chercher à rassembler dans la rue et les mobilisations notre classe, celle des exploitéEs et des oppriméEs, et au-delà de ces luttes, tracer la voie du rassemblement dans une même force politique autour d’un programme anticapitaliste, de rupture révolutionnaire avec le capitalisme et avec ses institutions, qu’elles soient nationales ou européennes.
Comment penser que ce rassemblement peut et doit avoir comme axe un affichage avec LO ? Affichage car il n’y a aucun retour de la part de LO (comme l’a montré une nouvelle fois la réponse négative de LO concernant la proposition de répartition), sauf à considérer que le sempiternel débat à l’occasion de leur fête ait une quelconque signification...
Et la consigne de vote automatique, nationale, sans aucune prise en considération des configurations locales, vise bel et bien à indiquer une proximité exclusive avec LO. En tout temps et en tout lieu, quoi qu’il arrive, quels que soient les candidatEs, notre choix ce serait de toute façon « LO sinon rien » ?
C’est un problème pour ces législatives, pour notre profil en général, en particulier dans des situations un peu moins mauvaises, par exemple là où nos camarades du NPA – ou d’autres – ont été capable de prendre des initiatives politiques (comme la candidature Ruffin à Amiens), ou d’autres initiatives dans lesquelles le NPA est engagé, pour des candidatures de résistance unitaires. Des endroits où cette consigne nationale de vote en faveur de LO est simplement inapplicable...
Un axe contre-productif
Mais c’est surtout un problème pour la suite. Nous vivons la fin d’une période, un effondrement du système structurant la vie politique depuis 50 ans, de ses partis-piliers. Bref, un bouleversement total. Il est dans cette situation impossible de penser que tout bouge... mais que la seule chose que nous ayons à faire est de ne surtout pas bouger !
Ce que nous avons devant nous n’est rien moins que de refonder un projet politique, social, idéologique, radicalement alternatif au capitalisme dans toutes ses dimensions ordolibérale, productiviste, sécuritaire, raciste, sexiste... Cette tâche ne peut être accomplie qu’avec celles et ceux qui sont les animateurEs des mouvements sociaux, qui se battent au jour le jour avec détermination contre l’un de ces aspects néfastes. Cela ne peut être une simple addition, encore moins un rapport de subordination des mouvements sociaux aux organisations politiques, mais la redéfinition commune d’une politique émancipatrice.
C’est avec elles et eux, en nous rencontrant, en nous écoutant, en apprenant les unEs des autres, que nous pouvons être utiles. Cela sans renier notre histoire, nos fondamentaux anticapitalistes et internationalistes, mais en les confrontant à la réalité d’aujourd’hui.
Pour faire ce travail difficile, l’affichage d’un axe NPA-LO est contre-productif, non seulement parce que LO est absente de l’essentiel de ces combats, quand elle n’y est pas simplement hostile (ainsi les luttes sur le terrain de l’écologie ou contre l’islamophobie...), mais parce que le message délivré est en dernier lieu celui de « révolutionnaires » hermétiques et autosatisfaits.
L’équipe d’animation de la PF1
Nous ne sommes pas à égale distance des révolutionnaires et des réformistes
L’écho de la campagne Philippe Poutou autour d’un profil ouvrier, de rupture avec le capitalisme, a montré que nos idées ont une audience dans une frange de la jeunesse et de la classe ouvrière. Le succès de la manifestation du Front social le 8 mai, ainsi que la grève des conducteurs de carburants, montre qu’une partie de notre classe est disponible, cherche les voies pour résister aux attaques ultra violentes du patronat qui a trouvé en Macron un serviteur zélé.
À mille lieues de ces préoccupations, Mélenchon a écrit « économisez-vous des kilomètres de manif en votant France insoumise ». Les directions syndicales quant à elles ne proposent rien ou au mieux des intersyndicales. Les législatives doivent nous servir à faire entendre une autre voix, expliquant que le seul moyen de s’opposer à la politique des patrons, c’est la grève et la mobilisation. Nous devons relayer et construire la riposte sociale à commencer par les manifestations organisées par le Front social dans plusieurs villes le 19 juin.
C’est aussi l’occasion de dire que, face au projet ultra libéral de Macron, un autre projet de société basé sur la satisfaction des besoins sociaux, sans exploitation ni oppression, est non seulement indispensable mais possible.
Le Conseil politique national (CPN), réuni après le premier tour de la présidentielle, avait pris la décision à 71 % de présenter des candidatures NPA, de proposer à LO et seulement à LO un accord de répartition pour les législatives. La majorité des camarades de la PF1 au CPN étaient contre, attachés qu’ils sont à cette politique qui vise à nous placer à égale distance des révolutionnaires et des réformistes. Pourtant, 51 % du CPN se sont également prononcés pour appeler à voter Lutte ouvrière dans les circonscriptions où nous ne serions pas présents.
Cependant, les camarades minoritaires au dernier CPN ont développé une politique au CE visant à limiter au maximum le nombre de candidatures, parfois sur des régions entières ou en multipliant les obstacles techniques (profession de foi et affiche types arrivées en retard). Cela a été rendu possible avec l’appui d’une partie des camarades de l’ancienne plate-forme 2 du congrès. Les camarades du Comité exécutif ont même trouvé le moyen de s’opposer à une candidature dans le 11e arrondissement de Paris dans un CE. Rappelons qu’il y a 5 ans, le NPA, qui n’était pas dans une meilleure situation financière, avait tout de même pu présenter 366 candidats : dix fois plus qu’aujourd’hui !
Derrière les prétextes financiers initiaux, les camarades qui ont décidé de ne pas présenter de candidats mettent en avant des arguments politiques de fond : ne pas participer au morcellement de la gauche, pas d’intérêt politique (alors que l’écho de Philippe est plus important qu’en 2012). Dans certaines circonscriptions, le NPA appelle même explicitement à voter « pour toute formation à la gauche du PS ». Dans l’Eure, le NPA est à l’initiative d’une liste « unitaire » avec le PC, Ensemble et FI… en contradiction non seulement avec le vote du CPN, mais également avec la motion majoritaire du dernier congrès.
C’est donc dans ces conditions que des camarades ont dû, sans un réel soutien de l’appareil du parti, se présenter dans 27 circonscriptions aux législatives. Partout ailleurs, nous appellerons à voter pour Lutte ouvrière. Face à l’offensive que prépare Macron contre le monde du travail et la jeunesse, il est urgent de construire une riposte sociale la plus large possible contre l’application de sa politique, en particulier de casse du code du travail.
Mais nous devons aussi faire apparaître que les révolutionnaires, au-delà de leurs divergences, peuvent faire bloc pour défendre leur camp, y compris en montrant un minimum de solidarité au moment des élections.
Anticapitalisme et révolution