Publié le Dimanche 1 mai 2016 à 09h20.

Tribune : « Tout bloquer pour que tout se débloque »

Le projet de loi « travail » vient couronner des décennies de mise en œuvre par les gouvernements successifs de l’idéologie néolibérale qui distille le principe selon lequel il n’y a pas d’autre choix de société que la soumission aux exigences du capital...

Le rôle des institutions (nationales et européennes) est d’instaurer des normes qui ordonnent la société et échappent au débat démocratique. Parallèlement, il faut éradiquer tout ce qui peut servir de base à la prise de conscience des exploitéEs et des oppriméEs. La loi El Khomri constitue une pièce maîtresse de ce dispositif en décrétant la disparition des droits et garanties collectives.

Cette loi travail a cristallisé toutes les exaspérations, un rejet de tout ce qui vient d’en haut : lois antisociales, largesses envers les entreprises et les banques, trafic et corruption financière, racisme d’État et attaques contre les migrantEs, projets inutiles et fuite en avant dans le dérèglement climatique (malgré la mise en scène de la COP21) et, cerise sur le gâteau, l’instauration de l’état d’urgence (prétenduement pour faire face aux attentats terroristes) et les violences policières.

Le scénario traditionnel du cycle infernal enchaînant journées d’action saute mouton et demande d’ouverture de négociations a été bousculé. Hors des cadres habitués à encadrer le mouvement a surgi toute une série d’initiatives : « On vaut mieux que ça », pétition Internet de 1 200 000 signataires, prises de position d’équipes syndicales imposant le mot d’ordre de retrait du projet et contraignant les directions syndicales à débattre de la grève générale, interventions de la jeunesse étudiante et lycéenne... Ce fut le succès du mercredi 9 mars, l’irruption de la jeunesse dans la rue, puis celui du jeudi 31 mars avec un élément nouveau, Nuit debout.

De la lutte sociale à la construction d’un projet politique

Ce qui avait commencé à se manifester dans les actions contre la COP21, à Notre-Dame-des-Landes ou contre le barrage de Sivens se confirme à une échelle supérieure. On est passé du clic à l’occupation des places, ce qui a ouvert au mouvement une nouvelle dynamique et assuré un lieu de convergence aux différents fronts de lutte. Après des décennies de résignation ou de luttes éparses, la parole populaire se libère, la quête de la démocratie s’exprime, la convergence des luttes se met en place, et un nouveau projet d’émancipation des exploitéEs et oppriméEs prend forme.

Politiquement, il s’agit d’un processus concret de rupture des classes populaires avec un gouvernement qui aura servi le capital comme aucun autre. Il s’agit aussi d’une tentative concrète de passage d’une lutte sociale à la construction d’un projet politique de transformation du système.

Depuis sa fondation, le NPA mise sur l’émergence dans la lutte des classes d’un nouveau projet écosocialiste face à la dictature multiforme du capital. Ce projet est totalement en phase avec le mouvement en construction qui dispose d’un fort potentiel anticapitaliste, même si ce processus comporte des contradictions. Nous sommes des militantEs de ce mouvement et nous y intervenons pour le construire, en rejetant toute attitude de donneurs de leçons, de récupération, sans vouloir enfermer le mouvement dans l’impasse de certitudes inoxydables...

Nous mobilisons nos énergies pour faire chuter le gouvernement sur la loi travail. Grèves, manifestations, blocages des lycées et des facs, occupations de places, tout doit être entrepris pour converger vers un mouvement de masse, un mouvement politique. Nous pouvons faire nôtre ce que dit Frédéric Lordon : « Tout bloquer pour que tout se débloque », en prenant appui sur ce qui s’exprime à Nuit debout pour mettre en échec la loi travail, mais aussi le système qui lui a donné naissance.

Équipe d’animation de la P1