Réunissant sur 4 jours 700 participantEs (comme en 2012), cette université d'été a été un moment fort de mobilisation du NPA, alors que se profile en cette rentrée une bataille importante contre le gouvernement sur la question des retraites. Avec de nombreux invitéEs, en particulier internationaux, le souffle des luttes et révolutions est bien passé par Port-Leucate...
L’université d'été est avant tout un moment de convivialité et de rencontres. De l'avis des présentEs, le cru 2013 n'aura pas échappé à la règle, même si cette année était un peu particulière puisqu'il s'agissait de la dernière dans le village-vacances des Carrats. En effet, celui-ci ferme ses portes en fin d'année et nous ne pouvons que remercier toutes les personnes avec qui nous avons travaillé à améliorer l'organisation de notre université d'été au fil de ces dix années, au NPA et avant cela à la LCR. Et comme l'a affirmé Philippe Poutou en ouverture du meeting dimanche 25 août, nous sommes pleinement solidaires de la centaine de salariéEs — à l'année ou saisonnierEs – qui vont voir leur emploi disparaître dans les petits calculs financiers de la CAF, propriétaire des Carrats.
Luttes d'ailleurs...
Les mobilisations populaires internationales nous ont d'abord joué un vilain tour, Florence Aubenas annulant sa venue quelques jours avant le début de l'université d'été en raison d'un départ précipité en Égypte. Mais, quelles que soient les difficultés et les flux et reflux des luttes, ces mobilisations nous ont encore cette année fait le plus grand bien.
Du Brésil évoqué par Caroline de Castro, dirigeante du PSOL, et de « l'esprit de Taksim » évoqué par Mutlucan Sahan, militant révolutionnaire internationaliste en Turquie, nous retiendrons l'engagement inédit des peuples, de la jeunesse, contre les injustices sociales, où quelquefois un fait presque insignifiant peut mettre de larges masses dans la rue.
Des débats surgis de Grèce, et portés dans notre université d'été par Sotiris Martalis du DEA-Syriza et Panagiotis Kardamitsis de l'OKDE-Antarsya, nous retiendrons, au delà des discussions et désaccords, la nécessité de rechercher toujours à construire une alternative politique à la barbarie austéritaire, alors que l'extrême droite gagne du terrain.
Et à l'écoute de Joseph Daher, militant de la gauche révolutionnaire syrienne, on se dit que, malgré l'écrasement du peuple syrien, aujourd'hui par le dictateur Assad et peut-être demain par les bombes des grandes puissances, il reste toujours l'étincelle d'un processus révolutionnaire qui n'est pas encore près de s'éteindre.
Résistances d'ici...
Pour se battre, il faut d'abord comprendre, prendre la mesure de ce à quoi on s'affronte. À commencer par la République et son fonctionnement opaque, tel que révélé par l'affaire Cahuzac qui a marqué l'union d'une certaine gauche avec le monde de la finance. Journaliste à l'origine de cette affaire, Fabrice Arfi de Mediapart a raconté à la centaine de participantEs présentEs sa passionnante enquête.
Comprendre pour défendre notre protection sociale, à l'heure où un gouvernement « de gauche » s'apprête à dégainer une énième réforme des retraites, avec l'économiste et sociologue Bernard Friot, avec qui les points de convergences n'ont pas cachés les désaccords. Pénétrer aussi les arcanes d'un système économique — finance, banques, dettes — avec Patrick Saurin, syndicaliste, ou celles des sociétés anciennes et des premières inégalités, avec l'économiste Christophe Darmangeat. Trente ans après la marche pour l'égalité, discuter avec Kaïssa Titous, marcheuse de 1983, de la pérennité des luttes de l'immigration ; de la perspective écosocialiste avec nos invités de différentes organisations de la gauche radicale, et même de la question nationale et sociale au Pays basque...
Sans parler des dizaines d'ateliers concoctés par les commissions nationales du NPA autour des grandes questions qui ont traversé l'activité militante des derniers mois : Notre-Dame-des-Landes, le mariage pour tous et l'égalité des droits, la lutte antifasciste, la défense de l'emploi et les fermetures de sites, etc.
Et tout le reste !
Dans le cadre d'une grande soirée, dans une salle comble, Xavier Mathieu s'est dit « fier » de nous présenter la lutte de Continental, avec la Saga des Conti, film consacré à cette mobilisation emblématique. Le lendemain, c'est Marx lui-même, porté par la troupe de l'Autre Scène, qui s'est invité au son de l'accordéon et sur un texte librement adapté d'Howard Zinn. Une salle à nouveau conquise.
Et on ne vous parle même pas des fins d'après-midi, de l'apéro musical Bossa Jazz, des rencontres avec auteurs et éditeurs du côté de la librairie la Brèche, des pochoirs et banderoles réalisés durant l'université d'été et de la chorale...
Pas le temps d'en parler, pas la place de tout écrire et de toute façon pas trop envie : en 2014, faudra venir pour vous faire une idée.
Commission université d’été
Mobilisation générale du NPA !
Moment important de notre université d'été, le meeting marque traditionnellement la rentrée du NPA. Cette année, actualité brûlante oblige, une large place a été laissée à nos invitéEs internationaux. Mais, avec une gauche au pouvoir depuis plus d'un an, la situation politique française et les perspectives des anticapitalistes étaient largement présentes, notamment dans la conclusion de la soirée par notre porte-parole, Christine Poupin.
Ce sont donc Caroline de Castro, dirigeante brésilienne du PSOL (Parti du socialisme et de la liberté), Mutlucan Sahan, militant révolutionnaire turc de la IVe internationale, et Joseph Daher, militant de la gauche révolutionnaire syrienne qui ont ouvert le meeting.
En trois interventions, ils nous ont fait vivre l'espoir d'un bouleversement radical en faveur des peuples, dans la continuité de ce qui se passe dans leur pays respectifs. Des limites, sûrement, des difficultés, certes, des drames même, notamment dans la tragédie syrienne, mais aussi un devoir de solidarité internationaliste avec tous les peuples opprimés et une leçon d'espoir pour les temps prochains.
Kevin, militant marseillais du NPA, membre du collectif « Marseille solidaire contre l'extrême-droite », a présenté la mobilisation unitaire en construction contre la tenue de l'université d'été du FN dans la cité phocéenne, avec comme point d'orgue une grande manifestation samedi 14 septembre.
Par des exemples édifiants, Damien du secteur jeune du NPA a illustré la dégradation des conditions d'études dans les facs et rappelé le rôle que la jeunesse peut jouer dans les mobilisations, ici comme ailleurs.
Comme il l'a dit lui même, à défaut d'avoir été élu président de la République, Philippe Poutou assurait la présidence de la soirée et a présenté la campagne financière lancée par le NPA pour réunir un million d'euros. Parce que la bataille d'idées permet souvent de mener la bataille tout court, et parce que, pour nous, les élections sont la continuité de ce que nous défendons au quotidien, le NPA doit être présent au maximum dans les prochaines échéances électorales européennes de 2014.
Dernière intervenante, Christine Poupin a porté le message d'un NPA offensif ces prochaines semaines. Voici quelques extraits de son intervention :
Les reculs du gouvernement nourrissent les réactionnaires, homophobes ou racistes. Abandon du droit de vote, poursuite de la politique de Sarkozy par rapport aux sans-papiers, même discours sécuritaire, même stigmatisation des Roms...
Ceux qui pensent que le parti Socialiste a pris la mesure du problème en choisissant comme thème principal de leur université d’été : Comment entraver la montée en puissance du Front national doivent abandonner toute illusion... en constatant que c'est Valls qui y prend la parole. Le même Valls qui, lors du séminaire du gouvernement sur le projet pour 2025, aurait souligné trois défis pour la France des dix prochaines années : l’immigration en raison de la démographie africaine, la compatibilité de l’islam avec la démocratie, et les problèmes posés par le regroupement familial au bénéfice des travailleurs étrangers...
(...)
Dans la réalité, zéro changement de cap, le gouvernement se conforme à l’agenda libéral fixé par la Troïka : le sursis pour atteindre les 3 % de déficit est en fait un moyen de chantage pour accélérer les contre-réformes. Une politique radicalement antisociale, authentiquement libérale.
Et la suite est annoncée contre la protection sociale (retraites, allocations familiales, assurance chômage), avec la Modernisation de l'action publique (ex-Révision générale des politiques publiques) contre les services publics, l'austérité pour les collectivités territoriales (4,5 milliards d’économies en 2014 et 2015) et la libéralisation des marchés des biens et services (électricité, ferroviaire...).
(...)
Il y a urgence à construire la mobilisation contre la contre-réforme Hollande-Ayrault sur les retraites. Pour cela, il y a une première question à régler dans le mouvement social, syndical, dans la gauche politique : le dialogue social ou la mobilisation ? Soit se laisser embringuer dans les différentes conférences (sociale ou environnementale) qui amène le mouvement social à discuter à froid, sans rapport de forces et finalement sur le terrain du patronat, soit construire ce rapport de forces pour imposer nos propres réponses. Dit autrement : il faut refuser toute négociation du rapport Moreau et de ses déclinaisons gouvernementales, et construire l'unité la plus large sans autre préalable que le refus de toute nouvelle régression : « pas un trimestre de plus, pas un euro de moins ! »
(...)
Concernant la mobilisation, ce n'est pas avec des pétitions que l'on va empêcher une nouvelle contre-réforme... Entre ceux qui ne veulent rien faire avant la journée du 10 septembre et ceux qui, pour des raisons boutiquières, veulent à tout prix que la rentrée politique se fasse lors de la fête de l'Huma, on est mal partis !
Le problème est politique : quand c'est la gauche libérale qui fait le sale boulot, la mobilisation unitaire est plus difficile... Car il a y a toujours la petite musique : « Quand même, le PS, c'est pas comme la droite ; face au PS, on ne peut pas agir comme face à la droite... ». Il ne faut pas agir comme face à la droite, parce qu'en 2010, on a perdu... et on ne doit pas perdre une nouvelle fois sur les retraites. Pour construire cette mobilisation, il donc faut convaincre massivement, gagner la bataille des idées, d'où l'utilité du travail unitaire, des meetings.
Mais il faut surtout tirer le bilan de 2010 : les journées d'action même extrêmement massives, même répétées, les manifestations monstres même les plus puissantes depuis des dizaines d'années, la grève de certains secteurs, même avec le soutien de la population, ne suffisent pas. Seuls l'affrontement avec le gouvernement, le blocage, la paralysie du pays peuvent faire reculer le pouvoir ! La confrontation, l'épreuve de force jusqu'au retrait.
(...)
Nous ne sommes pas un parti pour commenter, mais pour être utile. En premier lieu, nous voulons construire une opposition sociale et politique au gouvernement, un bloc anti-crise et anti-austérité, Une opposition de gauche qui s'oppose pied à pied à cette gauche gouvernementale en encourageant les mobilisations, leur convergence pour changer le rapport de forces, dans l’unité, pour frapper ensemble et le plus fort possible. Au coude à coude avec celles et ceux qui veulent dire leur mécontentement dans la rue, il faut construire ces mobilisations et en même temps débattre, dire nos désaccords avec le Front de gauche, comme avec la direction de la CGT, sur leur stratégie de pression sur le gouvernement, et défendre nos propres propositions et perspectives. Nous devons être offensifs sur tous les terrains, par des proposition d’actions, de luttes, et de débats faits à toutes ces forces.
De plus, face à la crise actuelle, il est politiquement important de proposer une solution politique alternative au social-libéralisme, de montrer qu’il n’y a pas de fatalité, d’avancer une perspective politique de gouvernement de rupture, « gouvernement des travailleurs », « gouvernement populaire », « gouvernement contre l’austérité »... Peu importe le nom, mais cela s’oppose à toutes les politiques de participation ou de soutien à des gouvernements de gestion de l’économie et des institutions capitalistes. Et cela s'oppose à toutes les alliances à géométrie variable. Aujourd'hui, le Front de gauche se déchire autour de la question de l'indépendance par rapport au PS. C'est exactement la question que le NPA pose. À toutes celles et ceux qui affirment vouloir s'opposer au gouvernement, nous disons « Chiche ! Construisons ensemble cette opposition de gauche décomplexée ! »
(...)
On dit que notre programme n'est pas raisonnable ? Pas réaliste ? Mais ce qui n'est ni raisonnable ni réaliste, c'est de penser que l'on pourrait faire l'économie de la mobilisation et du rapport de forces ; penser qu'il y a une solution dans les petits ou grands accommodements électoraux ; penser que pour faire reculer le chômage, la précarité, la misère il suffit de prier Sainte croissance et d'allumer des cierges à la reprise pour créer des emplois et partager enfin un peu les richesses ; penser que la crise écologique, que la catastrophe climatique peuvent attendre que les capitalistes et les gouvernements à leur service se laissent convaincre.
L'anticapitalisme est bien plus raisonnable, celui qui dessine une transformation révolutionnaire de la société, un nouveau mode de production aux service des besoins et dans le respect de l'environnement, une société démocratique et égalitaire, une civilisation écosocialiste où l'être prime enfin sur l'avoir, et où « nos vies valent plus que leur profits ».
Commission université d'été
Bernard Friot. Salaire socialisé : un « déjà là émancipateur » ?
Dans les plans d’austérité du gouvernement Hollande-Ayrault, la protection sociale occupe une place centrale. Trois ateliers, animés ou co-animés par la commission nationale santé sécu sociale du NPA lui furent consacrés lors de cette Université d’été. Un « temps fort » en fut le débat avec organisé avec Bernard Friot.
Économiste et sociologue, animateur du « réseau salariat », Bernard Friot a participé à un débat suivi sous le chapiteau Louise Michel par près de 150 participantEs attentifs. S’appuyant sur l’actualité de la contre-réforme des retraites, Friot développa les points clés abordés dans ses derniers ouvrages L’enjeu des retraites et L’enjeu du salaire (1).
Au cours du XXe siècle, le salaire s’est de plus en plus éloigné de la rémunération d’une force de travail achetée sur le marché du travail. Grâce aux conventions collectives, aux statuts de la fonction publique, il devient l’objet d’une délibération politique, s’appuyant sur les rapports de forces sociaux. Les cotisations sociales, qui socialisent près de la moitié du salaire, rémunèrent de plus en plus de salariéEs, hors situation d’emploi, comme les retraitéEs. Ainsi, le retraité, touche « un salaire à vie », correspondant à sa qualification. Pour Friot, ses activités sont un travail dégagé des « contraintes capitalistes de l’emploi ».
Les cotisations sociales sont le résultat de ce travail du retraité, auquel est affectée une « valeur économique » anticapitaliste. La généralisation de cette production de valeur économique, débarrassée de la « convention capitaliste du travail », concerne les retraités, mais aussi les parents (allocations familiales), les fonctionnaires... Elle ouvre la voie à une sortie du capitalisme : il convient donc de s’appuyer sur ce « déjà là émancipateur » qu’est le salaire socialisé pour le généraliser et entraîner ainsi la disparition du profit et de la « propriété lucrative ».
La stratégie en question
Dans son introduction (2), Jean-Claude Laumonier, membre de la commission nationale santé-sécu-social du NPA, a d’abord souligné des points de convergence avec l’approche de Bernard Friot, puis l’a questionné sur plusieurs aspects de ses écrits récents.
Tout d'abord la notion contestable de « travail » du retraité, « travail » assimilé à celui des fonctionnaires exerçant un emploi, le bénévolat des retraités (transformé en « travail rémunéré à la qualification ») étant ainsi mis sur un pied d’égalité avec le travail des fonctionnaires de la santé et du secteur social. Il a aussi insisté sur le risque de mettre en cause le caractère inconditionnel des prestations sociales puisqu’elles seraient le résultat d’un travail. Enfin et surtout, le danger principal serait de ne plus considérer le salaire socialisé, comme un enjeu de la répartition des richesses entre salaire et profits. L’enjeu de la lutte de classes, du combat pour les salaires, qu’ils soient directs ou indirects, serait ainsi escamoté.
Second point de débat, la stratégie de sortie du capitalisme. Une stratégie selon Friot par l’extension continue du salaire et qui ne prend pas en compte les réactions d'une bourgeoisie confrontée à la chute des profits et aux menaces sur la propriété capitaliste. Bernard Friot n’élude-t-il pas le moment nécessaire de la rupture, celui de la conquête du pouvoir politique dans de nouvelles institutions pour mener à son terme la dépossession des capitalistes ?
Ces interrogations et celles des nombreux participantEs furent l’occasion pour Friot d’argumenter son point de vue et de nourrir la discussion sur ces questions trop rarement débattues : la stratégie pour sortir du capitalisme et la société que nous voulons construire. Le débat s’est ensuite poursuivi tout au long de la journée, de manière informelle.
Correspondant commission santé sécu social
1. 2010 et 2012, éditions « La Dispute »
2. http ://siteinfosecusante.free.fr/spip.php ?article4030