Fillon a clairement donné le ton en nous prévenant il y a quelques semaines : « l’heure de la vérité a sonné ». […] Le gouvernement le répète « Il faut faire comprendre aux Français que nous ne pouvons pas vivre au-dessus de nos moyens ». Non on ne rêve pas. Ce message s’adresse bien à nous, salariés, chômeurs, jeunes, aux plus pauvres, les victimes de la crise ? [...]
C’est simple, le « trou » de la Sécurité sociale, ce serait de notre faute parce qu’on consommerait trop de médicaments, on tricherait sur les arrêts maladie, on frauderait auprès de la CAF... C’est pour ça que le gouvernement nous punit avec des jours de carence. Il omet juste de dire que le « trou » vient des milliards d’exonérations des cotisations sociales patronales. C’est un détournement de responsabilité... Il faut prendre l’argent là où il y a la vraie fraude, celle de ces patrons qui sous-déclarent les accidents du travail et qui refusent de reconnaître des maladies professionnelles.
Et puis il y a les chômeurs qu’ils font passer pour des fainéants, qu’ils disent vouloir remettre au travail en les obligeant à travailler un jour par semaine pour mériter le RSA. Et Sarkozy ose même nous parler de dignité (mais qu’est-ce qu’il en sait), rappelant que c’est mieux de bosser que de mendier ? [...]Enfin, si l’économie ralentit, si les entreprises ne sont pas assez compétitives c’est parce que nous serions trop payés et à cause des 35 heures que Copé vient de promettre à la poubelle. [...]
La crise, ce n’est évidemment pas qu’une histoire de chiffres ou de statistiques. Ce sont aussi des entreprises qui licencient, ce sont des emplois supprimés dans tous les services publics. La conséquence ce sont des millions de gens qui souffrent et qui s’appauvrissent. En France, ce sont près de 9 millions de personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté soit 950 euros par mois, autant qui n’arrivent pas à se loger dans des conditions décentes. Des jeunes qui galèrent de plus en plus et qui n’arrivent plus à étudier. Ce sont 7 millions de chômeurs et de précaires. […]Une catastrophe sociale, humaine et écologiqueCe système économique conduit clairement la société vers une catastrophe sociale, humaine mais aussi écologique.
C’est le drame de Fukushima de mars dernier, dont plus personne ne parle d’ailleurs, qui a condamné tout un territoire et mis en danger toute une population. C’est la famine, en ce moment, en Afrique de l’Est, qui frappe des millions de gens. C’est l’épidémie de choléra en Afrique de l’Ouest qui menace des dizaines de milliers de gens. [...]
Ici, les combats actuels menés par les salariés de Fralib (Marseille), de M-Real (Normandie) ou des Fonderies du Poitou (Châtellerault) sont révélateurs de ce qui se joue en ce moment. C’est la question même de la dignité ouvrière.
En occupant leurs usines, en refusant catégoriquement le droit au patron de liquider une entreprise, en défendant l’idée d’une reprise de l’activité par les salariés eux-mêmes, en redémarrant même la production comme cela a été fait, ces salariés montrent qu’ils ne sont pas bons seulement à exécuter le travail quand on leur demande et à partir quand le patron n’en a plus besoin. Nous ne sommes pas que des mains pour produire, nous avons aussi un cerveau qui nous permet de penser notre travail, son organisation, sa gestion. [...]
La lutte c’est à chaque fois la fierté retrouvée, la solidarité, la chaleur humaine. C’est cette dignité collective. C’est le culot d’envahir une salle de réunion CE, des bureaux du patron, de bloquer ou d’occuper une usine, c’est prendre un droit qui n’existe pas. Ce sont des salariés qui disent non, qui se lèvent et qui disent ce qu’ils pensent face au patron. C’est vivre des moments de fraternité qu’on croyait impossibles. […]Pas d’issue hors des mobilisationsC’est par les mobilisations, par notre colère que nous imposerons des solutions radicales nécessaires pour sortir de la crise. Des solutions radicales qui sont contenues dans le programme d’urgence économique, social et écologique que nous défendons.
Rien d’irréaliste ou de techniquement impossible dans ce que nous défendons. Les défenseurs du système capitaliste veulent faire croire que l’économie c’est compliqué, qu’il y a des lois du marché incontournables. C’est faux, l’économie c’est avant tout une question de choix politique, de qui dirige et de quels besoins on veut satisfaire.
Ce qui a été possible dans un sens l’est forcément dans l’autre. Pour cela, il faut rompre avec la politique menée depuis des années par tous les gouvernements en Europe. Une politique délibérément en faveur des plus riches qui se traduit par toujours plus de cadeaux fiscaux, par des exonérations de cotisations sociales, par des subventions diverses. En conséquence bien sûr, les profits capitalistes se sont envolés.Donc les riches s’enrichissent et… l’État s’appauvrit. La propagande justifiant l’austérité n’est que mensonges. Il y a les moyens de mettre en place une toute autre politique, une politique de rupture qui consiste à partir des besoins sociaux les plus urgents. Un véritable « bouclier social » doit être mis en place qui impose une répartition plus juste des richesses. [...]
Enfin, il y a urgence à sortir du nucléaire et pour cela un véritable service public de l’énergie est nécessaire. La production des énergies doit sortir de la logique de rentabilité. Car la planification écologique, publique et démocratique est impossible dans le cadre du marché capitaliste. Il faut pour cela exproprier les entreprises capitalistes que sont Areva et Total. [...]
Avec les richesses que nous pouvons produire, avec les connaissances scientifiques et techniques, il ne devrait y avoir aucune raison pour que la société d’aujourd’hui ne soit pas capable de satisfaire tous les besoins humains.
Un programme pour un gouvernement des travailleurs et de la populationC’est pour cela que le programme d’urgence doit s’attaquer à la logique du système capitaliste et au pouvoir patronal pour défendre les conditions de vie des millions de salariés, de chômeurs, de jeunes. Ce programme comprend les mesures qu’appliquerait un gouvernement des travailleurs pour servir l’intérêt du plus grand nombre. [...]
En face du gouvernement qui prône la rigueur, il y a un PS incapable d’avoir une politique claire. Hollande nous dit qu’il faut « donner du sens à la rigueur » sans en dire plus. Mais on peut mieux en comprendre le sens à la vue de la politique menée par ses amis socialistes en Grèce et en Espagne qui imposent aux populations des plans d’austérité brutaux. [...]
Certains à gauche mais aussi à droite parlent d’un système protectionniste, d’une antimondialisation qui mettrait la population à l’abri des soubresauts de la crise mondiale. C’est un leurre car tant que les capitalistes, français ou pas, dirigent l’économie, le protectionnisme ne protégera que leurs intérêts et en aucun cas ceux des salariés et des populations. [...]
Les discours du FN sur le retour de la monnaie nationale cultivent en réalité les réflexes nationalistes et au bout du compte anti-immigrés. Car plus on discute de l’importance des frontières, plus la politique raciste est proche. La démagogie antimondialiste du FN sert à récupérer le mécontentement des gens désespérés pour le détourner contre les boucs émissaires. Même si le FN s’en prend parfois aux banques, à la spéculation et aux délocalisations, en aucun cas, il s’agit de faire payer les capitalistes. Au contraire, le FN défend un capitalisme national ou patrons et ouvriers français seraient solidaires. […] C’est la vieille politique qui divise les pauvres au profit des riches.
Face à tous ces préjugés qui semblent se renforcer, je rappelle que nous défendons l’égalité des droits pour tous, le droit de vote des immigrés pour toutes les élections, la régularisation de tous les sans-papiers. Pour nous c’est fondamental. […]Battre Sarkozy et sa politiqueDans ces élections, nous avons un objectif qui semble abordable, c’est celui de dégager Sarkozy et sa bande. C’est en quelque sorte un minimum syndical. Mais la solution de remplacement qu’est Hollande n’est pas satisfaisante. Et nous disons aujourd’hui que cette « gauche » gouvernementale va encore nous tromper. À la place de l’austérité de droite, au mieux nous aurons une austérité de gauche. Et pour nous, quelle que soit sa couleur, nous sommes contre l’austérité.
Ce sera un des sens de la candidature du NPA, celle de dire le plus fort possible dans les urnes que nous n’avons aucunement confiance dans un PS libéral avec ou sans alliés. Celle de dire qu’il faut dès maintenant construire une opposition à gauche pour défendre dans la rue nos conditions de vie… tous ensemble.
Philippe Poutou (intervention au meeting de St Denis, le 24 novembre).