Avec l’inévitable retard pour ce genre de rassemblement, c’est devant une salle déjà bien remplie qu’a débuté la rencontre nationale « À celles et ceux qui luttent et ne lâchent rien » le samedi 11 décembre. Le lieu, s’il manque de chaleur, colporte tous les bruits et nous oblige en permanence à tendre l’oreille pour ne pas laisser échapper les détails des récits ou des analyses des intervenantEs. Cette première assemblée nous permet de faire un tour (trop) rapide de quelques-unes des multiples facettes de la mobilisation de ces derniers mois. Christine, salariée dans la chimie à Rouen, présente la diversité des revendications défendues, la richesse des formes de luttes, des grèves aux blocages, en passant par les multiples et massives manifestations en semaine ou le samedi. Elle ouvre ensuite le débat sur ce qui a manqué pour gagner vraiment, pour faire reculer le gouvernement. Quelles sont les parts respectives de l’absence de volonté de la majorité de l’intersyndicale d’organiser cet affrontement, de la mémoire des échecs des années passées dans plusieurs secteurs, du poids des politiques patronales tant au travers des restructurations industrielles que de la répression, de l’affaiblissement des équipes syndicales de terrain et surtout du poids du chômage et des difficultés financières résultant du « détournement » des richesses produites, des salaires vers les profits ? Pour Christine, nous n’avons pas été défaits malgré le vote de la loi. La mise en évidence des difficultés rencontrées mais aussi des acquis de ces six mois de lutte fixe notre feuille de route. Mais nous repartons d’un meilleur pied. Ce sont ces richesses et ces espoirs que les intervenants suivants vont développer. Pierre, de Marseille, évoque tour à tour la forte mobilisation des dockers, des raffineries, qui s’est soldée par des victoires partielles avec une mairie qui n’a pas hésité à faire intervenir la police et l’armée contre les éboueurs. Mais c’est surtout l’évocation de la formidable lutte des « tatas » (Asem : agentEs spécialiséEs des écoles maternelles) qui a soulevé l’enthousiasme, elles ont obtenu d’être reçues pour la première fois depuis neuf ans par la mairie.
Anne Chantran, représentante du Collectif national pour les droits des femmes, rappelle d’abord la violence de l’attaque contre les retraites avant de souligner l’ampleur de la mobilisation des femmes dans de nombreux secteurs (territoriaux, Asem, commerce, hôpitaux...).
Willy Pelletier, de la fondation Copernic, souligne la nécessité d’un débouché politique qui ne soit pas celui de 2012 mais qui se construise dès maintenant dans les prochaines luttes. Les nombreuses interventions depuis la tribune et la salle illustrent à la fois la multiplicité et la diversité des mobilisations : rôle des intersyndicales dans le Puy-de-Dôme, en Seine-Maritime, la place des secteurs les plus mobilisés comme les cheminots ou les raffineries. Mais bien des débats (rôle des syndicats, place de l’écologie, de la jeunesse) ne seront qu’esquissés pour être repris dans les ateliers au cours de la journée.
Meeting sous le signe de l’internationalisme
La riposte nécessaire des peuples, des travailleurs et de la jeunesse était au cœur du meeting organisé par le NPA, samedi 11 décembre au soir, à Montreuil. Près de 800 participantEs y ont assisté. Tout naturellement la parole a été donnée à ceux et celles qui contribuent en Europe à la résistance aux politiques d’austérité. L’ambiance était chaleureuse, l’atmosphère combative. La chanson des manifestations de l’automne On lâche rien était sur toute les lèvres. C’est donc en chanson que le meeting a commencé. Il s’est poursuivi par les interventions de militants anglais, irlandais et portugais. Trois pays sous les projecteurs en Europe, car soumis à la rigueur. Max Brophy, étudiant à l’université de Sheffield, membre du réseau constitué de syndicats d’étudiants et de personnels de l’éducation nationale, a rappelé sur un ton enflammé le refus de la jeunesse estudiantine et lycéenne des mesures visant à multiplier par trois les droits d’inscription dans les universités anglaises. Depuis des semaines la jeunesse en Angleterre se bat contre ces dispositions antisociales qui s’accompagnent de la suppression, dans les années à venir, de 490 000 postes de fonctionnaires. Notre camarade Michael O’Brien, de la nouvelle United Left Alliance, syndicaliste et membre du Socialist Party (SP), a expliqué comment les Irlandais allaient être mangés à la même sauce libérale : pour sauver les banques, toute la population devra goûter la potion amère de l’austérité. Diminution des aides sociales et des investissements publics, coupes dans les effectifs de nombreux ministères sont au programme. Mais comme en Angleterre, les Irlandais commencent à se battre, c’est ce qu’a prouvé la grève du 24 novembre dernier. Manuel Grilo, syndicaliste enseignant de la CGTP, membre du Bloc de gauche, a rappelé que le même type de plan drastique s’était abattu sur le Portugal, mais là aussi les résistances sont au rendez-vous : la grève générale du 24 novembre dernier est considérée comme une grève historique. On n’avait pas vu cela au Portugal depuis au moins 25 ans. Entre ces deux dernières interventions, Elie Domota, leader du LKP en Guadeloupe, par le biais d’une vidéo projetée aux participantEs, a résumé ce qui a été commun à l’ensemble des intervenants : la nécessité d’un combat soudé à l’échelle internationale face aux capitalistes qui n’auront de cesse d’agir pour nous faire payer la crise. C’est avec Willy Pelletier, de la fondation Copernic, Catherine Lebrun, membre du secrétariat de Solidaires et, bien sûr, Olivier Besancenot que s’est achevée la soirée, en abordant évidemment le formidable mouvement de l’automne en France contre la loi Woerth/Sarkozy sur les retraites. L’occasion de commencer à tirer les enseignements d’une lutte dont la portée a largement débordé nos frontières, encourageant ceux et celles qui refusent les plans d’austérité en Europe, à lutter. Mais l’occasion aussi pour rappeler que c’est bien le système capitaliste qu’il faut combattre et à qui il faut opposer une alternative politique à la hauteur des enjeux sociaux et écologiques.C’est ce qu’a exprimé Ken Loach dans un message de soutien et de solidarité lu à la tribune : « ...Et nous avons besoin d’une direction politique. Nous devons montrer que les revendications du capital et les besoins populaires sont incompatibles. De plus, la terre ne peut supporter plus longtemps la croissance capitaliste. Nous avons besoin de changement, pas seulement pour nos besoins immédiats, mais pour les générations futures. » Le mot de la fin pour la poursuite du combat.