Publié le Mercredi 20 mars 2024 à 10h37.

Construire une Europe Forteresse : l’obsession raciste de l’UE

L’« invasion migratoire » hante les gouvernements de l’UE qui n’ont de cesse depuis les années 2010 de construire pierre par pierre la forteresse Europe en fermant les voies légales de circulation à toutes celles et tous ceux qui fuient les guerres et la misère.

 

Les règlements européens se sont succédé et empilé sans pour cela faire consensus entre les pays de l’UE, mais au contraire en créant des tensions permanentes entre les pays riches du nord de l’Europe et ceux du sud et de l’est, à ses portes et sur lesquels a reposé essentiellement l’« accueil » des migrantEs. Les murs meurtriers se sont multipliés comme ceux de Melilla et de Ceuta à la frontière entre le Maroc et l’Espagne, les prisons à ciel ouvert en Grèce et la montée en puissance de Frontex.

Objectif des États : trier, enfermer, expulser

Sans surprise, la véritable « usine à gaz » que constitue le NPMA s’inscrit dans la continuité : toujours fondé sur le postulat que l’UE est menacée par la « pression migratoire ». Il vise en réalité à ressouder les États membres, particulièrement divisés depuis la mal nommée « crise migratoire » de 2015 (en fait une crise de l’accueil), autour d’un objectif commun : mieux résister « aux situations de crise et de force majeure » liées « à un grand nombre d’arrivées irrégulières ». Une approche clairement raciste qui s’est révélée au grand jour lors de l’afflux en 2022 de 3 millions de réfugiéEs ukrainienEs qui ont heureusement bénéficié dans toute l’Europe, et sans problème, de la directive européenne de protection temporaire alors qu’elle était refusée aux autres réfugiéEs, y compris ceux et celles de pays tiers qui résidaient en Ukraine.

Les principes qui ont dicté ces textes législatifs se résument en trois mots : trier, enfermer, expulser. Et une priorité : interdire toute liberté de circulation à celles et ceux considérés comme des indésirables en généralisant l’externalisation des frontières. Ne considérant toutes ces personnes en détresse que comme une monnaie d’échange, l’UE continue et intensifie à grande échelle, le marchandage néocolonial avec les États non européens. Achetant, moyennant finances, la complicité des gouvernements dictatoriaux et corrompus du pourtour méditerranéen, de l’Afrique et de l’Asie, l’UE les utilise comme supplétifs pour mener sa politique raciste de répression des migrantEs, et se décharge ainsi de toute responsabilité pour les pires exactions commises à cette fin, en dehors de ses frontières.

Enferment arbitraire et droit d’asile bafoué

Afin d’organiser le fichage, le tri et l’expulsion des personnes arrivées aux frontières, les textes prévoient de généraliser et de systématiser l’approche « hotspot ». C’est-à-dire de multiplier les prisons à ciel ouvert qui ont montré leur inhumanité. Dans ces camps de concentration où toutes les personnes arrivant aux frontières devront être enfermées pour au moins 12 mois afin d’examiner leur situation, faire le tri, grâce au système très perfectionné d’Eurodac1, entre les « vrais » demandeurEs d’asile et les autres devant être immédiatement renvoyéEs dans leur pays d’origine : une normalisation du recours arbitraire à la détention — y compris pour les enfants et leurs familles — dans des camps qui seront des espaces d’exception où l’accès à un juge sera rendu quasi impossible. Les migrantEs y seront massivement enferméEs puis expulséEs, sans pouvoir bénéficier d’un examen individuel et approfondi de leur situation et sans accès à leurs droits.

Faisant fi de l’article 3 de la Convention de Genève qui prohibe expressément toute discrimination fondée sur le pays d’origine dans le traitement des demandes d’asile, ces textes introduisent un critère de profilage racial — les demandes n’étant plus individualisées mais traitées selon la nationalité. Ainsi, pour les ressortissantEs de nationalité ayant peu de chance d’obtenir un asile, le taux de reconnaissance du statut de réfugié est fixé arbitrairement — quelle que soit leur situation — à 20 % pour l’ensemble de l’UE.

En créant des procédures exceptionnelles de « crises », de « cas de force majeure » ou encore d’« instrumentalisation des migrations », le Pacte autorise les États membres à s’affranchir largement du droit d’asile et ouvre la porte à de nombreuses violations des droits tels que le principe de non-refoulement, une assistance juridique, le recours effectif, etc.

Par ailleurs, autre aspect sinistre et lourd de menaces, ces procédures exceptionnelles pourront inclure les ONG sous prétexte que leur action humanitaire a « pour objectif de déstabiliser l’Union ». Ce qui laisse le champ libre aux États de l’UE pour criminaliser l’aide aux migrantEs qu’apportent notamment les organisations civiles de secours et de ­sauvetage en mer.

Solidarité de l’UE… contre les migrantEs

En conservant le critère du principe de pays de première entrée considéré comme responsable de l’examen des demandes d’asile, en augmentant la durée de cette responsabilité à 20 mois, en excluant les frères et sœurs de l’accès à la réunification familiale, le NPMA perpétue en l’aggravant le « système Dublin ». Cette machine infernale qui — depuis 25 ans — jette dans l’errance des milliers personnes.

De plus, le consensus, issu des tractations sur la « solidarité » entre les pays de l’UE pour se répartir les demandeurEs d’asile, se traduit par une politique encore plus répressive, et sur fond d’abject marchandage sur le dos des réfugiéEs. En effet, les États refusant d’accueillir des demandeurEs d’asile seront censés verser 20 000 euros par personne refusée à un fonds de solidarité européen, soit participer… à la militarisation des frontières via le financement de murs, camps et barbelés !

Contre cette Europe capitaliste des murs, des camps et des barbelés, exigeons l’abrogation de ce pacte comme de toutes les mesures et lois racistes. Pour une Europe solidaire, exigeons l’ouverture des frontières, la liberté de circulation et d’installation !

  • 1. Eurodac : une base de données mise en place dans l’UE. Dotée d’un système automatisé de reconnaissance d’empreintes digitales (pour identifier des personnes et déterminer l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile et de faciliter l’application du système Dublin).