En quelques années le discours islamophobe habillé des atours de la défense de la laïcité et de la République est passé de la marginalité de l’extrême droite radicale à la nouvelle normalité du discours politique.
Il est repris à la tête des Républicains avec la victoire d’Éric Ciotti en décembre dernier pour qui « la question est d’abord celle de la survie de la France » alors que « notre pays est frappé de déclin » voire « d’une sorte de décadence ». Il plaide pour « une droite ferme, qui rétablisse l’ordre dans la rue » mais aussi une droite « du travail, de l’autorité, de l’identité, qui nous permette de vivre comme nous avons toujours vécu ».
Le racisme et l’islamophobie sont la clef de voûte de ce discours qui a fait évoluer le champ politique à droite. Sur le plan économique, il est la réfraction des difficultés des classes dominantes qui n’ont pas de perspective de croissance capable de maintenir des profits élevés tout en assurant un taux d’emploi et de salaire susceptibles de produire du consentement à leur domination. Il se dégage d’ailleurs un consensus autour du bon vieux programme de la droite, moins d’impôts, moins de cotisations sociales, de solidarité nationale et de service public pour plus de liberté. Sur le terrain politique il sert donc à diviser les exploitéEs, à justifier la pression exercée à l’encontre d’une partie d’entre eux.
Zemmour, candidat pour la guerre civile
Le phénomène n’est pas nouveau, il a connu un saut en 2022 avec la candidature d’Éric Zemmour à la présidentielle et la construction du parti Reconquête. Celui-ci mène campagne contre le « grand remplacement » et pour « la remigration », c’est-à-dire la déportation de millions de non-blancs. Le choix du nom du parti fait référence à la sombre période de la reconquête chrétienne contre les musulmans en Espagne au cours du Moyen Âge. Une organisation politique défendant la perspective de la guerre civile est donc née. Forte de plus de 130 000 membres, cette organisation s’apprête à percevoir 1,5 million d’euros par an de subventions publiques. Autour du meurtre de la petite Lola en novembre elle a réussi à rassembler plus de 5 000 personnes partout en France entraînant dans son sillage toute l’extrême droite radicale, de l’Action française à Némésis en passant par les hools d’extrême droite.
Le cheval de Troie de la laïcité et de la République avait déjà permis de semer la confusion à gauche.
Marine Le Pen et le RN peuvent se présenter comme de raisonnables défenseurs de la laïcité. Même leur discours pro-OAS et leur hommage de la colonisation de l’Algérie ne les ont pas empêchés d’accéder au plus hautes responsabilités (vice-présidence de l’Assemblée, Cour de justice de la République, commission de surveillance des services de renseignements…).
Ce n’est pas à une normalisation de l’extrême droite que nous assistons mais à une extrême droitisation du normal. En 2022 nous les avons vus avancer, se préparer. En 2023, nous rendrons les coups par tous les moyens nécessaires.