Publié le Mercredi 16 avril 2025 à 08h34.

L’abolition de l’esclavage au prix du sang

L’indépendance du pays, qui avait pris le nom que les indigènes autochtones donnaient à leur terre, avait été le fruit d’une longue lutte. 

Lenjeu était majeur pour la France coloniale. Avec sa production de sucre, de café, d’indigo, le pays qui s’appelait alors Saint-Domingue en était le joyau, représentant à lui seul 20 % du PIB, le tiers de son commerce, et plus de la moitié du commerce mondial du café ! 

Si la Révolution française de 1789, en « désarticulant le système qui comprimait les classes et la société coloniale, en libérait la latente énergie » 1, elle ne s’est jamais posé la question de l’abolition de l’esclavage, et encore moins de la décolonisation. Les premiers débats concernaient seulement la citoyenneté des « libres de couleur », ces esclaves affranchis (environ 10 % de la population) qui possédaient eux-mêmes parfois des esclaves, contre les grands colons esclavagistes et les petits blancs qui défendaient le privilège de la couleur. 

La révolte des esclaves de 1791 

La révolte des esclaves de 1791 et la constitution d’une véritable armée impose par la guerre la liberté de toutes et tous contre les esclavagistes français, anglais et espagnols. Lorsque le représentant de la République française accorde l’abolition de l’esclavage dans l’île le 29 août 1793, il n’a pas le choix : c’est la seule manière de conserver la colonie. Cette abolition est avalisée par la Convention nationale quelques semaines plus tard, le 4 février 1794, mais la loi ne s’appliquera en fait… qu’à Saint-Domingue / Haïti. 

La fin de l’esclavage défaite par Bonaparte

C’est cette anomalie que Bonaparte veut rectifier lorsqu’il envoie une expédition militaire de 23 000 hommes, pour appliquer la loi du 20 mai 1802 qui veut maintenir l’esclavage et la traite « des noirs et leur importation conformément aux lois et règlements antérieurs à 1789 ». En prenant cette décision, il unifie les forces haïtiennes car « pour libérer une des classes de la société coloniale, il fallait les libérer toutes et pour les libérer toutes, il fallait libérer Saint-Domingue elle-même» 2. La seule solution pour maintenir l’abolition de l’esclavage était l’indépendance, qui sera acquise à la suite d’une ­nouvelle guerre de deux ans. 

Les paysans rejettent le modèle des plantations, le système de production est modifié, la République porte assistance aux révolutions, offre l’asile à Simon Bolivar. Mais elle subit un embargo international, aucun pays ne la reconnaît, pas même la République américaine ­voisine, elle-même esclavagiste. 

 

  • 1. Aimé Césaire, Toussaint Louverture La Révolution française et le problème colonial, Présence africaine, 2000, 346 pages.
  • 2. Idem.