Publié le Mercredi 3 décembre 2025 à 16h49.

L’aviation nuit gravement au climat et veut continuer

Sous couvert de transition verte, l’aviation tente d’imposer des pseudo-solutions qui ne réduisent ni ses émissions ni les inégalités massives qu’elle entretient.

Le secteur de l’aviation (industrie aéronautique et transport aérien) a réussi à imposer l’idée qu’il ne représenterait « que 2 % » des émissions mondiales de CO2. 2 % ce n’est pas rien : ce chiffre classe les émissions du transport aérien entre celles du Japon et de l’Allemagne. Le calcul mondial dissimule de très grandes inégalités entre les pays et les classes sociales : l’aviation civile est utilisée par les 10 % les plus aisés de la population mondiale, les moins impactéEs par le changement climatique. Sans parler des jets privés !

Un secteur climaticide

Mais l’impact sur le climat ne se limite pas aux émissions de CO2 pendant le vol, s’y ajoutent les émissions pour la production et la distribution du kérosène et aussi les émissions de GES autres que le CO2 (vapeur d’eau, NOx).

Selon le réseau Stay Grounded (Rester sur Terre), en France, l’aviation contribue pour 6,8 % aux émissions de CO2 et pour 15 % aux émissions totales de gaz à effet de serre. Ce secteur des transports est celui qui a le plus fort taux de croissance. Et il compte bien continuer. Airbus mise sur le doublement du trafic aérien mondial entre 2020 et 2042. Selon le Groupe d’Action du Transport Aérien (ATAG), qui regroupe les industriels du secteur, il pourrait tripler d’ici 2050.

C’est dans ce cadre de cette course à la croissance qu’entrent en jeu les « carburants alternatifs ». En raison des contraintes de poids, de volume et de ­sécurité, spécifiques au transport aérien, les solutions envisagées sont des carburants ­incorporables au kérosène fossile : les biocarburants appelés SAF (Sustainable Aviation Fuel : carburants d’aviation durable) et les e-SAF (électro-carburants de synthèse, e-kérosène).

Bio-kérosène (SAF)

Les biocarburants sont fabriqués à partir de biomasse (bois, feuillage…). La ­combustion de la biomasse, quelle qu’elle soit, émet du CO2, le fait qu’elle ait au préalable capté ce CO2 dans l’atmosphère au cours de sa croissance ne vient pas annuler ce flux. Le bilan global dépend de l’origine de la biomasse. L’IATA (International Air Transport Association) estime que le SAF à partir de déchets ménagers communs rejette 5,2 grammes de CO2 par mégajoule d’énergie produite, contre 89 g/mégajoule pour le kérosène traditionnel. Mais le bio-kérosène issu de l’huile de palme produit 99,1 g/mégajoule, soit 11 % de plus que le kérosène fossile, à cause de l’impact environnemental de cette culture (­déforestation).

Les biocarburants ne sont qu’une solution partielle, limitée par la disponibilité de la biomasse… et plus encore de la biomasse durable.

E-kérosène (e-SAF)

Vient alors le carburant de synthèse, le e-kérosène synthétisé à partir de carbone et d’hydrogène. Sa production nécessite de disposer au même endroit de grandes quantités d’électricité, d’eau, de CO2 et de foncier pour ­l’implantation des usines.

Le rendement énergétique du e-kérosène est faible (entre 32 et 43 %), les besoins en électricité renouvelable (ou nucléaire !) sont donc très importants. La production d’1 tonne de e-kérosène  ­nécessite 5 200 litres d’eau, alors que la disponibilité en eau est une question critique. L’accès au CO2 est aussi une contrainte importante et son bilan est largement dépendant des sources utilisées et de la nécessité ou non de l’acheminer.

Ni le bio-kérosène ni le ­e-­kérosène ne feront de l’aviation une activité « durable ». Leur production sera toujours en concurrence avec d’autres usages, de l’eau, de la terre et de la biomasse… au risque de sacrifier les cultures alimentaires. Par ailleurs, la combustion du kérosène, quelle que soit sa nature (fossile, SAF, e-SAF), libère une grande quantité de CO2 : 3,1 kg par kg de kérosène.