Pendant que Bruxelles parle réduction des émissions, le trafic aérien continue de croître et les carburants alternatifs servent surtout à justifier la fuite en avant du secteur.
La Commission européenne prétend réduire les émissions globales de 90 % d’ici à 2040 par rapport à 1990, mais anticipe une croissance annuelle moyenne du trafic aérien de 1,4 % entre 2023 et 2050. En l’absence de toute mesure véritablement contraignante pour stopper la fuite en avant effrénée du secteur aérien, le règlement ReFuelEU Aviation de septembre 2023 contraint les fournisseurs de carburants à accroître la part minimale de SAF et e-SAF, de 2 % en 2025 jusqu’à 70 % en 2050 dont environ la moitié de e-kérosène. L’Union européenne prétend ainsi réduire les émissions du trafic aérien de plus de 60 % d’ici 2050 par rapport aux niveaux de 1990.
Les prévisions climaticides d’Airbus et Boeing
Selon T&E 1 (Transport et Environnement), les prévisions de croissance de l’industrie aéronautique se traduiront par un doublement du nombre de passagerEs transportéEs en Europe d’ici 2050 par rapport à 2019. Le secteur aérien européen consommera alors 59 % de carburant en plus par rapport à 2019. Même en respectant ReFuelEU, l’aviation brûlerait encore 21,1 millions de tonnes de kérosène fossile, plus 24,2 millions de tonnes de SAF — dont 80 % risqueraient de provenir de matières premières non durables (huile de palme, résidus agricoles au détriment de la santé des sols ou changement d’affectation de cultures agricoles au détriment de l’alimentation) —, plus 24,2 millions de tonnes de e-kérosène, pour lesquels les besoins énergétiques seraient supérieurs à la demande totale d’électricité de l’Allemagne en 2023 (506 TWh).
Ils profitent de l’aubaine et de l’argent public
Quant à la France, avec 26 projets de production d’e-carburants répartis sur 17 départements, elle ambitionne de devenir « un leader européen dans la production d’e-fuels à mesure que les échéances réglementaires européennes relatives à la décarbonation des transports maritimes et aériens se rapprochent ». Les promoteurs du projet visent « un potentiel de production d’au moins 906 milliers de tonnes équivalent pétrole » qui placerait la France en position d’exportatrice à horizon 2030. Sans surprise, l’énergie nécessaire, labellisée « bas-carbone », est très majoritairement nucléaire.
En avril 2025, le ministre des Transports a annoncé le financement à hauteur de 100 millions d’euros des quatre lauréats de l’appel à projets Carb Aéro : France KerEAUzen (Le Havre), Take Kair (Saint-Nazaire), DéZIR (Petit-Couronne près de Rouen) et BioTjet (Bassin de Lacq).
Bio ou électro, les carburants alternatifs sont un parfait exemple du « technosolutionnisme ». Cette arnaque des capitalistes, qui prétend que les nouvelles technologies, parées de vertus écologiques et dont les effets destructeurs sont occultés, seraient la solution aux problèmes qu’ils créent eux-mêmes. Loin d’être une transition vers une « aviation durable », il s’agit d’une nouvelle fuite en avant pour préserver quoi qu’il en coûte la croissance et les profits d’une industrie particulièrement écocide. À l’inverse, il y a urgence à stopper les infrastructures aéroportuaires, à donner la priorité au rail, à interdire les jets privés et les vols quand une alternative ferroviaire est possible, à stopper les cadeaux fiscaux et financements publics au transport aérien.