Licenciements et suppressions d’emplois sont présentées comme le produit « naturel » de l’état de l’économie. Crise oblige, il faudrait se résigner au chômage de masse et à la précarité généralisée. Avec l’impératif dicté par la lutte contre le réchauffement climatique de réduire drastiquement la production matérielle et les transports, le problème semble insoluble.
Aujourd’hui les suppressions d’emplois ne résultent pas de politiques écologiques de suppression de productions climaticides et/ou polluantes. Pour autant, la préservation des emplois pour justifier la poursuite de l’industrie d’armement ou chimique, de l’agrobusiness, les promesses d’embauches pour imposer des EPR supplémentaires, l’implantation d’entrepôts Amazon, de centres commerciaux ou de complexes de loisirs artificialisés, sont souvent les seuls seul arguments avancés. Ils sont redoutablement efficaces, sinon pour convaincre, au moins pour diviser entre « fin du monde » et « fin de mois ». En même temps, comme à Grandpuits, Total se verdit pour mieux détruire des emplois. Aucune transformation antiproductiviste de la production n’est possible sans la participation active des salariéEs, il est indispensable de faire vivre des alternatives à la fois sociales et écologiques aux licenciements et suppressions d’emplois.
Face aux licenciements collectifs, aux fermetures d’entreprises ou cessations d’activités, aux suppressions d’emplois, comment concrètement interdire les licenciements ? Impossible sans ébranler la propriété et le pouvoir patronal dans l’entreprise en imposant des droits sociaux et démocratiques des salariéEs : un droit de veto sur l’intensification et l’aggravation des conditions de travail, le droit d’imposer un partage et des organisations du travail permettant de maintenir les emplois, réduire la pénibilité, améliorer les conditions de vie…
L’utilité sociale est notre affaire à touTEs
Si l’emploi et les droits des salariéEs doivent être préservés, il n’en va pas de même de toutes les productions. Certaines doivent être arrêtées parce qu’elles menacent immédiatement l’humanité (industrie d’armement, nucléaire…) ou le climat (énergies fossiles) ; d’autres (ou les mêmes) sont dangereuses pour les salariéEs, les riverainEs, l’environnement (classées « Seveso » mais pas seulement). De nombreuses sont néfastes pour différentes raisons, de la publicité qui alimente la surconsommation et le gaspillage, à « l’élevage » industriel, système responsable de la déforestation et de la multiplication des zoonoses, système concentrationnaire pour les animaux et maltraitant pour les salariéEs … Beaucoup doivent être radicalement réduites et transformées (industrie automobile ou aéronautique…)
Les salariéEs peuvent et doivent s’emparer de la question de l’utilité sociale de ce qu’ils et elles produisent. C’est une condition pour construire autour d’elles et eux des coalitions de lutte pour défendre les emplois. Pratiquement, les travailleurEs, alliéEs aux usagerEs, doivent avoir le pouvoir de reprendre et d’utiliser les moyens de production (machines, locaux...) pour des activités alternatives socialement et écologiquement utiles. Les expériences de conversion rapide de l’outil de travail pour produire des respirateurs face à la pandémie, certes pas reproductibles partout, sont une source d’inspiration. Autant que possible, les collectifs de travail doivent être préservés. Ils pourraient alors être à l’initiative de reconversions, de coopératives autogérées, sous contrôle des salariéEs, usagerEs et population, indispensables à la révolution écologique : réparation, recyclage pour résister à l’obsolescence programmée, construction-isolation-rénovation des bâtiments, organisation de circuits courts… Des expériences, trop rares en France mais existant en Italie, Grèce, Argentine… montrent ce que rendent possible la solidarité et la créativité ouvrière.
Dans tous les cas, dans le cadre d’une sécurité sociale renforcée et étendue, l’ensemble des droits sociaux (continuité du salaire, protection sociale… ) doit être maintenu, jusqu’à ce que chacunE accède à un nouvel emploi satisfaisant ou à la retraite.
Cela s’inscrit dans un plan global écosocialiste élaboré démocratiquement, articulant réduction radicale du temps de travail, création de nombreux emplois utiles dans des services publics étendus et transformés mettant au centre le soin des humains et de la vie, étendant la gratuité à la satisfaction de tous les besoins essentiels.