En matière d’échanges internationaux, les États capitalistes n’ont pas de doctrine fixe. Selon les intérêts du capital alternent des périodes où ils s’entourent de barrières douanières (protectionnisme) et contrôlent les mouvements de capitaux, et d’autres où ces obstacles sont abaissés (libre-échange).
Ainsi la France a été libre-échangiste pendant une partie du 19e siècle, protectionniste de la fin du 19e à la fin des années 1950, et progressivement de plus en plus libre-échangiste depuis. En 1959 est mis en place le Marché commun, ancêtre de l’Union européenne, et plusieurs cycles de négociations commerciales généralisées vont successivement s’engager.
Il y a schématiquement trois composantes des échanges internationaux : les marchandises (produits de l’industrie, de l’agriculture, logiciels, etc.), les capitaux (investissements à l’étranger, achats de titres boursiers ou de la dette publique, spéculation sur les monnaies) et enfin les personnes (touristes et migrants). Ce dossier porte sur les marchandises et les mouvements de capitaux.
Tous libre-échangistes ?
Pour ce qui est des marchandises, depuis les années 1960, les barrières commerciales ont été progressivement abaissées, des traités internationaux de commerce et une Organisation mondiale du commerce ont été mis en place. La majorité des économistes officiels se sont mis à chanter la liberté des échanges. C’est encore aujourd’hui la position dominante dans les directions des grands États capitalistes. Et la Chine prône le libre-échange. Un article de ce dossier examine ce qui se passe aux États-Unis avec Trump, mais pour l’heure, les seules limites que les bourgeoisies mettent au libre-échange, c’est l’exigence de réciprocité (j’ouvre si le partenaire fait la même chose...), car chaque bourgeoisie défend ses intérêts (cependant, les multinationales sont parfois assez puissantes pour faire prévaloir leurs intérêts).
Par ailleurs, dans les négociations commerciales, il y un aspect donnant-donnant, tous les secteurs d’une économie ne sont pas gagnants au même degré, d’où des divergences possibles entre secteurs du capital au moment de la signature des traités que les États doivent arbitrer.
Enfin, subsistent des normes techniques et sanitaires variables (qui sont l’enjeu du Tafta, traité transatlantique, et de son petit frère le Ceta avec le Canada).
Mais globalement, l’internationalisation des appareils productifs se poursuit à travers le commerce international, les implantations à l’étranger, la sous-traitance. Le commerce intra-firme (échanges entre les filiales et entre les filiales et la maison mère) représenterait 40 % du commerce mondial.
La liberté des mouvements de capitaux
Les mouvements de capitaux ont également été libéralisés depuis les années 1960 et l’époque où toutes les sorties et entrées d’argent étaient contrôlées : tourisme, opérations financières, investissements. Là aussi, la liberté est vantée comme répondant à l’intérêt de tous, et cette liberté est même imposée aux États endettés du Tiers monde par le Fonds monétaire internationale (FMI).
La liberté est donc la règle, surtout pour les opérations purement financières et la spéculation. Celles-ci ont connu un développement gigantesque sans rapport avec la réalité de l’économie : ainsi, en 2007, le volume des transactions de change était presque 70 fois plus important que le commerce mondial des biens et services. Et depuis, elles ont augmenté ! Les capitaux peuvent passer librement d’un pays à l’autre : la spéculation se déchaîne sur les titres de la dette publique des différents États, ce qui donne un grand pouvoir aux agences de notation. Celles-ci notent les États en fonction de leur conformité aux règles de bonne gestion capitaliste.
Par contre, existent dans certains États des systèmes de surveillance des investissements étrangers qui aboutiraient à des prises de contrôle d’entreprises dans des secteurs « stratégiques ». Les USA (et la Chine) utilisent plus cet instrument que l’Union européenne (UE). Cependant dans l’UE aussi, de tels mécanismes existent dans différents pays : ainsi, en France en 2014, après la prise de contrôle d’Alstom par General Electric, Montebourg avait obtenu un décret renforçant le contrôle des investissements extérieurs dans certains secteurs. Mais souvent, les engagements pris au moment de la prise de contrôle d’une entreprise ne sont pas respectés... surtout ceux de maintien de l’emploi.
Henri Wilno