Publié le Vendredi 20 novembre 2009 à 09h00.

NPArguments : Education Nationale, état des lieux....

Les articles que nous présentons dans cette double page illustrent les diverses attaques contre le service public d’éducation que le gouvernement est en train de mener. Elles ont en commun la rentabilisation et la réduction des garanties que le service public offre, malgré ses défauts, aux élèves, à leurs parents et aux personnels. Nous évoquons aussi brièvement des pistes pour que l’école change en positif.

Lorsque l’on prend connaissance de l’ampleur des remises en cause, opérées ou en préparation, on s’étonne de constater qu’aucune action significative n’a été menée depuis la rentrée. Ce manque de réaction syndicale est inquiétant. Dans ce contexte, la grève du 24 novembre peut constituer le point de départ d’un renouveau de l’action. À condition qu’elle débouche sur un plan de mobilisation impliquant une reconduction rapide. Au contraire de l’an dernier, où il a fallu attendre deux mois après une mobilisation réussie pour repartir à l’action. Pour le moment, cette grève rassemble la FSU – qui en est à l’initiative–, Sud-Éducation et la CGT. Le même jour aura lieu la grève intersyndicale pour la défense du service public de la poste, occasion de la convergence espérée.

En effet, face à la détermination des gouvernants, il faut une réaction combative, comme celle des lycéens qui firent reculer Sarkozy-Darcos sur la réforme des lycées l’an dernier et unitaire comme lors de la mobilisation pour la poste début octobre.

Tous ensemble de la maternelle à l’université : grève nationale dans l’Éducation mardi 24 novembre !

L’école dont nous ne voulons pas

L’enfant est sommé de «réussir», d’être le meilleur. Le système impose à l’enfant de faire mieux que son voisin, comme si l’éducation se résumait à un entraînement sportif. L’idée même que l’école du quartier forge une culture commune et une éducation à vivre ensemble s’efface dans ce système, qui s’attaque à l’idée d’un progrès qui permet à tous d’avancer, mais pas d’un même pas.La télé sort chaque jour des exemples pour matraquer cela: trois jeunes de Montfermeil vont à Sciences Po? Mais en même temps, il faut maintenant avoir Bac + 5 pour devenir instit. Il y a 50 ans, avec le brevet, on se faisait payer trois ans d’études pour être instit, ce qui a aidé des milliers de jeunes d’origine populaire.

Face à la promotion constante de l’ambition personnelle, il faut restaurer la coopération, le bien-être des enfants, l’entraide, le refus de l’orientation avant 18 ans, l’ouverture d’une école commune refusant le tri social et la sélection actuels.

Nous devons porter le projet d’une école émancipatrice, qui pourrait nous guider vers d’autres pratiques, afin de permettre aux enfants d’apprendre sans se soumettre et sans concurrence entre eux.

Haro sur la laïcité

Sarkozy a défini sa conception d’une «laïcité» ouverte dans ses discours : «la catholicité au-dessus des autres religions …, le curé au-dessus de l’instituteur, l’enseignement privé au-dessus du public…»

Fin septembre 2009, une proposition de loi dite Carle « tendant à garantir la parité entre les écoles publiques et privées sous contrat d’association lorsqu’elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence » a été votée par l’Assemblée nationale. Le principe de «parité» entre école publique ou privée, inscrit dans la loi pour la première fois, n’a aucun fondement juridique et participe de fait au démantèlement du service public. Cette nouvelle concession faite au privé institue une obligation de financement sans accord préalable de la commune de résidence. Pour le public, un accord préalable de ladite commune doit répondre à des critères dérogatoires définis. Pour le privé, on oblige, sans autorisation préalable, les mêmes communes de résidence à prendre en charge les exigences des parents, qui refusent le service public et scolarisent leurs enfants dans le privé hors commune. Par ailleurs, le projet de budget 2010 prévoit la suppression de 1400 emplois (au lieu de 2800 en proportion) dans le privé et 14000 dans le public.

Pour la défense du service public d’éducation, nous devons exiger «une seule école, l’école publique laïque et gratuite!»

Une école de genre

Les médias répétant à l’envie, avec raison, que les filles réussissent mieux que les garçons à l’école, on peut se demander alors pourquoi les rôles s’inversent dans la vie courante… Les inégalités flagrantes d’orientation et de socialisation l’expliquent.

Les statistiques notent une division sexuée des filières, parfois criantes. En classe de première, les filles représentent 97% des effectifs de la filière sanitaire et sociale et ne sont que 6% à suivre l’option Informatique et systèmes de production. Le même problème existe en filière professionnelle, où la répartition filles-garçons est pourtant presque équitable : les filières du service sont constituées à 70% de filles, contre 13% pour les filières de production.

Ainsi, le cliché essentialiste visant à accorder aux filles les qualités nécessaires pour travailler dans le secteur tertiaire est alimenté par l’orientation sexuée des élèves. De manière générale, et ce depuis la maternelle, l’école reproduit les genres comme elle reproduit les inégalités sociales: certains manuels scolaires véhiculent encore l’image de la femme au foyer, et même les programmes incitent à ne parler que des «grands Hommes de l’Histoire».

Quelle est notre part de responsabilité en tant que parent-e-s, enseignant-e-s, militant-e-s?

Surveiller et punir

La question de la sécurité revient faire l’actualité avec la mise en place des «équipes mobiles de sécurité» dans les établissements scolaires. La polémique masque pourtant une réalité déjà bien en place avec la multiplication des caméras dans les établissements, le retour à l’ordre et un contrôle social de plus en plus étroit, sur le plan idéologique, avec le formatage des esprits, et sur le plan juridique, avec la répression et la criminalisation des jeunes. Les affaires Tristan Sadeghi (menace de refus de réinscription) et Lou Jatteau (traîné devant les tribunaux par sa proviseure) sont là pour en témoigner. Avec le retour de l’autorité non pas des savoirs mais du maître, cette mise au pas de la jeunesse se poursuit au sein même des classes. Le fichage des élèves dès le plus jeune âge (Base élève, livret de compétence) ainsi que la traque aux sans-papiers participent de cette nouvelle mission de contrôle dévolue à l’école.

Alors que l’on supprime des milliers de postes dans l’éducation, le tout sécuritaire ne peut répondre à l’urgence sociale et remet en cause la mission même de l’école. Ni «sanctuaire», ni prison: celle-ci doit au contraire s’ouvrir au monde et aux autres et refuser la logique de la peur.

Les statuts ? Aux oubliettes !

L’objectif du gouvernement est de privatiser tout ce qui peut l’être, de profiter des départs en retraite pour engager une réduction drastique du nombre de fonctionnaires, de transformer les établissements en structures autonomes et concurrentielles (demain maîtresses de leurs «ressources humaines» – vocable qui indique bien que les salariés ne sont qu’une marchandise sur le marché du travail –), de faire exploser la précarité (payer moins pour faire travailler plus). Pourquoi donc s’encombrer de ce satané statut de la Fonction publique?

En 2003, les agents ont été priés (sans ménagement) d’aller voir du côté de la territoriale. Les enseignants n’auront pas trop de temps pour attendre. Au banc d’essai (et au ban de Pécresse), l’enseignement supérieur. La loi LRU permet aux universités, désormais simples entreprises, de «manager» à leur guise. La fameuse «mastérisation» de la formation des enseignants des premier et second degrés sera d’abord une fabrique de précaires, permettra ensuite de se passer tout simplement du recrutement par concours… Et ciguë de l’été sur le gâteau: la loi de mobilité instaure le fonctionnaire jetable!

Après le passage d’Attila Sarkozy, l’emploi public ne repousse pas… Il est temps d’arrêter les barbares!

Orientation et sélection

Dans le système scolaire français, les trois voies de formations (enseignement général, technologique et professionnel) ne sont pas considérées également. L’orientation est d'autant plus souvent synonyme d’échec qu'elle intervient plus tôt! La fin du collège dit «unique» a de ce point de vue renforcé cette orientation par l’échec. Ainsi, on envoie vers l'enseignement professionnel celles et ceux qui «ne peuvent pas suivre» et qui ne sont pas «faits» pour l’école (l’école est-elle faite pour eux?).

L'orientation se fait aussi par défaut. De nombreux jeunes sont orientés vers des filières qu’ils n'ont pas choisies, simplement parce qu’il y avait des places libres ou parce qu’elles offriraient des «débouchés» (mais en cette période de crise, l’argument devient difficilement vendable), sans tenir compte des goûts des élèves ni de leurs motivations.

Ce n’est bien sûr pas le personnel chargé de l’orientation qui est en cause, mais bien la conception même du système éducatif et son organisation. Ce n’est d'ailleurs pas un hasard si, dans le projet de réforme des lycées, le service public d’orientation est remis en cause au profit de la généralisation de plateformes numériques qui, elles, ne risquent pas de discuter avec les jeunes! Et l’orientation en cours de cursus, sous prétexte du «droit à l’erreur» et à la «réorientation», risque de conduire à l’éviction vers la voie professionnelle des élèves les plus fragiles et de renforcer le tri social.