Publié le Mercredi 11 novembre 2020 à 11h01.

Répression à tous les étages dans l’Éducation nationale : la coupe est pleine

Parce que c’est son projet d’extirper tout esprit critique de l’Éducation nationale pour mieux la dépecer et la réduire à la seule fonction qui lui importe de formation aux stricts besoins de l’économie de marché, Blanquer a sorti les matraques pour la rentrée.

Au cours de la semaine passée, c’est toute la batterie des capacités répressives qui a été déployée dans l’Éducation nationale. Et les interventions policières au matin du mardi 10 novembre montrent que ce n’est pas fini…

Contre les enseignantEs

Histoire d’envoyer un message clair aux enseignantEs mobilisés pour défendre la mise en place de protocoles sanitaires à la hauteur de la vague épidémique, c’est jeudi 5 novembre, jour de l’annonce du premier recul de Blanquer sur les demi-groupes en lycée et l’annulation des E3C, que sont tombées les sanctions contre les quatre enseignantEs de Melle, traînés en conseil de discipline après huit mois de suspension pour avoir osé soutenir leurs élèves mobilisés contre les E3C en janvier dernier, et pour avoir dénoncé des pressions inacceptables et dangereuses exercées contre eux par un chef d’établissement extrêmement zélé. La rectrice de Poitiers, une proche de Blanquer avec lequel elle a travaillé lorsqu’il expérimentait ses conceptions pédagogiques au rectorat de Créteil, a fait très fort. Outrepassant les recommandations des conseils de discipline qui avaient auditionné les quatre enseignantEs pendant pas moins de 32 heures, elle a donné dans l’arbitraire le plus total puisque les poursuites étaient similaires pour les quatre : mutation d’office pour Sylvie, 15 jours d’exclusion de ses fonctions et donc du traitement pour Cécile, abaissement d’échelon pour Aladin et blâme pour Sandrine. Le comité de soutien en est réduit à penser que « seul l’ordre de passage justifie l’ampleur de la sanction » contre des collègues qui n’ont pas voulu démordre de la légitimité de leur combat. Puisque les E3C ont disparu, les sanctions doivent être levées et les quatre de Melle reconnus comme victimes de l’acharnement d’une hiérarchie autoritaire.

Contre les élèves…

Cette rentrée n’a pas été placée sous le signe de la contestation que pour les enseignantEs. Les élèves ont pris une place déterminante dans le recul du gouvernement, mobilisés à juste titre, car doublement présumés susceptibles d’insubordination. Sur le terrain sanitaire, pour non-respect du port du masque ou de la distanciation, alors même que le ministère s’exonérait de prendre des mesures permettant de les protéger, ce qui est quand même de sa responsabilité. Et aussi sur le terrain idéologique, puisque Blanquer l’avait annoncé dans le cadre de l’organisation cadenassée de l’hommage à Samuel Paty en appelant au signalement de tout élève refusant de se plier aux règles qu’il voulait imposer.

Dès lundi 2 novembre, puis surtout mardi en région parisienne mais aussi à Lyon, Nantes, Saint-Nazaire, Besançon ou Saint-Étienne, des élèves ont cherché à s’organiser pour bloquer leur lycée, et revendiquer de véritables mesures de protection sanitaire (dédoublement des cours, passages à la cantine…). Pendant trois jours, la réponse, du lycée parisien Colbert au lycée Paul-Éluard de Saint-Denis, a été de lâcher la police : gazage, passage à tabac et amendes à Paris, interpellations et gardes à vue à Saint-Denis. Pas question de discuter avec les lycéenEs et de s’intéresser à leur avis alors que c’est leur santé et celle de leurs proches qui est en jeu. En pleine cohérence avec les conceptions de la « liberté d’expression » que Blanquer demandait aux ­enseignantEs d’asséner aux élèves.

… jusqu’à l’abjection

Dans sa croisade contre le radicalisme et le terrorisme, Blanquer a annoncé vendredi, dans les médias comme à son habitude : « Il y a eu environ 400 violations de la minute de silence, dans des formes parfois légères, parfois lourdes. Bien entendu, chacune de ces violations est suivie de poursuites disciplinaires. Parfois même, il y a eu des poursuites pénales dans certains cas. ». En effet selon lui une dizaine de cas peuvent relever de « l’apologie de terrorisme ». Ainsi un lycéen de Mérignac sera jugé le 4 décembre par le tribunal correctionnel de Bordeaux pour ce motif. Mais c’est aussi sur les familles que la suspicion est jetée au nom du fait que dans le drame de Samuel Paty « on voit bien que c’est le milieu familial qui a été terrible ».

Et le comble, c’est bien évidemment la violence extrême infligée à quatre enfants d’une école primaire d’Albertville, interpelléEs comme des suspects de terrorisme au petit matin et auditionnés au commissariat pendant une durée allant de 9 à 11 heures !
Les enseignantEs qui ont obéi aux injonctions à la délation ont totalement abdiqué de tout rôle éducatif, considérant sans doute que la pédagogie des commissariats et des tribunaux serait plus efficace que la leur. C’est un naufrage dramatique dont les enfants et les familles subissent les conséquences.
Affirmer la solidarité avec toutes les victimes de sa répression est un enjeu vital dans la construction pour faire dégager Jean-Michel Blanquer, ses réformes et ses méthodes.