Publié le Lundi 1 octobre 2018 à 10h32.

Une rentrée universitaire catastrophique

Comme l’avaient pronostiqué les milliers de jeunes qui se sont mobilisés au printemps contre la loi ORE (Orientation et réussite des étudiants), la nouvelle plateforme d’accès à l’enseignement supérieur, Parcoursup, a laissé des dizaines de milliers de bachelierEs sur le carreau. Le gouvernement s’était servi des bugs de l’ancienne plateforme, APB (Admission post-bac), pour prétendre améliorer l’accès à l’enseignement supérieur. En réalité, Parcoursup, en supprimant le droit pour toutE bachelierE de s’inscrire dans la filière de son choix, est une machine à sélection sociale à l’entrée de l’université. 

Le gouvernement annonce que moins de 2 500 bachelierEs seraient toujours sans affectation au moment de la fermeture de la plate­forme, le 21 septembre. Mais la réalité est tout autre. En effet, le 5 septembre, lors de l’ouverture de la dernière phase de Parcoursup, plus de 45 000 étudiantEs étaient encore sans affectation. Or, beaucoup d’elles et eux ont été considérés par la plateforme comme « inactifs », c’est-à-dire qu’après avoir passé tout l’été à attendre, dans l’angoisse, les résultats de Parcoursup, ils n’ont pas saisi le rectorat. Car tout a été fait pour rendre le parcours plus difficile : délais très courts pour faire appel, risque de voir tous ses vœux disparaître si on ne validait pas une proposition, etc. La ministre ne prend pas en compte ces 45 000 « inactifs », auxquelEs il faut ajouter les 180 000 étudiantEs qui ont purement et simplement quitté la plateforme, soit en se résignant à abandonner les études supérieures, soit en allant remplir l’enseignement privé, qui sort grand gagnant de cette affaire. Au total, on peut donc estimer que ce sont au bas mot 220 000 jeunes qui se retrouvent hors de l’enseignement supérieur public. 

Et cela sans compter le nombre d’étudiantEs qui ne sont pas véritablement inscrits dans la filière de leur choix, puisque, contrairement à l’ancien système, Parcoursup ne permet pas de hiérarchiser ses vœux. Beaucoup d’étudiantEs ont donc en réalité dû accepter des filières qui ne leur conviennent pas vraiment. 

Sélection sociale

Cette sélection drastique s’est évidemment abattue avant tout sur les jeunes de milieux populaires. Elle renforce la concurrence et les inégalités entre établissements. Ainsi, le rectorat de Paris a imposé de limiter considérablement le nombre de bachelierEs venant de banlieue, afin de privilégier les étudiantEs de Paris intra-muros. À tel point que, en Seine-Saint-Denis, des éluEs ont saisi le défenseur des droits, Jacques Toubon, pour « faire la lumière » sur le fonctionnement de Parcoursup… Car parmi les critères retenus pour examiner les dossiers des bachelierEs, le lycée d’origine a été un élément déterminant : des pondérations de moyenne en fonction de la filière de baccalauréat et des lycées d’origine ont été appliquées, rendant presque impossible pour des jeunes des lycées les plus défavorisés d’accéder à certaines filières. C’est ainsi que dans une faculté « d’élite » comme Sorbonne-Université, on en arrive à ce qu’il n’y ait plus que 38 % d’étudiantEs non parisiens et seulement 11 % de boursierEs.

Rentrée chaotique

Mais Parcoursup a également totalement désorganisé la rentrée pour les universités. En effet, beaucoup d’universités, pour pallier l’engorgement provoqué par Parcoursup, ont été contraintes d’augmenter leurs capacités d’accueil sans moyens supplémentaires. Ce qui provoque une multiplication des amphis et TD surchargés. De plus, avec le nombre d’étudiantEs qui se trouvaient encore en attente de réponse au 5 septembre, beaucoup d’établissements ont dû faire leur rentrée sans connaître exactement leurs effectifs de première année. Dans certaines formations, les emplois du temps ne sont pas finalisés, les locaux ne sont pas affectés, les enseignantEs ne connaissent pas leurs services définitifs. Les dispositifs d’aide qui devaient être mis en place pour les étudiantEs acceptés sous condition (les fameux « Oui, si ») sont en réalité inexistants, ou seulement mis en place dans certaines filières pour un nombre très réduit d’étudiantEs, faute de moyens… Quant aux étudiantEs qui n’ont eu d’affectation définitive que fin septembre, ils auront loupé 2 à 3 semaines de cours. 

Le nouvel arrêté licence pour casser l’université

Ces conditions catastrophiques de rentrée sont la conséquence directe de l’application de la loi ORE. Application qui se poursuit avec la publication du nouvel arrêté licence, qui cadre les diplômes et l’ensemble des droits qui y sont attachés. Avec la nouvelle mouture de la licence, le diplôme n’aurait absolument plus aucun cadrage national. Ce serait un diplôme « à la carte ». Chaque université pourra procéder comme elle l’entend, soit un renforcement de la concurrence et les inégalités entre établissements. De plus, cet arrêté remet en cause le droit aux rattrapages (remplacé par un vague « droit à la second chance ») et à la compensation annuelle. 

Comme l’expliquaient les étudiantEs mobilisés l’an dernier, la loi ORE est bien une réforme qui renforce la sélection et la concurrence, jette hors de l’enseignement supérieur des milliers de jeunes et, pour celles et ceux qui y sont encore, dévalorise les diplômes. Face à cette politique, seule la mobilisation permettra de faire reculer le gouvernement et le patronat.