Édouard Philippe se félicitait récemment de la baisse historique du taux de chômage. Au-delà des correctifs apportés par l’INSEE, ou des petits trafics dans les « portefeuilles » des agents de Pôle emploi, l’évolution est plus ou moins significative suivant les critères adoptés (INSEE, Pôle emploi, DARES).
Une réalité multiple et dramatique
Selon la DARES, on comptait en France métropolitaine, au 3e trimestre 2018, 6,3 millions de demandeurEs d’emploi, toutes catégories confondues, soit 22 % de la population active. En parallèle, du fait des radiations, un volant de 300 000 à 400 000 personnes est sorti chaque mois des chiffres du chômage par Pôle emploi. Moins de 43 % des demandeurEs d’emploi inscrits sont indemnisés, avec une allocation d’un montant net moyen de 900 euros.
La première raison d’inscription à Pôle emploi reste la rupture de CDD, qui concernait 19,4 % des entrées au premier trimestre 2019 (6,4 % pour les ruptures conventionnelles). Les licenciements économiques sont plus rares et comptent pour 1,7 % des inscriptions (11 100 inscriptions en octobre 2017 contre 40 000 début 2015), masqués par les différentes formules de Plan de départs volontaires. Sur les six premiers mois de l’année 2017, le ministère du Travail a enregistré 365 PSE, contre 407 sur la même période en 2016 et 428 sur le premier semestre de 2015.
Deux phénomènes structurels jouent. D’abord, le développement des contrats précaires : en octobre 2017, les fins de CDD et d’intérim représentaient 26 % des inscriptions à Pôle emploi (2,2 % pour les licenciements économiques). La création des ruptures conventionnelles individuelles (puis collectives depuis septembre 2017) a aussi réduit les licenciements économiques. Cette voie de rupture du contrat de travail, entre la démission et le licenciement, est en progression constante depuis 2008 avec près de 40 000 en octobre 2017, contre 30 000 début 2015. Et, s’appuyant sur l’intensification du travail, les licenciements pour inaptitude et incapacité se multiplient.
Construire les résistances
Des éléments qui doivent éclairer nos propositions de lutte contre les licenciements, les fermetures d’entreprises, les suppressions de postes… En effet si les PSE et les fermetures d’entreprises font parfois la « Une » des médias, l’ampleur des licenciements est bien plus large et complexe, qui contribuent au désarroi, aux angoisses des salariéEs et pèsent sur les capacités de mobilisation sur l’ensemble des revendications tant sur les salaires que sur les conditions de travail. Un esprit de résignation qui fait la force du patronat.
Au centre de notre intervention, l’interdiction des licenciements dont l’avantage et la fonction est de s’attaquer aux causes immédiates et multiples listées plus haut : l’interdiction de tous les licenciements, y compris pour sanctions qui, souvent, masquent d’autres causes et notamment la répression anti-syndicale.
Certes ce mot d’ordre est rendu de plus en plus propagandiste, avec la multiplication des défaites : Continental, Goodyear, PSA Aulnay… Mais des succès partiels et/ou provisoires montrent que les mobilisations sont utiles : SBFM, Fonderie du Poitou, GM&S, Punch-ex-GM, Ford en 2011…
L’interdiction des licenciements ne signifie pas défendre toutes les productions ou interdire les évolutions technologiques. Les productions nuisibles, ne correspondant à aucun besoin social, celles qui sont un danger pour l’environnement et/ou les salariéEs doivent être supprimées en assurant une continuité d’emploi pour les salariéEs.
La revendication de Sécurité sociale professionnelle, branche de la Sécu, avancée par la CGT et AC !, est censée répondre à ces questions. Outre que son financement est rarement précisé, cela ressemble trop aux projets d’individualisation du contrat de travail patronaux, gouvernementaux et CFDTiste, sans offrir de perspective de mobilisation.
La réduction massive du temps de travail, sans diminution des salaires et avec embauches pour assurer un partage du travail, doit également être au cœur de notre discours.
Se mobiliser pour le droit à l’emploi
Parallèlement, nous devons organiser les mobilisations sur le droit à l’emploi, un droit qui exige que soit mis fin aux contrats précaires, qui ne servent qu’à ajuster au plus près les effectifs à une mission, à la semaine, voire au jour. Le CDI doit être la norme. Des mobilisations qui doivent se comprendre dans la bataille contre, notamment, les dernières attaques contre le Code du travail (plafonnement des indemnités, modification des périmètres pris en compte, etc.), qui facilitent les licenciements, même « sans cause réelle et sérieuse ».
L’arrêt des suppressions de postes dans le secteur public, et les milliers d’embauches et de créations de postes indispensables à l’hôpital, dans l’éducation nationale et dans bien d’autres secteurs (enfance, 3e âge, réseaux de distribution, etc.) complètent la possibilité d’une répartition du travail socialement utile entre toutes les mains.
Il faut aussi s’attaquer à la division sociale et sexuelle du travail, permettre au plus grand nombre de femmes de travailler, grâce à un service public de garde des enfants, à un service public de prise en charge de la dépendance... Il faut également permettre une déségrégation des emplois des femmes et des hommes et une réelle mixité de toutes les formations et de tous les emplois.
Robert Pelletier