Ces dernières années, des mouvements féministes massifs ont eu lieu dans un certain nombre de pays, notamment autour des féminicides. Ce fut d’abord le cas en Amérique latine, mais ce mouvement s’est développé et massifié grâce aux réseaux sociaux, et à l’arrivée d’une nouvelle génération militante suite au mouvement #MeToo.
Dans le monde, les chiffres de l’OMS sont sidérants : un tiers des femmes subit au cours de sa vie des violences sexuelles ou physiques. Nous le savons. Nous le répétons tous les ans au moment du 25 novembre. Mais pourtant rien ne change.
De toutes les formes de violences subies par les femmes (physiques, sexuelles, psychologiques, familiales, professionnelles, institutionnelles…), le féminicide est celui qui est particulièrement visible ces dernières années, comme paroxysme ultime de la violence patriarcale.
Imposer ce terme de féminicide, enfin reconnu et utilisé aujourd’hui au-delà des cercles militants, permet de visibiliser cette forme extrême de la violence de genre.
Algérie : « On a perdu une des nôtres »
Ce fut le cas le jeudi 8 octobre en Algérie où des rassemblements ont été organisés par les collectifs et associations des femmes de Bejaïa, Alger, Constantine, Tizi-Ouzou et Oran, pour dénoncer le meurtre de Chaïma Saadou : une jeune fille de 19 ans, battue et violée avant d’être brûlée vive.
On pouvait y lire des pancartes avec l’inscription : « On a perdu une des nôtres », un slogan qui vise à sensibiliser sur la question des féminicides, un cri de détresse face à leur normalisation dans une société où subsistent les crimes d’honneur.
Face à l’inaction de l’État, des féministes algériennes sont montées au créneau en recensant bénévolement les cas d’assassinats : leur liste atteint 38 féminicides depuis le début de l’année 2020 mais ce n’est qu’un chiffre officieux. Sur les réseaux sociaux l’indignation est forte, notamment face aux circonstances atténuantes qui sont systématiquement trouvées aux assassins.
L’histoire de Chaïma Saadou est devenue emblématique en ce sens. D’abord à cause des circonstances particulièrement atroces de son meurtre. Mais aussi par leur affligeante banalité, car Chaïma connaissait son assassin, elle avait déposé plainte contre lui pour viol en 2016, et a subi des menaces et du harcèlement de sa part. Les plaintes qu’elle avait déposées sont restées sans suite.
Dans de nombreux pays, les mobilisations des femmes se sont organisées pour rechercher leurs mères, filles, sœurs disparues, pour obtenir justice, et pour réclamer partout que cela cesse.
En nommant ces femmes, en dévoilant leurs visages et leurs histoires, ces mouvements font émerger des histoires singulières et pourtant toutes communes. En les comptant, en les visibilisant dans l’espace public, ces violences deviennent un fait politique incontournable devant lequel il n’est plus possible de détourner le regard.