Le mouvement de protestation dans l’UGTA est né des travailleurEs et des syndicalistes de base refusant de voir leur organisation syndicale jouer le rôle de comité de soutien pour le candidat Bouteflika à un cinquième mandat. Il s’est vite transformé en mouvement de contestation du secrétaire général Sidi Saïd. Un article de Hocine Guernane
Pendant presque un mois la contestation était limitée à des structures de base, isolées les unes des autres. Il a fallu la grève générale du 10 au 14 mars, lancée sur Facebook et organisée sans concours syndical, pour qu’une première instance intermédiaire, l’union de wilaya de Tizi-Ouzou, rompe le silence et se positionne ouvertement en faveur du mouvement populaire et se démarque de Sidi Saïd.
À Bejaïa, l’agitation des travailleurEs dans leurs lieux de travail et leur participation à des marches pendant ces journées de grève ont bousculé l’inertie des instances locales qui ont fini par rejoindre les marches. Dans un premier temps, des membres de l’union de wilaya sont venus marcher dans le carré animé par le PST, reconnaissant par là la convergence d’intérêts à sauvegarder et se réapproprier l’UGTA. Le 25 mars, l’union de wilaya de Bejaïa élaborait un programme d’actions quotidiennes par secteur d’activité, étalé sur une vingtaine de jours, du 26 mars au 18 avril, date prévue pour l’élection présidentielle avant son annulation. Ce programme consiste en grèves et marches. Les mots d’ordre avancés pour ce programme sont « le départ du système » et « la refondation de l’UGTA ».
La fronde gagne rapidement du terrain
Le 6 avril, quatre unions de wilaya (Bejaïa, Tizi-Ouzou, Saïda, Tlemcen) se sont réunies à Alger et ont signé un communiqué à travers lequel elles réaffirment leur implication dans le mouvement populaire « jusqu’à satisfaction de ses revendications » et « l’édification d’une nouvelle république » et exigent le départ de Sidi Saïd et son secrétariat national. En réaction, le secrétariat général (SG) de l’UGTA suspend les SG de ces unions de wilaya. Mais cette décision ne fait que nourrir la contestation.
Le 10 avril, des membres de la CEN (commission exécutive nationale), instance suprême entre deux congrès, des wilaya du centre (Alger, Blida, Tipaza, Médéa, Brouira, Tizi-Ouzou) au nombre de 32 sur 47, ont rédigé un communiqué dans lequel ils déclarent appuyer le mouvement populaire et dénoncent Sidi Saïd. Ils l’accusent d’avoir instauré un climat de terreur dans l’organisation, divisé les rangs et marginalisé des syndicalistes ; d’avoir éloigné l’UGTA de ses objectifs et missions de défense des travailleurEs, et d’avoir violé les règlements et statuts de l’organisation. Ils déclarent ne plus reconnaitre de décisions qui émaneraient de la direction jusqu’au départ du secrétariat national avec à sa tête Sidi Saïd. Ils déclarent se placer au côté des syndicalistes libres (contestataires).
Depuis, d’autres instances se sont jointes au mouvement de contestationn à l’instar de la fédération de la métallurgie qui organise notamment les deux principales usines (le complexe El Hadjar et la SNVI Rouiba), ainsi que la fédération de l’électronique. Mais aussi l’union locale de Rouiba (la plus importante en Algérie) et l’union de wilaya de Ouargla au sud, mais sans le SG de cette instance.
Le congrès de l’UGTA avancé
Le jeudi 11 avril, à l’appel de l’UW de Bejaïa et sous une pluie battante, des milliers de travailleurEs de tous les secteurs ont battu le pavé pour crier « Sidi Saïd dégage », « l’UGTA n’est pas ta propriété mais notre syndicat », « vive l’UGTA démocratique revendicative et autonome », « Système dégage ». Au même moment, la direction de l’UGTA acquise à Sidi Saïd tenait une réunion de la CEN. Des travailleurEs sont venus devant l’entrée du complexe hôtelier pour crier leur opposition au SG de l’UGTA. À l’intérieur, des employéEs ont refusé de servir les convives par solidarité avec les protestataires à l’extérieur.
À l’issue de cette réunion de la CEN, il a été décidé d’avancer la date du congrès, prévu initialement pour janvier 2020, et Sidi Saïd a déclaré qu’il ne sera pas candidat mais qu’il reste aux commandes pour superviser la préparation de ce congrès.
Une contestation qui vient d’en bas
Parallèlement aux initiatives qui sont prises dans l’UGTA, des syndicats autonomes ont organisé une journée de protestation à Bejaïa, qui a mobilisé environ un millier de travailleurs.
Le 10 avril, l’appel de la CSA (composée de 12 syndicats autonomes), pour une grève nationale suivie d’une marche à Alger n’a pas entraîné beaucoup de travailleurEs. Le dispositif de répression qui a été déployé a tenté d’empêcher la marche vers la Grande Poste. Malgré la répression et les arrestations, les marcheurEs ont résisté et réussi finalement à franchir les barrages dressés devant elles et eux. Les lycéenEs sont venus par milliers à la rescousse des marcheurEs pour occuper la place de la Grande Poste. Des dizaines de milliers d’AlgéroisES commençaient à affluer vers la Grande Poste pour scander les habituels mots d’ordre. Devant cette force déterminée, la police a reculé et évacué les lieux.
Les instances qui mènent aujourd’hui la contestation dans l’UGTA ont lancé un appel à leurs bases pour venir nombreux le mercredi 17 avril au rassemblement qui sera organisé devant le siège de l’UGTA à Alger. Gageons que cette fois-ci une démonstration de force sera faite.