Du 6 au 10 octobre prochains à Montpellier, un collectif d’associations, de syndicats et de partis politiques organise un contre-sommet pour dénoncer la Françafrique et jeter la lumière sur la face cachée du « Nouveau Sommet Afrique-France » qui se tient le 8 octobre.
Conférences, ateliers et manifestations viendront rythmer ces journées de mobilisation contre un sommet dont le relookage, devenu indispensable pour coller aux discours de « rupture » du moment, illustre une offensive de communication plutôt qu’un réel changement de la politique française en Afrique.
Macron dans la continuité de ses prédécesseurs
Le contre-sommet Afrique-France a pour principal objectif de mettre en lumière la continuité de la politique française sur le continent africain, par delà les ravalements de façade entrepris récemment par l’Élysée. À travers une analyse des volets économiques, militaires et anti-migrantEs de cette politique, ces rendez-vous montreront en effet que la politique de la France vis-à-vis de l’Afrique n’a pas plus changé de cap durant le quinquennat d’Emmanuel Macron que durant ceux de ses prédécesseurs, qui revendiquaient pourtant aussi une « rupture » avec la Françafrique, trop vite résumée au « Foccartisme ». Les piliers institutionnels de cette politique restent inébranlés : des liens militaires, monétaires, diplomatiques et financiers « privilégiés » unissent encore la France et des régimes autocratiques et corrompus, on l’a encore vu récemment au Tchad. Cette étroite relation sert aussi des intérêts privés, ceux de grands groupes comme Bolloré, Orange, Castel ou Total dont les positions sur le continent se sont renforcées alors que l’immense majorité des populations locales luttent au quotidien pour leur survie. Ce sommet, censé « réinventer la relation franco-africaine » selon le gouvernement, s’inscrit dans une vaste offensive de communication destinée à occulter cette continuité.
« Tout changer pour que rien ne change »
Au cours de ces dernières années, les annonces présidentielles au sujet de la politique africaine de la France ont été volontairement frappantes : restitution d’œuvres d’art, réforme du franc CFA, politique mémorielle, fin prochaine de l’opération Barkhane... Loin de retourner la table, le président Macron cherche à « tout changer pour que rien ne change ». Ces annonces ne sont de fait que peu suivies d’effet. En quatre ans, une infime part des œuvres d’art spoliées ont été rendues à des pays africains. La politique mémorielle est à géométrie variable puisque les crimes de la colonisation ou l’appui aux génocidaires rwandais ne sont évoqués que pour appeler à mieux tourner la page, sans en tirer de leçon pour la politique africaine de la France et l’imaginaire colonial qui continue de l’irriguer. La réforme du franc CFA, qui a au passage fragilisé les initiatives en faveur de la future monnaie ouest-africaine Eco, garantit toujours un rôle central à la France dans la politique monétaire des pays du « pré carré ». Quant à la fin annoncée de l’opération Barkhane, elle s’inscrit, comme les précédentes réformes du maillage militaire en Afrique, dans un redéploiement opérationnel visant à conserver ou renforcer l’influence française à moindres frais, par le biais de la coopération militaire et de l’action des forces spéciales.
Opération séduction à destination de la jeunesse africaine
Ces annonces pompeuses ne font pas rupture. Mais elles permettent à la France, de plus en plus confrontée à la colère des rues africaines, de mener une opération séduction à destination de la jeunesse africaine, dans un contexte de concurrence internationale accrue. Ainsi, le président Macron cherche à se démarquer de ses prédécesseurs en renouvelant symboliquement les vieux sommets franco-africains, pour mettre à l’honneur « la jeunesse et les acteurs issus de la diaspora, de l’entrepreneuriat, du monde culturel et sportif ». Ces mêmes individus jetés sur les routes dangereuses de l’émigration clandestine faute de visa et de perspectives. Ou encore ces étudiantEs à qui le gouvernement d’Édouard Philippe a voulu imposer en 2018 une augmentation de 1 500 % des frais d’inscription à l’université dans le cadre d’un projet cyniquement intitulé « Bienvenue en France ». Et même si lors de ces « dialogues Afrique-France », certainEs participantEs interpellent le président français sur la réalité crue de sa politique, le format – déjà expérimenté en France avec le grand débat national – offrira à ce dernier une tribune idéale pour dérouler, sans contradiction, le storytelling d’une relation renouvelée. Ce « Nouveau Sommet Afrique-France » n’est qu’une nouvelle déclinaison de la politique de relations publiques présidentielle. Or, derrière la poudre de perlimpimpin macronienne, la Françafrique reste d’actualité. L’objectif du contre-sommet Afrique-France est de le rappeler et de le montrer.