Les réponses que les partis institutionnels proposent dans la campagne présidentielle entérinent l’explosion en cours, l’Europe à géométrie variable, et ne font qu’accentuer, d’une façon ou d’une autre, la crise qu’elles prétendent surmonter.
Toutes sont incapables de dépasser la contradiction de fond qui sape la construction par en haut de l’Europe capitaliste : l’impossible fédération d’États jaloux de leurs prérogatives.
Du « patriotisme ouvert »...
Macron vient de faire le voyage à Berlin pour rencontrer Merkel et se donner la stature d’un possible chef d’État européen. Il veut « restaurer une forte confiance entre la France et l’Allemagne », en un mot affirmer l’Europe franco-allemande avec comme viatique l’offensive libérale contre les travailleurs et les peuples. Il se prétend d’un « patriotisme ouvert » face au « nationalisme étriqué » de Marine Le Pen. « La vraie souveraineté passe par une action européenne. » En clair la défense des intérêts nationaux passe par l’Europe... Patriote et européen, il entend poursuivre l’alliance avec l’Allemagne et propose une harmonisation de la politique budgétaire des États, avec un budget et un ministre des Finances de la zone euro sous le contrôle d’un Parlement de la zone euro...
Du « blabla », dit Hamon... tout en répétant quasiment la même chose, prétendant refuser l’austérité avec « un nouveau traité budgétaire européen qui permette une régulation politique et démocratique de la zone euro » à travers une nouvelle assemblée parlementaire. Européen à n’en point douter, il court cependant après Montebourg en se faisant aussi le champion du « Made in France »...
Quant à Fillon, sans grande imagination, il défend l’« Europe des Nations » dans la lignée gaulliste, qui préserverait la souveraineté des États membres.
… au souverainisme affirmé
Marine Le Pen, avec Dupont-Aignan marchant dans ses pas, promet de négocier une modification des traités et d’organiser un référendum sur la sortie de l’euro. Elle propose la mise en place de deux monnaies : « Pour les Français, il y aura une monnaie, c’est leur monnaie nationale, c’est celle qu’ils auront dans leur portefeuille, il n’y aura pas deux monnaies. […] En revanche, il est possible d’envisager pour les entreprises ce qui a existé par le passé : l’Écu, une monnaie commune. » Le tout combiné à un « protectionnisme intelligent »...
« L’Europe, on la change ou on la quitte », proclame Mélenchon en mettant en scène un scénario proche de celui de Marine Le Pen pour imposer « un rapport de forces notamment avec le gouvernement allemand » en posant dans son programme un plan A et un plan B en vue d’une renégociation des traités. Sauf que lui conditionne le maintien de la France dans l’UE à la fin de l’indépendance de la Banque centrale européenne, la mise en place d’« un protectionnisme solidaire » ainsi qu’une harmonisation fiscale sur le continent. Plan A ou B, un référendum tranchera.
Deux impasses
Du candidat des banquiers à Mélenchon, leurs solutions à la crise de leur Europe devient un nouveau problème au sens où aucun n’est capable de dénouer la contradiction fondamentale entre l’Europe capitaliste et les intérêts des États des différentes bourgeoisies. Cette contradiction ne peut connaître un dépassement progressiste que si les travailleurs, la seule classe qui n’a pas d’intérêts nationaux à défendre, s’en empare, pour mettre en œuvre une politique qui remette en cause la propriété privée capitaliste et son corollaire, l’État des classes dominantes, pour avancer vers la construction d’États unis socialistes d’Europe...
Yvan Lemaitre