Les réformes de Blanquer ont renforcé le tri social auquel se livre le système scolaire.
Il y a eu d’abord Parcoursup : que n’importe quel bachelier ait le droit de se poser sur les bancs de la fac, c’était déjà trop. Certes, touTEs les jeunes n’avaient déjà pas un égal accès à ce droit (seul 12 % des élèves de licence avaient des parents ouvriers), mais il fallait malgré tout en finir. Alors l’accès à l’université est devenu restreint, et à en croire Macron, il sera peut-être même bientôt payant. Mi-juillet 2021, quasiment 100 000 jeunes inscritEs sur la plateforme Parcoursup s’étaient vu refuser tous leurs vœux. Ils et elles sont parfois orientéEs vers les filières où il reste de la place sans que cela ne corresponde à leur volonté, mais permettant au gouvernement de dire que tout le monde a eu un petit quelque chose. Et pour celles et ceux qui refusent, il n’y a pas d’autre choix que de commencer à travailler.
L’université au service des patrons ?
Mais l’enjeu du couperet Parcoursup n’est pas seulement de fermer un peu plus les portes de la fac. Il s’agit aussi de perfectionner la tuyauterie complexe de l’enseignement supérieur dans laquelle chaque jeune se doit de passer pour se préparer à son futur travail. Les dernières déclarations de Macron vont d’ailleurs dans ce sens : « L’orientation doit évoluer pour mieux correspondre aux besoins de la nation ». Cette nation dont il parle, elle est composée des membres des conseils d’administration des grandes entreprises du pays et le premier de leurs besoins est celui d’avoir une main-d’œuvre bien formée et directement exploitable. Sur ce terrain, Pécresse donne le change à Macron. Elle veut que les formations proposées dans l’enseignement supérieur soient calibrées selon le taux d’insertion professionnelle promis par chacune d’elle. Autrement dit, ciao les formations dont les patrons n’ont pas besoin. Ces deux-là se font les oracles du Medef dont les propositions pour la campagne présidentielle reprennent les mêmes formules.
Au lycée aussi
La réforme du lycée général s’est posée comme la conséquence de Parcoursup. Si, après le bac, on se prépare à trouver un travail, alors avant le bac, on se construit un CV. À 15 ans, il faut déjà se spécialiser sur trois puis deux options qui vont suivre chaque jeune jusqu’à la fin de ses études, lui ouvrant certaines portes, mais surtout lui en fermant d’autres. Mais la petite comptabilité du ministère de l’Éducation est aussi rentrée en ligne de compte : avec la réforme, il s’agissait aussi de gérer la pénurie de moyens. En 2020, soit trois ans après, le nombre global d’heures de maths dispensées au lycée général avait déjà baissé d’environ 20 %. Les patrons grognent : sans mathématiques, sans enseignements scientifiques ou technologiques, comment vont être forméEs les ingénieurEs dont ils ont besoin ? Ils ne râlent pas autant pour les heures de français, de philo, d’histoire-géographie ou de sciences sociales (dont les heures sont en chute libre face à la plus managériale « économie et gestion ») : prendre du recul sur cette société, ça ne compte pas ? Quant aux sciences « dures », elles ne servent pas seulement à concevoir la dernière version d’un produit rentable ou à perfectionner le fonctionnement d’une chaîne de production…
Des moyens et des postes !
En fait, il faudrait embaucher massivement dans l’éducation, des enseignantEs mais pas que, également toutes celles et tous ceux qui font tourner les établissements, avec un salaire bien plus important que l’actuel. Et si on manque de salles, il faut réquisitionner les locaux nécessaires, ou les construire !
Plus de moyens pour l’éducation amélioreraient les conditions d’études, mais ne changeraient pas le fait que dans cette société, l’école est avant tout une arme de sélection massive. La volonté du Medef est claire : en haut, la filière VIP, lycée général puis au choix, classes prépas puis grandes écoles, médecine ou droit. Les enfants de la bourgeoisie y marchent déjà dans les pas de leurs parents. Et en bas, la filière tout-public mais surtout public prolo, professionnalisante sans trop d’apprentissages généralistes, pour préparer le plus vite possible les futurs travailleurEs à l’exploitation. Comment pourrait-il y avoir une troisième voie ? Pour mettre à bas l’école des patrons et repenser notre rapport à l’éducation, il faudra renverser les patrons eux-mêmes.