Publié le Dimanche 6 février 2022 à 19h00.

La galère de génération en génération

Gagner mal sa vie ne permet pas de prendre son envol par rapport à ses parents. En fait, c’est tout l’inverse qui se passe : les bas salaires et le risque de chômage maintiennent les jeunes travailleurEs dans une situation de dépendance vis-à-vis de leur famille, sans que celle-ci n’ait davantage les moyens de les aider et alors que la recherche rapide d’un emploi promettait de sortir de l’ornière.

Deux jeunes en emploi sur cinq sont aidéEs par leurs parents, cela veut dire que les trois autres ne le sont pas, qu’un jeune qui travaille desserre le budget de la famille. Mais quand le ou la jeune tombe au chômage, l’étau se resserre à nouveau, et si les parents sont sollicités, c’est sans pouvoir répondre à la demande pour autant. Alors le peu d’autonomie qu’avait pu prendre le ou la jeune est remis en question, il ou elle doit bien souvent revenir chez ses parents. En partie contre cela, Jadot propose de mettre en place un revenu minimum garanti à 1 100 euros pour touTEs les majeurEs sans emploi. C’est beaucoup ? Mais c’est le seuil de pauvreté ! Hidalgo, de son côté, veut mettre en place un minimum jeunesse. Mais le minimum pour vivre, ce que tout le monde doit avoir, c’est 1 800 euros !

On ne peut pas manger à sa faim

La dépendance à la situation matérielle de sa famille se fait sentir plus vivement chez celles et ceux qui continuent les études après le bac. UnE enfant d’ouvrier qui fait des études touche en moyenne 200 euros mensuellement de ses parents, deux fois moins qu’unE enfant de cadre. Alors il faut trouver des ressources ailleurs, ou ruser. CertainEs se mettent à travailler, mais c’est le risque d’échec scolaire qui augmente alors. Le bricolage prévaut. S’il n’est pas possible de prendre un logement près du lieu de formation, il faudra passer des heures dans les transports ou tout simplement renoncer à la formation en question. Et si finalement on prend un logement étudiant, alors ce sera en rognant sur d’autres dépenses, d’alimentation ou de santé.

Ce sont toutes ces contraintes qui pèsent déjà en temps normal qui se sont manifestées pendant l’épidémie. Deux étudiantEs qui travaillent sur trois ont dû travailler moins, ou plus du tout, ou dans une autre activité. Appauvris, certainEs se sont tournés vers les banques alimentaires et les repas à 1 euro distribués dans les restaurants universitaires, maintenus jusqu’à maintenant pour les étudiantEs boursierEs, sont comme une forme d’aveu : étudiantEs et précaires, on ne peut pas manger à sa faim. Conséquence de cela, les fragilités psychologiques des étudiantEs se sont aggravées pendant la pandémie, un tiers d’entre elles et eux disant avoir été souvent ou en permanence épuisé, triste ou abattu. On se souvient des extrémités tragiques qu’ont été les suicides d’étudiantEs ­isolés durant l’hiver 2021.

Un « revenu étudiant » ?

En l’état, les aides sociales versées aux jeunes sont majoritairement dirigées vers les étudiantEs, via les bourses et les APL. Elles sont d’ailleurs rarement suffisantes pour jouer un autre rôle que celui de complément par rapport aux ressources parentales. Faut-il en déduire, comme le font quasiment tous les candidats de gauche, qu’il faut mettre en place un « revenu étudiant » pour permettre aux jeunes de faire leurs propres choix ? Les montants de ce revenu en disent long : 800 euros chez Taubira, 850 euros chez Roussel, 1 063 euros chez Mélenchon… oui, oui, l’autonomie, elle se pratique selon eux en dessous du seuil de pauvreté ! On le répète : le minimum pour vivre, c’est 1 800 euros. Mais plutôt que de faire dépendre ce minimum de la charité publique, il faut combattre la dépendance familiale à la source : en commençant par augmenter le salaire des parents. Pas un salaire en dessous de 1 800 euros, ça vaut aussi pour eux !