Que l’on soit personnel, parent ou grand-parent d’élève ou soi-même élève, la place et la représentation des questions LGBTI dans l’Éducation nationale ne peut pas nous laisser indifférentEs.
D’abord parce que les violences morales, physiques, et parfois même sexuelles, subies par les enfants et adolescentEs lesbiennes, gays, bisexuelLEs, transgenres et intersexes, ne sont pas acceptables. Le terme « pédé » est l’insulte la plus répandue en cour de récréation, et les jeunes LGBTI ont un taux de suicide quatre fois supérieur à la moyenne. Que ce soit dans les contenus d’enseignement, dans les attitudes des personnels, dans le harcèlement des autres élèves, les enfants et adolescents LGBTI sont en permanence renvoyés à leur « anormalité » voire à leur « monstruosité »...
Il ne s’agit pas de s’inscrire dans une démarche humanitaire afin de protéger des jeunes très minoritaires d’une oppression moralement injuste, mais de lutter concrètement, au quotidien et de façon rationnelle, contre une norme hétéropatriarcale qui assigne des genres et des orientations sexuelles et amoureuses, brimant des désirs et des identités ; de lutter contre une répression qui s’abat sur touTEs les enfants, car bien peu en réalité sont celles et ceux qui se conforment idéalement à la norme. Une répression qui, au quotidien, légitime et légitimera les violences que subiront celles et ceux qui ne s’y plieront pas.
Les réacs décomplexés...
Encore aujourd’hui, les enfants sont présupposés cisgenres et hétérosexuelLEs. Un paradoxe que Paul B. Preciado a dénoncé dans son article « Qui défend l’enfant queer ? ». C’est en partant de ce postulat que tant de parents, sous le joug de la propagande réactionnaire, s’inquiètent depuis des années de la « dénaturation » que pourrait provoquer chez leurs progénitures le fait de passer dans le cadre scolaire un dessin animé qui raconte une histoire d’amour entre deux poissons (!) mâles, la mise en place de dispositifs pédagogiques sur l’égalité filles-garçons, l’existence de livres sur les familles homoparentales dans les bibliothèques scolaires, ou l’explication que le genre est un construit social. Cela renvoie bien sûr en creux au fait que les LGBTI ne seraient, elles et eux, pas « naturelLEs », mais des « déviantEs ».
Cette rhétorique naturaliste est évidemment largement portée par l’extrême droite. L’Éducation nationale a toujours été un champ de bataille idéologique. Mais depuis quelques années, et en particulier dans la foulée des Manifs pour tous, une offensive réactionnaire a pris pour thématique d’autoconstruction la question du genre et de l’orientation sexuelle. Décomplexés par la bienveillance médiatique et gouvernementale à leur égard, les mouvements autour de la Journée de retrait de l’école, des comités de vigilance anti-gender, ou la fédération autonome des parents courageux, soralienNEs et catholiques intégristes, se sentent pousser des ailes, et prouvent bien que l’homophobie et la transphobie sont dans l’ADN de l’extrême droite.
Au cœur d’un projet d’émancipation
Alors, que faire ? Il est insuffisant de dénoncer ponctuellement la stigmatisation des LGBTI ou de porter un discours du droit à la différence. Il est temps d’assumer nos analyses et nos positions, dans et autour de l’école : il faut dire que l’homosexualité, la bisexualité, la transidentité, font partie de la nature, que leur proportion dans l’espèce humaine ne sera réellement connue que lorsque l’hétéro-patriarcat sera aboli ; que oui, le genre est une construction sociale, qu’il n’y a pas de nature ni d’essence féminine ou masculine, et que l’homophobie et la transphobie sont des outils du patriarcat.
Il est temps, enfin, de cesser de considérer les luttes LGBTI comme des problématiques secondaires auxquelles nous nous consacrerons quand ce sera « la priorité dans la période », et de les considérer pour ce qu’elles sont : des conditions sine qua non de l’émancipation individuelle et collective.
Chloé Moindreau