Publié le Mercredi 21 septembre 2022 à 13h00.

Aux urgences, à l’hôpital, la catastrophe est là

«La catastrophe annoncée ne s’est pas produite » : François Braun, nouveau ministre de la Santé, est plutôt satisfait en cette fin d’été. Pourtant, dans le monde réel, celui des établissements où nous travaillons, où les patientEs tentent de se faire soigner, la catastrophe a bel et bien eu lieu et elle va continuer :

– Malades sur des brancards pendant des heures aux urgences, faute de lits pour les accueillir, de soignantEs pour s’occuper d’eux, ou renvoyés dans d’autres établissements ;

– Lits et services fermés, consultations reportées faute de personnel.

Pour les patientEs ce sont des « pertes de chances », des décès évitables, des états de santé dégradés.

L’Insee note « des pics de recours aux soins d’urgence du 15 au 18 juillet » et a établi que « les décès totaux du mois de juillet 2022 sont supérieurs de 13 % à ceux de juillet 2019 ».

Pour M. Braun, cela n’a sans doute rien à voir avec le manque de personnel et la détresse des hôpitaux. 

Le 3 août, en déplacement au CHU de Nantes, le ministre a osé affirmer : « Il n’y a pas de fermetures d’urgences, je crois qu’il faut arrêter avec ce terme qui est tout le temps utilisé ». Une semaine plus tard, il devait admettre le contraire.

Trahi par les siens !

Ironie de l’histoire, les propos de F. Braun ont été démentis par Samu-Urgences de France dont il était le président quelques semaines plus tôt. Cette association a rendu public le résultat d’une enquête menée au mois de juillet dans la moitié des services d’urgences. Celle-ci établissait que « 42 établissements avaient été contraints de réaliser une fermeture totale, de nuit, de leur service d’urgences en juillet, pour un nombre cumulé de 546 nuits en juillet » et que 23 établissements avaient « réalisé une fermeture totale [jour et nuit] pour un nombre cumulé de 208 jours ».

La réduction du nombre de passage aux urgences a été obtenue en limitant l’accès aux soins, pour celles et ceux qui n’ont pas d’autre solution. En rendant obligatoire l’appel aux Samu pour accéder aux urgences, le gouvernement n’a fait que déplacer le problème. Les fanfaronnades du ministre affirmant que « cette régulation n’apporte pas une dégradation des soins, mais au contraire une meilleure orientation des patients en fonction des besoins » sont contredites par la réalité.

L’impossibilité d’accéder directement aux urgences s’est traduite par une explosion des appels au Samu, auxquels celui-ci ne pouvait toujours répondre dans les délais satisfaisant, avec un fort risque de « perte de chances », dans les situations critiques.

Quant aux prétendues « solutions alternatives », consistant à renvoyer les patientEs vers la médecine libérale, elles n’apportent que des réponses très partielles et imparfaites à l’heure où les médecins de villes sont elles et eux aussi débordés et où les déserts médicaux s’étendent.

Automne 2022 : grand bla bla et austérité

Alors qu’il faudrait un plan d’urgence, avec des mesures immédiates et fortes (recrutements, formations, budgets) pour sauver l’hôpital et redonner confiance à celles et ceux qui y travaillent, Macron et Braun nous refont le coup du « grand débat » : une « grande conférence » sur « l’accès aux soins » va être organisée de septembre à décembre… pour des « décisions » en début d’année 2023.

Mais pendant qu’ils vont amuser la galerie avec leur « grand bla bla », le rouleau compresseur de l’austérité continue d’avancer. En octobre sera discutée la loi de financement de la Sécurité sociale qui attribuera, pour l’année 2023, les enveloppes au système de santé. Une fois votée, ces enveloppes ne peuvent être dépassées.

Or Macron l’a annoncé : le temps du « quoi qu’il en coûte » est révolu. Plus question de laisser « filer les déficits ». Les hospitalierEs seront donc appeléEs une nouvelle fois à faire plus et mieux avec moins de moyens.

Et pendant ce temps-là l’inflation galope et les salaires stagnent…

Les maigres revalorisations issues du Ségur de la santé sont absorbées par l’inflation. Ce n’est pas la « revalorisation du point d’indice » de 3,5 %, quand l’inflation a été officiellement en un an aux alentours de 6 %, qui va nous permettre de mieux vivre. Et cela va empirer dans les mois qui viennent avec les nouvelles hausses prévues des prix de l’énergie et de tous les produits de première nécessité.

Sans rire, Macron n’a pas hésité à dire à celles et ceux qui terminent déjà difficilement chaque mois, que le temps de « l’abondance » était terminé.

De la colère à la mobilisation : c’est maintenant qu’il faut agir

L’heure n’est pas à attendre, mais à agir. Pourtant, dans les hôpitaux, si la colère est bien là, elle peine à se transformer en mobilisation. La lassitude et la fatigue pèsent. Les divisions entre syndicats, la répétition de journées d’actions sans lendemain n’aident pas. En ce mois de septembre, la CGT appelle à une journée d’action dans la santé le 22 septembre, tandis que CFDT, FO et UNSA, obligés de constater qu’ils ont été les dindons de la farce du Ségur, appellent à l’action le 27 ! Le 29 septembre, l’appel à la mobilisation concerne touTEs les salariéEs.

Malgré leurs limites il faut s’emparer de ces possibilités d’action. Mais il est urgent, dans des assemblées générales, de discuter d’une mobilisation unitaire, d’une tout autre ampleur, à la hauteur des attaques que nous subissons. Dans une déclaration commune, 17 associations, syndicats, partis ont affirmé leur volonté de « construire ensemble un processus de mobilisation populaire pour mettre en échec la politique sociale et climatique menée par le gouvernement et imposer les changements nécessaires ». Il faut maintenant passer des paroles aux actes.

Les salariéEs du Royaume-Uni, qui subissent encore plus les attaques et la précarité montrent qu’il est possible de s’engager dans cette voie. Il n’y a pas d’autre issue.