Entretien. La répression qui s’abat sur les militantEs ne doit pas faire oublier que l’État et les forces de l’ordre sévissent chaque jour dans les quartiers populaires. C’est ainsi que Yanis, 20 ans, est mort à la suite d’une course poursuite avec la police. Émilie, membre de l’association Justice et Vérité pour Yanis et du collectif « Stop Violences policières » à Saint-Denis (93) raconte le combat judiciaire et quotidien.
Près de deux ans après les faits, la famille de Yanis vient d’obtenir l’ouverture d’une instruction, pourrais-tu revenir sur les étapes du combat qui l’ont rendue possible ?
Pour nous, il était essentiel d’avoir accès à la justice, et surtout à l’enquête qu’ils ont menée, pour comprendre exactement ce qu’il était arrivé à Yanis ce soir du 14 avril 2021. Notre combat a duré presque deux ans, rythmé par des marches et d’autres mobilisations militantes. Nous n’aurions jamais trouvé la force seuls de mener un si long combat et nous remercions infiniment tous nos soutiens, qui nous ont donné du courage et qui ont cru à nos côtés à ce combat juste. Cette mobilisation populaire a permis l’ouverture de l’instruction. Mais notre combat n’est pas terminé, il s’agit aujourd’hui de se battre pour obtenir le visionnage rapide des images de vidéosurveillance ainsi que l’entière vérité sur le déroulement des faits qui ont enlevé la vie à un jeune dionysien de 20 ans.
La famille de Yanis et le comité Justice et Vérité pour Yanis ont eu un rôle central dans la construction du collectif Stop Violences policières Saint-Denis, pourquoi est-ce une démarche importante pour vous ?
Nous avons vécu un événement plus que tragique : perdre un proche qui a croisé une police aux techniques violentes et condamnables. Nous ne le souhaitons à personne. Nous avons décidé d’être actifs dans la lutte contre toutes les formes de violences exercées par les forces de l’ordre sur notre territoire car malheureusement Yanis n’est pas l’unique victime. Nous n’accepterons plus de blessés, nous ne voulons plus de morts. Nous exigeons une police exemplaire qui respecte le code de déontologie et tous les administréEs. Le collectif a la capacité de porter cette exigence.
Quels sont les éléments qui font de ce collectif un outil de protection utile/indispensable dans une ville populaire comme Saint-Denis ?
Le collectif Stop Violences policières à Saint-Denis, qui existe depuis novembre 2022, a permis d’élargir le combat que nous menions au sein de l’association Justice et Vérité pour Yanis, mais avec des forces vives et engagées. De nombreuses personnes se tournent désormais vers le collectif pour dénoncer les violences subies par la police municipale ou nationale, qui n’accordent que trop peu d’estime aux DionysienEs raciséEs et/ou militantEs. Le collectif est présent à chaque mobilisation où la police est aussi présente, pour créer un rapport de forces et assurer la protection de toutEs. Notre rôle est de lutter contre ces violences, celles qui se perpétuent car systémiques, en leur donnant de la voix et en accompagnant les victimes. Et puis surtout en luttant effectivement contre les possibles dérives dans la ville la plus peuplée d’Île-de-France et qui s’apprête à recevoir les jeux Olympiques : depuis l’arrivée à la mairie de Mathieu Hanotin, la police municipale a été armée, de nouvelles brigades créées, les effectifs augmentés, les caméras de vidéosurveillance ont été triplées…
Quels sont les objectifs et l’agenda du collectif Stop Violences policières Saint-Denis ?
Le collectif Stop Violences policières à Saint-Denis vise trois objectifs. Le premier est d’aider les victimes, les familles et les proches des victimes à se défendre et à faire valoir leurs droits ainsi qu’à obtenir vérité, justice et respect. Le deuxième objectif est de créer du lien entre les habitantEs de Saint-Denis, afin de nous instruire de nos droits face aux abus de la police, et de nous organiser collectivement pour combattre les politiques sécuritaires et répressives. Enfin notre troisième objectif est de créer localement un rapport de force pour nous faire effectivement entendre et faire cesser ces pratiques abusives au sein de notre ville.
Le collectif Stop Violences Policières à Saint-Denis est présent sur les réseaux sociaux (Instagram, FB) et se réunit toutes les trois semaines. Ces réunions fréquentes permettent de dresser des bilans et de mener des actions en conséquence. Elles permettent aussi à chacun de se former pour lutter de manière effective et quotidienne contre les violences policières. Le collectif organisera au courant du mois de juin une journée en soutien à toutes les victimes de la répression à Saint-Denis et à celles et ceux qui organisent leur défense.