Publié le Mercredi 20 avril 2022 à 13h00.

L’extrême droite : quel programme et quelles forces sociales ?

Marine Le Pen a fait campagne en cherchant à se parer d’un visage social. Elle veut donner l’impression d’augmenter les salaires en transformant les cotisations sociales en salaire net, en défiscalisant les heures supplémentaires. C’est-à-dire augmenter le pouvoir d’achat tout en attaquant le salaire socialisé (sécurité sociale, retraites, etc.). Cela irait de pair avec le développement de fonds de pension privés, enjeux stratégique du patronat français pour concurrencer les fonds de pension anglo-saxons ou issus des rentes de l’exploitation des matières premières (pétrole, gaz, huile de palme…).

Un programme raciste et antisocial

Le RN a toujours été un parti de l’ordre exigeant des interventions policières plus importantes dans le maintien de l’ordre social et colonial dans les quartiers mais aussi dans les mobilisations y compris lors des Gilets jaunes. Ce parti exige depuis toujours la dissolution des syndicats et le retour à un fonctionnement pétainiste réconciliant travail et capital, dont des CSE à peine réformés pourraient très bien servir de forme moderne. Au-delà de la dissolution des syndicats, le RN prévoit également la dissolution de toutes les organisations communautaires ou qui défendent les droits des étrangerEs. Son arrivée au pouvoir signifierait donc des dissolutions massives et des arrestations nombreuses dans le mouvement de solidarité. Dans le même sens, le RN prévoit également de réduire les financements des organisations féministes, LGBTI +. De fait son accession au pouvoir signifierait un recul du droit à l’avortement.

Mais surtout le programme du RN est un programme de ségrégation raciale. Multiplication des arrestations, des placements en centre de rétention, des expulsions, interdiction du port du voile dans l’espace public, d’envoyer de l’argent au pays : toutes ces mesures font partie du programme de Marine Le Pen. Il faudrait y ajouter le déchaînement de violences racistes menées par les groupes d’extrême droite et la police dont l’assassinat du rugbyman Aramburu il y a quelques semaines est un avant-goût.

La constitution d’un bloc social ?

Ce programme et son profil d’union nationale de défense contre la vie chère, l’immigration et la menace terroriste permettent à Marine Le Pen de constituer un bloc ralliant différentes catégories sociales géographiquement situées dans les zones périurbaines. On y trouve des fractions de la petite-bourgeoisie, notamment des indépendants, de secteurs ouvriers derrière des fractions de la bourgeoisie, notamment du patronat des petites et moyennes entreprises qui bénéficient peu ou sont victimes de la mondialisation et du marché commun.

Ce qui rend possible la constitution de ce bloc, c’est le poids des défaites du passé, la paupérisation d’une partie de notre camp, la perte de croyance dans la possibilité de trouver des issues collectives. Ce poids du rapport de forces dégradé conduit à rechercher des solutions individuelles, centrées sur le repli sur soi, racistes et contre la solidarité.

La stratégie de dédiabolisation de Marine Le Pen et sa préparation à l’accession au pouvoir d’État par le biais institutionnel, combinées aux importantes difficultés financières du parti, sont venues s’opposer à la construction d’un parti militant. À l’inverse, Reconquête a mené campagne, distribué des tracts et des affiches dans ces nouvelles zones d’implantation. Cette campagne militante a permis de regrouper des dizaines de milliers (peut-être 100 000) de partisans dans des meetings à l’échelle de la campagne. Même si les chiffres sont sûrement gonflés, l’apparition d’un nouveau parti de plusieurs dizaines de milliers de militants est extrêmement inquiétante pour l’avenir.