Publié le Dimanche 26 avril 2015 à 07h38.

Retour sur « l’affaire Mégret »

Bruno Mégret, né en 1949, est aujourd’hui retiré de la vie politique active...

Jeune ingénieur multi-­diplômé – Polytechnique, Berkeley –, il s’était « engagé en politique » à travers des cercles intellectuels ultra-élitistes, qui revendiquaient le qualificatif de « Nouvelle Droite ». Ce fut d’abord le « Club de l’Horloge », issu du GRECE d’Alain de Benoist, avec lequel il partage certains fondamentaux idéologiques. Mais à la différence du GRECE, le Club de l’Horloge entend militer en descendant dans l’arène de la realpolitik. C’est ainsi que Bruno Mégret se retrouve membre de la direction du RPR, à partir de 1979 – parrainé par Charles Pasqua – et candidat aux législatives de 1981. Mais après la défaite de la droite contre François Mitterrand, il cherchera d’autres horizons politiques, et intégrera le FN en 1985, FN dont il deviendra rapidement l’idéologue en chef.

La « vieille garde » du FN qui entoure alors Jean-Marie Le Pen (Roger Holeindre, Marie-France Stirbois…) le soupçonne de mollesse idéologique puisqu’il serait un « technocrate ». Rien n’est plus faux que cela : Mégret est entouré de gens au profil idéologique très « radical ». Des individus comme Jean-Yves Le Gallou ou Pierre Vial (qui s’éloignera plus tard vers un néofascisme groupusculaire) sont des idéologues purs et durs. Mais ils considèrent aussi, majoritairement, que les tentatives de minimiser publiquement les crimes du fascisme et du nazisme historiques ne servent à rien, et qu’il faut s’orienter vers « les questions du futur »...

Le népotisme Le Pen

Le fondement de la déchirure est double. D’abord, à partir des législatives de mai-juin 1997, Bruno Mégret avait ouvertement choisi une autre stratégie que celle de Jean-Marie Le Pen. Sur fond de défaite de la droite RPR-UDF, il avait tenté de diviser celle-ci en lui adressant des propositions d’alliance « à l’italienne », pays où les « postfascistes » avaient gouverné une première fois avec Silvio Berlusconi dès 1994. Aux régionales de mars 1998, des alliances implicites mais réelles entre FN et droite furent conclues dans cinq régions, avant d’être cassées au bout de quelques jours à la fois par la direction du RPR mais aussi par Jean-Marie Le Pen...

Le second fondement résidait dans le conflit de pouvoir qui s’était ouvert à partir du moment où, provisoirement inéligible suite à une condamnation pénale par la Cour d’appel de Versailles (1998), Jean-Marie Le Pen avait misé sur la « solution familiale ». Pour le remplacer aux élections européennes de 1999, il avait en effet choisi son épouse Jany – qui disait d’elle-même qu’elle n’avait aucune expérience politique –, causant ainsi la fureur de cadres « méritants » comme Bruno Mégret et d’autres. Ces derniers souhaitant une primauté de la structure politique sur la cellule familiale Le Pen. L’exclusion de Bruno Mégret et d’autres dirigeants allait provoquer la crise.

L’«affaire Mégret » se solda par une scission dans laquelle le FN (qui comptait 42 000 adhérentEs à jour de cotisation fin 1998, ce qui correspond à peu près au chiffre réel de fin 2014) perdra environ 15 000 membres. La tentative de Mégret de créer un parti rival, aujourd’hui baptisé MNR (Mouvement national républicain), se soldera néanmoins par un échec.

Bertold du Ryon