Publié le Mercredi 8 février 2023 à 14h59.

« Crise du crack » à Paris : tout ce qui devrait être fait

Le crack, c’est-à-dire de la cocaïne « basée » à l’ammoniaque ou au bicarbonate, apparaît à la fin des années 1980, via la communauté antillaise. Il rencontre son public en parallèle au déclin de la consommation d’héroïne qui a alors une très mauvaise image due à l’hécatombe des années sida.

Aujourd’hui la pratique qui consiste à « baser » la cocaïne1 est très répandue et ne pose pas de problème de désocialisation à l’immense majorité des usagerEs, ce qui ne veut pas dire que l’usage de ce produit n’ait pas de possibles conséquences sanitaires : troubles neurologiques, cardiovasculaires, problèmes respiratoires, etc.

La situation parisienne, principalement dans le nord-est, est particulière car elle rassemble les consommateurs les plus précaires, cumulant des difficultés sociales, des problématiques administratives, des pathologies psychiatriques, qui sont extrêmement visibles dans l’espace public

Une scène de consommation ouverte

Dans les années 2000, de pression policière en évacuation de squats et de scènes de consommation, une scène ouverte plus ou moins tolérée se met en place sur un terre-plein entre deux voies au niveau de l’échangeur du périphérique de la porte de la Chapelle, profitant d’un angle mort des travaux de réaménagement de La Plaine Saint-Denis. C’est la fameuse « colline du crack » qui sera évacuée et immédiatement réinvestie par les usagerEs une bonne quinzaine de fois entre 2005 et 2019. À ce moment, les choses s’accélèrent. La « colline » étant définitivement inaccessible, les usagerEs se déplacent à Aubervilliers, réinvestissent Stalingrad où la consommation n’avait jamais vraiment disparu, se dispersent un peu partout entre le 18e et le 19e arrondissement. Les riverains sont excédés, la Mairie de Paris évoque la mise en place de salles dédiées aux usagerEs de crack. Darmanin refuse. Le ministère de la Santé se tait. Direction les jardins d’Éole, à cheval entre les deux arrondissements. Certains riverains s’en prennent aux usagerEs à coups de mortiers d’artifice. La Mairie décide de fermer le parc. Les consommateurs squattent alors devant les grilles, rue Riquet, et, en septembre 2021, c’est la préfecture qui envoie tout le monde porte de la Villette, square Forceval, murant au passage la voie d’accès à Pantin sous le périphérique. En octobre 2022, évacuation à grand spectacle de Forceval…

Toujours plus éloignéEs, toujours plus invisibiliséEs, les usagerEs subissent les aléas des politiques d’aménagement urbain et la gentrification. La préparation des jeux Olympiques de 2024 joue un rôle d’accélérateur dans cette politique, à Paris mais aussi en Seine-Saint-Denis.

Pourtant, des solutions existent…

Mis à part Darmanin, personne ne pense sérieusement que l’usage de crack dans l’espace public, qui entremêle des problématiques sociales et de santé, pourrait être résolu par des mesures de police. La présence de fourgons de CRS à Stalingrad ou à la Goutte-d’Or n’a jamais rien changé à la situation, ni des usagerEs ni des riverains.

Pragmatiques, les autorités suisses l’ont bien compris, et depuis longtemps. La première salle d’injection a ouvert ses portes à Berne en 1986 ; la première SCMR française (salle de consommation à moindre risque), en 2016 à Paris, soit avec 30 ans de décalage…

Au Portugal, depuis 2001, l’usage et la détention en petite quantité ne sont plus un délit. Les différents produits ne sont pas légalisés mais la priorité est donnée à la réduction des risques et à l’accompagnement sanitaire des usagerEs.

En France, le point de blocage vient de la loi de 1970, qui empêche la mise en place d’une véritable politique des drogues — loi qu’il faut absolument abroger de toute urgence — et de son corollaire qui est la mainmise du ministère de l’Intérieur sur la question, au détriment du ministère de la Santé. Un déséquilibre qui s’est accentué sous Macron, au point que sur cette question du crack, comme celle du cannabis, Darmanin tient systématiquement le crachoir tandis que les autorités de santé sont inaudibles. C’est ce qui s’est produit à Forceval, en attendant la prochaine reconstitution d’une scène ouverte à Paris ou en banlieue proche.