Publié le Mardi 21 mai 2024 à 15h00.

Guerre à la drogue : la fuite en avant du gouvernement

Deux événements quasi concomitants, la remise du rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur « l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier » et l’attaque sanglante d’un fourgon de l’administration pénitentiaire dans l'Eure, ont replacé la question des drogues illicites sous le feu des projecteurs.

Pour le pouvoir et les éditorialistes, la question se réduit à deux aspects : la hausse de la violence et le développement de la corruption.

Un niveau de violences en hausse

Qu’elles soient liées à une évasion ou peut-être à l’enlèvement d’un acteur du trafic de stupéfiants, les images de l’attaque du fourgon de la pénitentiaire et son lourd bilan humain dévoilent la généralisation de la violence liée au « narcotrafic ».

Les chiffres sont accablants, plus de 300 homicides en 2023, dont 47 rien qu’à Marseille. La plupart des victimes sont des habitantEs des quartiers populaires, qu’ils et elles soient impliqués dans le trafic ou victimes collatérales ; beaucoup plus rarement des policiers, comme cela a été le cas à Avignon en 2021. C’est ce qui explique l’emballement médiatique autour de l’attaque du 14 mai au péage d’Incarville.

Cette violence décomplexée est à l’image de ce qu’on a pu voir aux États-Unis dans le passé avec l’utilisation d’armes de guerre pour accéder au contrôle d’un territoire.

Corruption à tous les étages

Le marché des drogues illicites représente un chiffre d’affaires estimé entre 3,5 milliards d’euros, selon Bruno Le Maire, et 6 milliards, d’après le rapport de la commission. 

Un poids économique qui explique les multiples affaires de corruption impliquant des policiers, de la consultation et revente d’informations venant de fichiers de police à la détention provisoire en 2023 d’un brigadier-chef de la police judicaire de Seine-Saint-Denis soupçonné de renseigner un important réseau de trafiquants. La corruption touche également les éluEs locaux, comme l’illustrent le renvoi en correctionnelle de la maire de Canteleu en Normandie, pour « complicité de trafic de drogue » ou la saisie de 70 kg de cannabis et d’un kg de cocaïne chez la maire d’Avallon dans l’Yonne.

Une « DEA à la française » ?

Face à ces problèmes réels, la réponse proposée n’est pas à la hauteur des enjeux : « DEA à la française » [NdlR : DEA, Drug Enforcement Administration], mise en place d’un parquet national antistupéfiants et bien sûr continuation des opérations « Place nette » pour « pilonner les points de deal ». Un langage guerrier dont le pouvoir macronien est coutumier pour masquer une politique vouée à l’échec.

La prise en compte des aspects sanitaires et sociaux, la question de la prohibition, de la nécessaire remise en cause de la loi de 19701 restent pour le moment taboues. En 2024, on en est donc encore à la « guerre à la drogue » à la française avec Darmanin dans le rôle de Nixon2. Il est temps de changer de modèle en matière de politique des drogues.

Alex Bachman

 

  • 1. https://lanticapitaliste…
  • 2. En 1971, le président américain Richard Nixon déclare la « guerre contre la drogue », prélude à des décennies de répression aux États-Unis et dans le monde. Une politique de prohibition qui est un échec à l’échelle mondiale.