Publié le Dimanche 28 janvier 2018 à 18h03.

« Croire en la cause, croire en ce que vous défendez, croire dans les valeurs qui doivent exister et dans la reconnaissance qu’on doit avoir de nos anciens »

Entretien avec Anne-Sophie Pelletier, porte-parole des grévistes de l’EHPAD des Opalines de Foucherans, dans le Jura, dont la grève de 117 jours a beaucoup contribué à attirer l’attention sur la situation des EHPAD.

Peux-tu nous présenter les Opalines ?

Les Opalines, c’est un groupe de 46 établissements qui relèvent du privé à but lucratif et qui est tenu par deux familles (400e fortune française), avec une fortune en 2016 qui a augmenté de 25 %.

Avant, ils étaient directeurs des Leclerc de Montbéliard (Doubs) et de Beaune (Côte-d’Or). Donc, maintenant au lieu de vendre du sucre, ils vendent de la vieillesse.

Peux-tu rappeler les raisons de votre grève ?

La grève a commencé parce qu’on a fait un arrêt sur image, on a regardé nos résidents et on s’est rendu compte qu’on ne les prenait pas en charge. On a dit à la cadre infirmière : « On n’en peut plus, ça ne peut plus continuer comme ça, vous ne remplacez pas quand il y a de l’absentéisme. Si ça continue, on va se mettre en grève ». Elle a posé son stylo et elle a rigolé. Les copines, elles arrivaient de plus en plus en pleurs le matin, la boule au ventre et la grève a été décidée en même pas une semaine. La grève a commencé le 3 avril 2017.

Qu’est-ce qui vous a permis de tenir 117 jours et de remporter une victoire ?

La solidarité des citoyens, des syndicats, de tout le monde. Les familles, nos familles. Le collectif. Le fait qu’on soit toutes très soudées. Je vais être un peu féministe, et je vais dire aussi qu’on est des femmes et que la grève a tenu parce qu’on s’est complètement oubliées : on s’est mise un peu en mode « mamans ». Comme si on était en pleine grossesse. La grève c’est une forme de grossesse. Et puis surtout : croire en la cause, croire en ce que vous défendez, croire dans les valeurs qui doivent exister et dans la reconnaissance qu’on doit avoir de nos anciens. 

Il y avait aussi les familles de résidents qui nous ont beaucoup soutenuEs. 

Vous avez toujours fait le lien entre maltraitance des personnels et maltraitance des résidents par l’institution. Peux-tu préciser ?

La maltraitance du personnel c’est ne pas voir et ne pas se préoccuper de la culpabilité que porte le personnel quand il ne s’occupe pas bien des résidents. Il y a de la maltraitance institutionnelle parce qu’il n’y a aucun contrôle de l’État.

La différence entre le privé lucratif et le public c’est aussi le reste à charge pour le résident. Ça va être beaucoup plus cher en privé à but lucratif. Tant que l’État continuera à, excusez-moi du terme, engraisser des EHPAD à but lucratif, on en arrivera à des aberrations pareilles. 

Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Aux Opalines, à la fin de la grève il y avait quelques points du protocole qui étaient tenus, comme par exemple le remplacement. Aujourd’hui ce n’est plus le cas. Ça recommence. 

Maintenant mon combat, ce n’est plus que Foucherans. Mon combat est aussi national. Mais sur Foucherans beaucoup d’ex-­grévistes sont parties parce que ce n’était pas tenable. 

Le 30 janvier sera la première journée de grèves et de manifestations des EHPAD. Que faut-il en attendre ? Quelles suites vois-tu au combat que vous avez mené ?

Je pense très honnêtement, et ce n’est pas pour nous mettre en valeur mes camarades et moi, qu’il n’y aurait pas eu ce combat des Opalines, il n’y aurait pas eu cette médiatisation, il n’y aurait pas eu ce rapport flash 1, il n’y aurait pas cette journée des EHPAD, le 30, qui est une journée intersyndicale en plus et il faut s’en réjouir... Et j’espère que le 30 janvier il y aura beaucoup de monde dans la rue parce qu’on va être très très observéEs par le SYNERPA qui est le syndicat des patrons des maisons de retraite à but lucratif. Ça va être très suivi aussi par l’État. 

Propos recueillis par des correspondantEs NPA à Besançon

1– Rapport des parlementaires sur les EHPAD.